Texte par Cadfael

La Covid-19 et le respect des gestes barrières ont-ils accéléré la passage au paiement tout numérique ? Si nous n’en sommes pas encore là, nous y arrivons à grands pas. Est-ce que nous sommes prêts à laisser tomber l’argent liquide pour une crypto monnaie ?

La fin du numéraire ?

Payer en numéraire risque de devenir, dans un avenir relativement proche, chose difficile, voire impossible. Payer en espèces est problématique pour beaucoup de monde. Pour les banques, la gestion de l’argent liquide coûte cher, un client ne doit-il pas être le plus rentable possible ? Pour les gouvernements, les payements en liquide sont difficilement contrôlables. Ils permettent toutes sortes de manipulations : payements au noir, corruption ou simplement manque de transparence fiscale et comptable et in fine un gros manque à gagner pour le fisc. Les groupes criminels de toutes sortes affectionnent le numéraire car il est bénéfique à leurs petits  et grands business. Quel addict irait payer ses doses de cocaïne avec une carte de crédit ? Comment échapper à la TVA si ce n’est en réglant en numéraire ?

Le faiblesse des gros billets

Le numéraire constitue un poil à gratter pour beaucoup d’instances gouvernementales nationales et internationales. Les billets de 500 euros, faciles à transporter, facile à envoyer sont sujets à toutes les suspicions et maints gouvernements aimeraient les voir disparaitre. Ils sont utilisables potentiellement par plus de 340 millions de personnes dans 23 pays de l’Union Européenne et certains pays hors de l’Union. La Banque Centrale européenne avait annoncé qu’elle arrêterait de les fabriquer en 2018. En fait, la dernière impression remonte à l’an 2014. Leur disparition serait un point important dans la lutte contre le financement du terrorisme. On notera que le grand frère du billet à 500 euros est le billet suisse de 1000 francs. 

Au 1er janvier 2020 il restait pratiquement 446 millions de billets de 500 euros en circulation. La monnaie fiduciaire en circulation concerne 10 % du PIB dans l’Union Européenne que les responsables politiques et économiques, pas nécessairement pour les mêmes raisons, cherchent à limiter, sinon à faire disparaitre, et à transformer en flux numériques contrôlables tout en gardant la confiance des utilisateurs dans les organes de gestion, de contrôle et d’émission.

Les bonnes habitudes ont la vie dure

Mais voilà, on ne fait pas disparaitre de manière aussi simple un outil qui est essentiel à l’activité humaine depuis des millénaires. Depuis l’abandon de l’économie de troc, la monnaie sous diverses formes permet de manière simple et pratique, les échanges de biens et de services tout en garantissant de nécessaires libertés et anonymats à ses détenteurs. Dans une société défendant les principes d’une démocratie libérale comme la nôtre, cette liberté d’agir hors des contrôles d’un « Big Brother » est fondamentale. Cette façon de voir est profondément ancrée dans notre civilisation, même si le numérique omniprésent, érode lentement ce cadre. 

La monnaie numérique au quotidien ?

La Bundesbank allemande, dans sa session d’automne qui vient de s’achever, informe sur son site que Christine Lagarde, la cheffe de la Banque Centrale Européenne, va enfin présenter les résultats d’un groupe ad hoc sur un euro digital. Il pourrait s’agir d’une monnaie numérique à deux niveaux, utilisable tant par les privés que par les diverses banques centrales nationales. Comme on peut le lire sur le site de la Bundesbank, son président est moins enthousiaste que Mme Lagarde et recommande une grande prudence en la matière ainsi que le respect des intérêts des consommateurs (m/f).

D’après lui les systèmes de payement électroniques doivent être sûrs, confortables, rapides et bon marché. Il précise qu’une monnaie digitale passant par les banques centrales n’était pas une nécessité.

La vraie menace du 100% numérique

Un certain nombre de grands projets de monnaie numérique existent. Certains échappent totalement aux contrôles des instances économiques et financières nationales ou supranationales internationales, comme c’est le cas par exemple pour le « Libera », projet de Facebook. Cette monnaie digitale ou crypto monnaie n’est pas du goût de tout le monde. La France, pays centralisateur et contrôleur par excellence, la verrait bien règlementée. Les États-Unis également ce qui fait que Facebook sous l’effet de diverses pressions a repoussé et réorienté sa mise sur le marché.

Depuis février de cette année, la Suède expérimente une monnaie nationale totalement digitale, le E-Krona, crypto-monnaie, qui serait gérée par la banque centrale nationale et utilisable comme la monnaie fiduciaire mais en tout numérique via des carte bancaires, téléphones et ordinateurs. La banque centrale garantit l’anonymat et la sécurité des échanges et des avoirs. On notera que la Suède n’est pas membre de l’Euro comme d’ailleurs la Bulgarie, Croatie, Danemark, Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, la Tchéquie et bien-sûr le Royaume-Uni. 

Le roi toutes catégories des crypto monnaies le Bitcoin, monnaie à 100% digitale créée en 2009 par un certain Satoshi Nakamoto, un pseudonyme, représente un média de payement et un réseau de distribution et de transfert. Il a été inventé́ spécifiquement pour contourner toutes sortes règlementations, fiscs, contrôles, même si, aujourd’hui un effort en matière de conformité aux lois est fait. Il n’en est pas moins largement utilisé dans le monde du crime et du terrorisme et représente toujours un bel outil de fraude, cauchemar de services de lutte la criminalité organisée. 

Le privé peut en acquérir et spéculer que ce soit sur le Bitcoin ou d’autres crypto monnaies ayant vu le jour ces dernières années. Ikea comme d’autres, accepte des payements en bitcoins de même que certaines plateformes de jeu en ligne, Amazon va suivre. Cette valeur très spéculative valait au 15 septembre 9.142.34 euro à 12h14 GMT, le jour d’avant 8.990.65 euro, une belle partie de saute-mouton par rapport à sa valeur du 14 août de cette année qui était de 10.362.46 euros. 

Et l’Empire du milieu s’y met également 

Le gouvernement chinois est en train de tester à grande échelle sa propre crypto monnaie avec probablement comme objectif de l’appliquer grandeur nature aux jeux olympiques d’hiver à Beijing en 2022. Elle fera concurrence à celles de géants chinois comme Alibaba, le facebook chinois ou Tencent, le géant des produits et services numériques. Avec une telle puissance de feu la Chine représente un réel danger pour le Bitcoin ou même le dollar. Toutes ces technologies représentent des médias de payement et de contournement numériques, ce qui a  permis à la société́ d’analyse Chainanalysis qui travaille dans une quarantaine de pays, de dire que l’année dernière 50 milliards de dollars en cryptomonnaies se sont évadées de Chine vers d’autres régions « Tous ces montants ne représentent pas nécessairement de l’évasion fiscale » souligne la société. 

Sommes nous mal à l’aise ? 

Et le Luxembourg : probablement mal à l’aise avec ces moyens de payement hautement volatiles dans lesquels on aimerait plus de transparence. Le CSSF a émis des règlements et demande des autorisations pour négocier en Bitcoin, malgré tout, ces monnaies numériques comparables à de l’hydrogène restent très difficiles à capter selon les spécialistes. Trouver un juste milieu est déjà difficile dans la régulation des outils financiers classiques, ce sera d’autant plus sensible et important dans le numérique. 

À LIRE AUSSI