Le pape Bergoglio, le patron de l’Église catholique a une dimension qui ne laisse personne indifférent. Personnalité spirituelle et politique, il tente d’ouvrir le Vatican au monde actuel en le nettoyant de ses calamines, au grand dam des conservateurs.

Par Cadfael

Des changements lents, mais réels ?

Reçu comme une rockstar partout où il passe, le personnage est complexe par ses approches de sujets politiquement et socialement sensibles. Sa vision d’une spiritualité ouverte avec un contenu « humaniste » inspiré de la base dérange dans une institution génétiquement centrée sur le divin. En 2013, sa réforme du Code pénal pour lutter contre la pédocriminalité et la corruption au sein de l’institution marquait le coup d’envoi. Il aura dépoussiéré l’approche du Vatican par rapport aux inégalités économiques, les migrations, le changement climatique. Le 31 octobre dernier, le site du Vatican lançait un gros pavé dans la mare des conservateurs en stipulant qu’une personne transgenre « peut être baptisée aux mêmes conditions que les autres fidèles ». Le rôle de parrain et de marraine est également ouvert aux LGTB. La cohérence avec sa déclaration du 3 août à Lisbonne où il affirmait que « dans l’église il y a de la place pour tous » a dû faire exploser la barrette de certains hiérarques. Ne s’opposant pas à la bénédiction des alliances homosexuelles, le mariage gay n’est pas à l’ordre du jour. N’avait-il pas fait savoir en 2020 qu’il était favorable à l’union civile des personnages gay.

L’épine sarde

Comme le démontre la destitution la semaine dernière de l’évêque ultra conservateur du Texas, François continue de remettre de l’ordre dans une administration secouée par les scandales financiers. Les « lobbys » homosexuels au sein de la hiérarchie, les pratiques pédophiles et les liens avec les diverses mafias posent toujours problème. Le cas le plus emblématique est probablement celui du cardinal Becciu. Ce cardinal d’origine sarde, déchu de ses droits, se retrouve devant la justice pénale vaticane pour détournements de fonds au profit d’une coopérative de trois de ses frères et l’achat rocambolesque d’un immeuble dans le quartier chic de Chelsea en novembre 2020. L’agence de presse catholique informe que les perquisitions montreraient que plus de 800’000 euros seraient parvenus au frère du cardinal Becciu par le biais de la Conférence des évêques d’Italie et de l’Institut des Œuvres de Religion, la banque privée du Vatican. Une partie de ces sommes aurait été utilisée pour l’acquisition d’un appartement privé à Rome. Parmi les dix accusés, on retrouve de hauts cadres de l’Autorité de supervision et information financière (ASIF, ex-AIF), de la Secrétairerie d’État et de l’Administration du Patrimoine du Siège apostolique. Ils sont accusés de fraude, détournements de fonds, abus de pouvoir, blanchiment, corruption et extorsion.

La dame sarde

En octobre 2020 la justice italienne avait arrêté la « dame du cardinal », Cecilia Marogna, 39 ans, originaire de Sardaigne, comme Becciu, sur base d’un mandat d’Interpol émis à la requête du Vatican. Elle s’était vu confier 575.000 euros par le Saint-Siège qu’elle aurait dépensés en produits de luxe et en nuits d’hôtel. L’enquête montrerait qu’elle espionnait les collègues du cardinal en ciblant d’éventuelles « fautes morales ». En juillet dernier, le procureur général du Vatican a requis contre le cardinal, qui clame toujours haut et fort son innocence, 7 ans et trois mois de prison et des saisies de l’ordre de 14 millions d’euros. La sentence est attendue avant fin de l’année.

Une succession en préparation

Depuis sa prise de fonction, le pape a renouvelé 70% du collège des cardinaux dont la nomination est à sa discrétion. Seuls les cardinaux de moins de 80 ans peuvent voter lors d’un conclave pour l’élection d’un successeur. À 86 ans François semble faire un maximum pour que son œuvre de chef de l’état du Vatican et de guide spirituel de millions de personnes trouve un successeur apte à continuer le chemin entamé. Ne demandait-il pas un « saut de paradigme » ? « La théologie ne peut se développer que dans une culture de dialogue et de rencontre entre les différentes traditions et les différents savoirs, entre les différentes confessions chrétiennes et les différentes religions, en s’engageant ouvertement avec tous, croyants et non-croyants » vient -il d’écrire.