L’année 2024 débute avec des conflits sortant des codes classiques de la diplomatie traditionnelle. Avec une unité européenne largement fissurée, l’Europe est mal outillée face à la montée des autoritarismes et des menaces internationales.
Par Cadfael
L’Europe face aux alliances non amicales.
Les démocraties européennes sont affaiblies par la mollesse et les querelles incessantes des élites politiques traditionnelles et des économies en berne. L’attaque sauvage d’Israël par le Hamas a également révélé que des équipes du Hamas opèrent en Europe. Elle a fait dévier l’attention de l’agression russe de l’Ukraine à la grande satisfaction du maître du Kremlin. Le 27 décembre dernier, une réunion discrète à Moscou entre Lavrov, ministre des Affaires étrangères, et son homologue indien, posait les bases d’une alliance selon laquelle l’Inde soutiendrait tacitement les menées hégémonistes de Poutine. Ce partenariat « spécial et privilégié » vise un « ordre global qui doit changer ». Cela devrait permettre à la Russie et à l’Inde, avec l’aide de la Chine, de renforcer leur influence planétaire. Selon les experts, la neutralité de l’Inde en matière d’Ukraine semble bien terminée. En 2022 la Russie livrait 45% de l’armement acheté par l’Inde et les deux développent des projets de production conjointe d’armement.
Et le Hamas.
La Russie est, avec l’Iran, un des gros pourvoyeurs en armes du Hamas dont certaines issues de stocks ukrainiens saisis par l’occupant russe. Une étude de Harvard pointe les livraisons parfaitement planifiées avec Moscou. Certaines se font avec le soutien de la Syrie et de l’Iran grâce à l’implication des Gardiens de la révolution, le bras armé des ayatollahs. En contrepartie, l’Iran livrerait des drones « kamikaze » bon marché destinés à être utilisés en Ukraine lors d’attaques. Utilisés en masse, ils visent à saturer les systèmes anti-aériens américains sophistiqués et coûteux dont disposent les Ukrainiens.
Palestine-Russie une amitié ancienne.
L’amitié avec « le peuple frère » russe a une longue tradition remontant à la guerre froide. Nombre de cadres palestiniens ont été formés dans les universités russes et les centres de l’ancien KGB. Une délégation du Hamas a été reçue en octobre dernier à Moscou et a officiellement remercié la Russie pour son support. Déjà en mars 2006 des responsables du Hamas étaient reçus à Moscou peu de temps avant leur prise de pouvoir à Gaza. Entretemps des meetings ont eu lieu soit en Russie, soit au Qatar, « sponsor » majeur du Hamas. On y aurait vu les cerveaux d’attentats sanglants hébergés dans des hôtels de luxe. En parallèle la Russie a renforcé son réseau de relations avec l’Iran et plus particulièrement avec les Gardiens de la révolution, la Russie est devenue le premier investisseur étranger en Iran. On notera que la Russie a fourni une assistance non négligeable dans la mise au point du programme nucléaire iranien.
Money, money and money.
Les experts estiment que le budget annuel du Hamas est de 2.5 milliards de dollars dont 25% à 50% iraient vers des activités militaires. Ses leaders ont commencé immédiatement après leur prise de pouvoir en 2007, à accumuler des richesses en éliminant impitoyablement les concurrents du Fatah, le parti « légitime » d’Abou Abbas. Actuellement 20% de l’immobilier de la bande de Gaza serait la propriété du Hamas. La construction et la gestion de tunnels rapporteraient plus d’un demi-milliard par an en marchandises de contrebande, en taxes perçues tout en permettant l’introduction de matériel militaire. La fortune du Hamas semble toujours intacte. Gérée à partir de la Turquie et investie dans des entreprises de pays amis, cela rapporterait selon l’« Economist » du 20 novembre 23, plus d’un milliard de dollars par an. Parfaitement informés depuis 2018, les États-Unis et Israël n’ont pas pris cette information au sérieux.
Et la Chine.
Les Israéliens ont retrouvé quantités d’armes chinoises et Nord-Coréennes à Gaza. Pékin a lâché sa meute nord-coréenne en lui permettant la vente massive d’armes, dont des missiles que l’on retrouve sur le théâtre de guerre ukrainienne. La politique anti-occidentale de Pékin dure depuis les guerres d’Indochine et de Corée en livrant des armes tout en évitant une implication directe trop visible. Depuis l’arrivée de Xi au pouvoir, la coopération de défense avec l’Iran a pris de nouvelles dimensions. L’Iran a armé le Hezbollah et le Hamas comme il a armé les Houthis avec du matériel chinois et russe. Ce clan familial chi’ite ultraconservateur, originaire des montagnes yéménites, sachant jouer des alliances tribales, dispose maintenant d’un armement étonnement sophistiqué et d’un savoir-faire pointu. Cela lui permet de s’attaquer en permanence aux lignes d’approvisionnement de la mer rouge : une menace sérieuse pour le commerce mondial. Les représailles par les forces américaines et anglaises ont entraîné ce 15 janvier des attaques iraniennes directes par missile sur des objectifs américains et israéliens au Kurdistan irakien. Dans ce jeu de l’intox et de la contre-intox, on note une lente escalade. S’arrêtera-t-elle aux portes de l’Europe ?