Tout le monde connait les grandes ONG engagées dans des combats contre la misère, la maladie et d’autres fléaux omniprésents sur notre planète. L’humanité́ et l’empathie envers l’autre devraient être des piliers de nos sociétés ou la technologie règne en maître. Elles permettent à des structures très orientées business de développer de belles croissances à l’ombre de ces ONG de l’humanitaires.

Les ONG ont un besoin fondamental de dons pour pouvoir agir sur le terrain. Elles ont recours à diverses techniques de fund raising, que ce soit par un appel à la générosité de leurs membres ou par des campagnes d’acquisition de nouveaux dons.

Ce qui est moins connu est le fait qu’il existe des sociétés spécialisées dans ce genre de d’appel aux fonds. Elles appellent cela le « face to face marketing », en d’autres termes, depuis que le porte à porte n’est plus illégal au Luxembourg, elles pratiquent ce que l’on appelle communément « Klenschendrecken », un démarchage à domicile autrefois appelé colportage.

Nous allons nous intéresser à l’une d’elles : Activate Luxembourg. Comme son site web le renseigne, elle agit au nom de deux grandes ONG actives dans l’Humanitaire : Oxfam et Unicef Letzebuerg.

Sa force de travail : les étudiants

« Si intégrer le monde du marketing Face to Face avec des projets innovants et motivants vous intéresse : rejoignez notre équipe Activate Luxembourg ! »
Activate cible ainsi les étudiants en décrivant les jobs offerts comme : « tu es notamment l’ambassadeur d’organisations à but non lucratif tel qu’Oxfam Solidarité et tant d’autres ».

Le site web indique bien une localisation physique à Luxembourg et pour le suivi, renvoi à des adresses web et des numéros téléphoniques de contacts belges. Les contrats de salaires sont établis par une société́ qui s’appelle Tentoo, structure juridique hollandaise spécialisée dans le gestion de salaires et autant pour des freelance que pour des employés standard. L’étudiant est considéré comme intérimaire, avec comme commanditaire Activate BVBA (structure belge) et comme nom de production « ACTB Luxembourg ». Compliqué pour du simple fund raising. Les jeunes employés au sein de cette structure touchent un fixe et une commission par contrat signé.

Une ambiance de travail parfois citron

Le site web d’Activate parle d’une grande flexibilité ; « collègues souriants et ambiance conviviale, horaire variable défini par soi-même » mais également déclarations qui se fissurent face aux conditions du réel.

Après une courte formation aux méthodes commerciales on met une solide pression pour vendre, « face to face », c’est à dire en faisant du porte à porte. L’objectif est de deux contrats par jour, si la moyenne tombe en dessous de ce seuil : menaces de licenciement immédiat. On peut se rattraper avec la conclusion de 7 contrats sur 3 jours sinon le collaborateur est viré par un « collègue souriant » chef d’équipe sans autre forme de procès. Certains renvois semblent même se faire par SMS.

Et qu’en est-il du respect de la législation sur les jobs étudiants?

Le site d’Activate ne renseigne que peu ou pas sur leur structure juridique ni sur les autorisations de commerce nécessaires, ni sur le siège ni sur les bénéficiaires économiques. Quant aux contrats liants les jeunes à Activate, comment faut-il les interpréter au regard du droit luxembourgeois ; CDD, CDI, contrat d’intérimaire, les recruteurs n’informent guère.

Cette approche est-elle compatible avec la législation luxembourgeoise sur le travail et les jobs étudiants, qui sont sérieusement encadrés dans notre pays. Chez Activate ce point ne semble pas préoccuper grand monde, chez les ONG donneuses d’ordre non plus. Curieux dans un monde où on est sensé travailler pour le respect de la personne humaine et de ses droits.
Le mangement d’Activate au Luxembourg est surtout composé par des étudiants, des sortes de group captain, dont certains sont encore au lycée. Un manque certain de maturité́ dans la gestion des troupes est constaté par des observateurs externes. Lors des fameuses de tempêtes d’il y a quelques mois, où le gouvernement avait conseillé aux habitants du pays de rester chez eux, le management avait envoyé ses collaborateurs faire du porte à porte dans un village luxembourgeois.

Activate Luxembourg fait partie d’une chaine de montages juridiques peu transparents comportant tout un ensemble de structures (SQPeople, The Sales Unit, Cut to Black, One Community), fonctionnant sur le même mode mais ciblant des marchés différents ; soit ceux de l’humanitaire soit celui d’entreprises commerciales. Leurs activités couvrent plusieurs pays dont le Luxembourg, la Belgique et l’Allemagne.

Et in fine : quel part de l’argent des généreux donateurs revient réellement aux ONG ? Ainsi va l’Europe : business is business, l’humanitaire s’adapte aux dépends de ceux qui ont besoin de gagner leur vie à l’exemple de ces étudiants qui payent leurs études.

 

Texte : Cadfael