Les sanctions occidentales et nord-américaines visant la Russie et nombre de ses oligarques n’empêchent pas les affaires de continuer. Selon les spécialistes, une grande partie du commerce des diamants, bruts comme taillés, réussit à passer entre les mailles du filet.
Par Cadfael
Un marché planétaire
Depuis l’invasion de l’Ukraine, les diamants originaires de la Fédération de Russie sont considérés comme des diamants de sang et à ce titre soumis à une double réglementation : celles des accords Kimberley mis en place en 2003, et des divers embargos émis par les puissances occidentales, le tout ralentissant leurs échanges commerciaux, sans les arrêter. Selon le « diamond index », les cours sont en chute depuis au moins un an. La distribution de diamants russes sur les marchés mondiaux, via des canaux complexes et opaques, serait une des causes de cet effondrement des prix. La Russie pèse 30% du volume mondial en pierres exportées. En 2021, l’Union européenne importait pour 1,5 milliard de dollars de diamants russes selon Eurostat. A la même époque, ce marché rapportait 4.9 milliards de dollars à Moscou. Selon les connaisseurs, les oligarques russes seraient contrariés par la tournure des choses, ce qui n’est pas bon pour le maître du Kremlin.
En ce qui concerne les pierres brutes, leur destination demeure obscure. « Cela pourrait être Anvers, Dubaï, Surat ». Cette ville indienne, réputée pour être un des centres mondiaux les plus importants de taille de diamants bruts, constitue une concurrence directe d’Anvers. On notera que l’Inde qui n’est pas liée aux embargos en vigueur négocie également de grosses quantités de pétrole avec Moscou.
Alrosa et le G7
Selon Reuters du 30 octobre, les membres du G7, qui représentent 70% de la demande mondiale, ont décidé de tenter de mettre sous un contrôle plus efficace la distribution de diamants russes sur les marchés occidentaux. Avant l’invasion, le groupe étatique russe Alrosa produisait 35.6 millions de carats de brut par an. Selon les observateurs spécialisés, son activité n’a pas ralenti depuis l’agression de l’Ukraine. La cote « Rapaport », la référence hebdomadaire en matière de tarification diamantaire, qui cite les comptes trimestriels d’Alrosa, note que les ventes sont constantes malgré l’embargo.
On notera que les débouchés principaux par ordre décroissant étaient la Belgique avec presque 2 milliards de chiffre d’affaires, les Émirats arabes unis, l’Inde, Israël et le Botswana. Fin septembre, le groupe a stoppé temporairement ses ventes face à la dégringolade des cours mondiaux. Le G7 s’est donné comme mission de mettre sous contrôle les produits des ventes du groupe via les circuits indirects et occultes à partir du 1er janvier 2024. Comme l’impact de cette décision est fondamental pour l’industrie mondiale du diamant, qui pèse 87 milliards de dollars, des groupes de travail belges, indiens, du Conseil mondial du diamant et un groupe composé d’industriels de la haute joaillerie française ont été chargés d’élaborer des propositions. A suivre !
Le Kimberley process
En 2003, afin de garantir que les diamants vendus sur les marchés occidentaux ne proviennent pas de régions en guerre, on a instauré, sous l’égide de l’Union européenne, le processus de Kimberley qui met en place des procédures de contrôle et de garantie avec des points d’entrée obligatoires vers l’UE. Il y en a 7 dont un est Lisbonne. Le Portugal comme l’Espagne avaient une loi qui permettait aux descendants des Juifs sépharades, qui avaient émigré à l’époque de la rechristianisation brutale de la péninsule, de pouvoir récupérer la nationalité portugaise ou espagnole à la condition de pouvoir démontrer cette filiation.
Il s’avère que de manière fort opportune et parfois rocambolesque, incluant une enquête de l’état pour trafic d’influence, un notaire véreux, un rabbin pauvre devenu riche ainsi que d’autres turpitudes, douze des plus importants oligarques russes ont pu démontrer leurs origines sefardies. Ils sont devenus citoyens portugais l’année dernière sous le gouvernement socialiste dont le Premier ministre vient de démissionner suite à des soupçons d’indélicatesses dans des attributions de concessions minières. Issus de secteurs aussi divers que l’énergie, l’exploitation minière, les services de sécurité, la défense… ces braves russes sont devenus de dignes citoyens portugais et européens. Un hasard ? Honni soit qui oserait mal y penser.