L’adaptation du best-seller de Gilles Legardinier, Complètement cramé !, sort en salles ce 8 novembre au Luxembourg. L’auteur s’est associé à la productrice luxembourgeoise Christel Henon pour l’écriture du scénario et a assuré lui-même la réalisation de ce long-métrage, produit par Bidibul Productions et distribué par Tarantula Distribution. Un baptême du feu plus que réussi puisque le film, porté par un casting de rêve (John Malkovich, Fanny Ardant, Emilie Dequenne, Philippe Bas, Eugénie Anselin), garde la même dose d’humour et de sensibilité que le roman.
Le film est sorti le 01/11 en France. Avant ce lancement officiel, vous avez fait quelques avant-premières. Quels sont les premiers retours ?
Gilles Legardinier : Nous avons présenté le film dans 44 villes. Celui-ci a été accueilli très chaleureusement partout. Pendant la séance, les gens rigolent beaucoup. Je dirais donc que l’accueil est à la fois joyeux et enthousiaste.
Comment est née cette adaptation de votre roman ?
Christel Henon : J’ai lu le livre Complètement cramé ! en une nuit, je me souviens avoir adoré l’histoire. J’ai trouvé l’email de Gilles (Legardinier) et je lui ai envoyé un petit message. Je lui ai indiqué que j’étais productrice et s’il souhaitait adapter son ouvrage au cinéma j’étais plus que partante ! Ce fut notre première prise de contact. Nous avons ensuite longuement discuté.
Gilles Legardinier : Nous avons immédiatement sympathisé. Nos échanges étaient nombreux, car nous souhaitions faire les choses bien.
Christel, qu’est-ce qui vous a marqué dans le roman de Gilles ?
J’ai aimé l’univers, le fond, l’esprit du livre. J’ai été touchée par toute la bienveillance qui en ressortait. La vie n’est jamais terminée peu importe les passages difficiles que l’on rencontre. Elle vaut la peine d’être pleinement vécue, il faut oser regarder son voisin et discuter avec lui. En dehors de l’humour, j’ai également adoré les échanges entre les personnages. L’humanité et la profondeur du roman m’ont profondément marqué.
Quant à vous Gilles, vous avez dit oui immédiatement ?
Dès qu’un roman fonctionne, vous avez des propositions de société de production. Ce qui me plaisait chez Christel, c’était son envie réelle et la façon dont elle avait reçu mon roman. Elle avait compris mon livre de la même façon dont j’avais souhaité l’écrire. J’avais une sensibilité, un regard sincère sur mon écrit. Nous étions réellement en phase sur ce qu’on pouvait en faire. Et surtout, pour Christel, ce n’était pas un projet en plus mais un véritable combat qu’elle prenait à bras le corps. Je suis surtout sensible à ce qui est humain et je préférais partir avec Christel que de devenir un dossier dans une pile.
Vous avez ensuite continué à travailler ensemble sur l’écriture du scénario ?
Gilles : Alors non, pas tout de suite. Au départ, je ne devais ni écrire ni réaliser. Christel a avancé avec une équipe mais elle n’était pas satisfaite de l’écriture. Elle m’a demandé si j’étais prêt à me lancer. Je ne souhaitais pas me mouiller tout seul, je lui ai donc proposé de devenir ma coscénariste. En termes de réalisation, personne ne s’y retrouvait non plus. Puis Universal Pictures m’a convaincu de devenir le chef d’orchestre de ce film. Nous avons passé 10 ans main dans la main avec Christel, à se pousser et à y croire quand l’autre n’y croyait plus. Nous avons été un très beau tandem de travail, soutenu par des tas de gens. Le film ne se serait pas fait sans Christel et il ne pouvait pas se faire sans moi. C’est la bonne paire, nous avons énormément rigolé à l’écriture du scénario.
Vous avez eu plusieurs casquettes dans votre vie, mais réalisateur n’en faisait pas partie. Avez-vous eu une quelconque appréhension ?
Gilles : Je n’ai pas tellement confiance en moi, il y a que les abrutis qui ont confiance en eux. Mais j’ai mis toutes les chances de mon côté pour atteindre mon objectif. Je rêvais de travailler avec ce casting. Ce qui est joli dans ce projet c’est que presque malgré moi j’ai pris une place que je ne revendiquais pas mais dans laquelle je me suis senti fabuleusement bien.
Comment avez-vous choisi les acteurs pour les différents rôles du film ?
Gilles : À l’instinct et à la rage ! (rires) À l’instinct pour le choix des acteurs et à la rage, pour tenir et surmonter les refus. Nous avons d’abord cru que John Malkovich disait non mais c’était en réalité ses agents qui faisaient barrage. Il n’avait jamais vu le scénario. Après moult rebondissements, Christel a trouvé le moyen de le contacter lui directement et lui a envoyé le script. Il l’a lu en quinze jours et il a voulu faire le film. Il nous a fallu 7 ans pour le joindre.
Le choix de John Malkovich une évidence ? Est-ce qu’il a été difficile à convaincre ?
Gilles : Je n’ai jamais vu John mauvais dans un film. Il a cette aptitude à pouvoir jouer les crevures ou les saints. Il peut être quelqu’un de très positif ou au contraire quelqu’un de très négatif avec la même crédibilité. Au-delà de ça, je ne pense pas qu’on puisse diriger des acteurs de ce calibre-là mais on peut les détecter. Je ne crois pas à la direction d’acteurs mais à la détection d’acteurs. Il y a un truc que je sens chez John et cela vaut pour tout le casting, qui est de l’ordre de l’humanité. Tous pourraient être des caricatures. John pourrait être un vieux qui en a fini avec la vie, Fanny (Ardant) est un ermite, Philippe (Bas) c’est le gars des bois et Emilie (Dequenne) c’est une vieille fille. Mais tous dépassent la caricature dans laquelle ils auraient pu être enfermés.
Quels sont les aspects de la production du film qui vous ont le plus surpris ou impressionné par rapport à votre expérience en tant qu’écrivain ?
Gilles : Ce que j’ai découvert c’est la responsabilité. Je ne sais pas jouer de tous les instruments mais j’étais le chef d’orchestre. Il fallait que chaque note sonne juste. J’avais déjà travaillé avec des costumiers, des directeurs de la photo… C’est un milieu que je connais très bien. Mais le moment où vous devez tout trancher tout décider, c’est une énorme responsabilité. Ce sont des choix qui doivent être réfléchis, qui doivent être des choix sincères mais qui surtout engagent le projet.
Le film garde la même dose d’humour et de sensibilité que votre livre, comment fait-on pour ne pas trahir l’identité du roman ?
Gilles : C’est ma nature, je suis ce que j’écris. Quand Christel m’a demandé de reprendre le scénario et de m’y atteler, elle savait qu’elle proposait au type qui était la matière première. Je ne sais pas faire les choses trop sérieusement. Ce n’est pas ce que je suis. Dans la mesure où l’âme est la même, il paraît évident que la vibration allait être pareille.
Contrairement à la sortie de vos livres, avec ce film, vous pouvez percevoir en live les réactions des spectateurs. On sait que ce contact avec les gens vous tient particulièrement à cœur… Qu’est-ce que ça fait ?
Gilles : Effectivement, c’est plus immédiat. Lorsque les gens lisent un livre, et qu’ils viennent vous voir en dédicace, ils ont eu le temps de réfléchir et ils peuvent être un peu impressionnés. Je casse la glace très vite puisqu’il me paraît impensable de maintenir un rapport star/fan qui me dépasse totalement. Lors d’une séance, il y a quelque chose de plus instinctif et immédiat mais qui a la même puissance émotionnelle. Quand vous débarquez à l’issue de celle-ci dans une salle, les gens ont encore les larmes aux yeux ou mal au bide d’avoir ris. Il y a une certaine énergie. Je me sens à ma place lorsque je vois ça. Faire en sorte que les gens aillent mieux c’est vraiment un truc que j’adore.
Est-ce que cela vous a donné envie de retravailler ensemble ?
Gilles : On l’a eue dès le départ donc si on nous en laisse le moyen on repart ! Mais cela ne dépend pas de nous. Je n’avais pas de plan de carrière, Christel n’a pas décidé de devenir productrice d’un projet comme cela. On a décidé de partir ensemble pour une histoire à laquelle elle croyait, et je n’ai pas décidé de devenir autour de best-sellers. C’est le public qui a fabriqué cela, et ce dans les deux cas. Sa carrière de productrice, Christel se l’est construite sur des coups de cœur et un savoir-faire. Là, pendant qu’on parle, des gens voient le film et c’est bouleversant. Et j’espère qu’ils ne sont pas que deux… (rires)
Une anecdote de tournage ?
Gilles : C’est difficile parce que je pourrais en raconter des tonnes. Mais je crois que je vais retenir la scène où Christel attend à la grille sous une pluie battante. Elle s’est pris 14 000 litres d’eau ! (rires) Tout le staff avait des cirés mais ce n’était pas son cas. Il y avait carrément des mecs avec des lampes à pluie et des lances d’incendie. 10 minutes avant la prise, Christel vient me voir et me demande : « Gilles, l’eau est chauffée ? ». Tout le monde connaissait la réponse, à part elle visiblement ! Lorsqu’elle traverse la cour de son pas martial pour rejoindre John qui l’attend avec le parapluie, il est mort de rire.
Christel : Je me suis dit je suis la productrice, ils vont prendre soin de moi. Mais même pas !