Lors de ses discours télévisés et de ses interventions au Parlement visant à mettre en place des mesures urgentes, nécessaires et pragmatiques, notre Premier Ministre aura réussi à montrer que l’Etat fait preuve d’une volonté forte et n’est pas défaillant en cette période de crise.

Il est clair que son mandat sera placé sous le signe de l’un des plus grands défis auxquels un gouvernement luxembourgeois aura été confronté depuis la crise pétrolifère des années 70. Un véritable casse tête pour lui et son équipe, d’autant plus que la situation hospitalière dont il a hérité de ses prédécesseurs, n’est pas le meilleur atout dont il dispose à en juger de la carte sanitaire du Luxembourg ainsi que des études de l’OCDE et de l’UE en la matière. Cela ne préjuge en rien de la compétence et du dévouement des équipes médicales ainsi que des forces étatiques et privées faisant de leur mieux dans une situation risquant à tout moment de déraper.

Un système fragile

Cette crise souligne à quel point notre pays est dépendant de l’étranger. Elle a fait ressortir de manière imprévue la question des capacités de notre système hospitalier et des options existantes ou non, en cas de saturation. Le discours du président Macron de lundi dernier a bien montré la fragilité d’un pays comme la France, pays disposant de moyens autrement plus puissants que notre petit Grand-Duché.

La semaine dernière la Frankfurter Algemeine commentait une étude conjointe de la Bertelsmann Stiftung et de Deutsche Bank Resaerch affirmant que les unités de soins intensifs en RFA seront toutes saturées à la mi-mai avec des patients COVID 19 et qu’il n’y aura très probablement plus de lits disponibles début juin. D’après la chaine de télévision allemande ZDF le gouvernement allemand prévoit d’augmenter considérablement ses capacités en soins d’urgence. Aujourd’hui le système hospitalier en Italie sature et le pays se sent abandonné par l’UE. L’agence de Presse Reuters informe que la Suisse saturera en fin de mois. Avec une population de 8.6 millions d’habitants le pays dispose de seulement 1 200 lits d’urgence.

Le Luxembourg ex aequo avec la Suisse

Les statistiques 2019 de l’OCDE 36 donnent un classement de la couverture en lits hospitaliers qui nous place en milieu de peloton ex aequo avec la Suisse avec 4,5 lits pour 1 000 habitants, ce qui est peu par rapport à l’Allemagne et ses 8 lits ou encore l’Autriche avec 7,4 lits pour 1 000 habitants. L’Italie quant à elle, avec 3,2 lits par 1 000 habitants se retrouve nettement en dessous de la moyenne des 36 pays de l’OCDE qui est de 4,7 lits par 1 000 habitants. Curieusement, le Royaume Uni avec 2,5 lits par 1 000 habitants et la Suède avec 2,2 lits sont dans le peloton de queue. Entre 1986 et 2017 notre pays a réduit ses capacités hospitalières de manière dramatique. Lorsqu’en 1986 on dénombrait 36 établissements hospitaliers, il en restera 12 en 2017. Le nombre de lits d’hôpital toutes catégories confondues a diminué de 25% entre 2004 et 2015. Fini les notions de service publique, vive la privatisation et le formatage selon des notions de coût et de « rendement » dignes de l’industrie privée.

Cette politique à court terme ne tenait pas compte des avertissements des grandes agences de santé telles que l’OMS. Malgré cela nous avons les dépenses de santé les plus élevées de l’UE alors que ce sont des chiffres bruts, qu’il conviendrait d’analyser de manière plus fine. Face à une pandémie tout aussi brute, même une analyse fine ne permettrait pas d’occulter une question fondamentale : À quel moment le seuil de rupture de charge humain et technique de notre système hospitalier sera- t-il atteint et que se passera-t-il ensuite ? Quelles seront les options de secours ouvertes au pays ?
Le pays aura-t-il accès à des hôpitaux militaires comme ceux que l’armée française va installer en Alsace et dans le Grand Est ? En début de semaine le gouvernement écossais a décidé de doubler ses capacités en soins intensifs et d’augmenter les lits d’hôpital de 3 000 unités.

Dans ce contexte, il est d’autant plus curieux que le Centre Hospitalier Emile Mayrisch vient d’informer qu’il va fermer ses hôpitaux de Niederkorn et de Dudelange dans le cadre d’une
« réorganisation » et qu’il compense ces fermetures – qui impliquent probablement la disparition de plusieurs centaines de lits – en libérant 34 lits pour des patients COVID 19.
L’Union fait la force, sauf que certains n’ont toujours pas compris.

 

Texte : Cadfael

 

À LIRE AUSSI