Mme Goldberg était, jusqu’à récemment, Économiste en chef de la Banque Mondiale. Cette diplômée en économie de l’Université de Fribourg en Allemagne, détenant un PhD en économie de Stanford, professeure en économie à Harvard, présidente élue de la Société́ Américaine d ‘Économétrie jusqu’en 2021, a derrière elle, un parcours professionnel impressionnant. Elle vient de démissionner de manière surprenante de son poste a la Banque Mondiale pour retourner enseigner à Harvard.

La revue britannique ”Economist” du 13 février dernier suggère que cette démission serait liée à la publication d’un rapport de la Banque Mondiale de février 2020 par trois chercheurs, l’un de Banque Mondial, les deux autres de l’Université de Copenhagen et de la très réputée – BI Norvegian Business School-, rapport que l’on peut télécharger sur le site de la Banque Mondiale (www.worldbank.org).

Un rapport qui dérange

Intitulé “Elite Capture of Foreign Aid: Evidence from Offshore Bank Accounts”, le rapport cible les flux financiers sur la période de 1990 à 2010 liés aux versements des aides de la Banque mondiale en s’attachant de manière plus spécifique les 22 pays en développement les plus nécessiteux de la planète. Ces pays touchent entre 2% et 10% de leur Produit National Brut en aides. La Banque Mondiale verse quant à elle annuellement plus de 50 milliards de dollars sous forme de prêts.
Avant publication, les résultats de ce rapport (basés sur une méthodologie scientifique solide) sont passés par un examen de pairs : du rigoureux et du sérieux. Les auteurs ont d’abord analysé les contrats liant la Banque mondiale aux pays demandeurs. Ensuite ils ont travaillé sur les données de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) à Genève, institution qui possède des bases de données financières concernant les résidents de 200 pays reliés à 43 centres financiers internationaux.

Des résultats qui dérangent

Les résultats de leurs recherches sont intéressants : durant la période des trois mois qui suivent les versements des tranches de crédit de la banque mondiale vers les pays en développement, on observe par montant correspondant à 1% du PNB du pays en question, une activation de flux financiers de ce pays vers des paradis fiscaux. Flux qui représentant en moyenne 3.4% du montant transféré́. Ces résultats sont considérés comme conservateurs, car ils n’incluent pas les achats de biens de luxe et d’immobilier. On ne note pas ce genre de flux financiers vers des pays considérés comme n’étant pas des paradis fiscaux comme la Suède, l’Allemagne ou la France.

Les déperditions majeures vers des paradis fiscaux se font de la part de pays comme l’Afghanistan, l’Arménie, l’Éthiopie, le Mozambique, le Ruanda, l’Uganda, et la Guyane. Ce sont des particuliers de Madagascar, du Ruanda, de Tanzanie, de Zambie et du Burundi qui détiennent les comptes off-shore les plus étoffés. Les pays destinataires de ces montants sont à plus de la moitié des volumes sous analyse, la Suisse, le Luxembourg, la Belgique, et les Iles anglo-normandes. Le rapport reconnait que la Suisse est le pays dans lequel les échanges d’informations ont le plus progressé. Notons que notre pays est membre depuis de 27 décembre 1947 de la Banque Mondiale et que notre Ministre des Finances siège au board des gouverneurs. Mme Goldberg serait-elle partie, comme le spécule l’ « Economist » parce que au sein de la banque mondiale, elle et d’autres, soutenaient ce rapport. Mme Goldberg n’a pas commenté́.

Beaucoup de questions et peu de réponses

Ce rapport soulève plusieurs questions dont entres autres:

  • Quid de l’éthique de certaines élites politiques de pays en développement ?
  • Pour quelle raison, le Luxembourg est cité ?
  • Qui contrôle les critères d’attributions des prêts de la Banque Mondiale ?
    et in fine, la question sous-jacente : y a -t -il chez nous, deux poids, deux mesures ?

Cadfael

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