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Texte par Cadfael

Beaucoup d’entre nous ont l’habitude à Pâques de voir, ou de ne pas voir, un lapin qui cache des œufs colorés dans le jardin et qu’il convient de chercher à la grande joie des plus petits. Image d’Epinal peut-être mais qui reste un moment clef dans le cycle des ans, car le printemps est enfin arrivé avec les jours qui se rallongent. Pâques porte chez les chrétiens la croyance en une résurrection, le renouveau, jour de paix et d’harmonie, les couleurs du printemps sur des œufs offerts aux enfants, à la famille et aux amis.

L’œuf est porteur de symboles forts

Déjà dans l’ancienne Egypte on était convaincu que Ra, le dieu du soleil, était éclos d’un œuf cosmique, lui-même issu de l’océan primordial.

Nous pourrions débattre de la primauté de l’œuf ou de la poule, mais laissons cela aux doctes savants et gourous qui pullulent sur les réseaux sociaux. Silesius, physicien et mystique allemand avait trouvé la réponse au 17ème siècle en prétendant : « l’œuf est dans la poule, la poule dans l’œuf. » A l’époque on ne se posait pas la question aujourd’hui tant fondamentale, à savoir si cela était également le cas pour des œufs non bio.

Chez Paracelse théologien, alchimiste et philosophe de la Renaissance, le « Mysterium magnum » est l’œuf, c’est le centre incréé du monde dont tout découle, l’œuf dont éclot l’univers. Chaque être aurait son propre « Mysterium magnum », germe dont il procède ainsi que puissance active qui mène et qui dirige son évolution.

Mircea Eliade, historien des religions, professeur à l’université de Chicago est d’avis que le symbole de l’œuf ne se rapporte pas tant à la naissance qu’à une renaissance, le symbole fort des cycles lunaires et annuels.

Symbole universel, l’œuf a été anobli et couvert d’or et de pierres par Fabergé qui créait de 1885 à 1916 une collection de cinquante œufs en tant que cadeaux de Pâques commandés par la famille impériale russe. Le premier de ces chefs d’œuvre a été commandé en 1885 par l’empereur Alexandre III pour son épouse, la princesse danoise Maria Feodorovna.

L’œuf et les puissances magiques

Le philologue et juriste Jakob Grimm, professeur à l’université de Göttingen, nous enseigne dans son œuvre « La mythologie allemande » parue en 1835  qu’il existe une pratique qui veut qu’il suffise de jeter un œuf dans l’eau pour savoir si un enfant est ensorcelé. Si l’œuf sombre l’enfant est ensorcelé. Cette méthode était pratique et peu compliquée.

Dans la région de Kiel une jeune fille pouvait lire l’avenir si au soir de Pâques elle plaçait des coquilles d’œuf devant la porte de sa maison. Le premier homme qui passerait deviendrait son mari. C‘est évidemment moins onéreux que d’aller en discothèque ou de s’inscrire sur Tinder. 

L’œuf permet bien-sûr de lire l’avenir. Un de ces oracles consisterait à verser un œuf mélangé, mais non battu, dans un verre et de laisser le tout reposer une nuit entière. Le lendemain, selon les formes apparues on pouvait y lire le destin. Celui qui pratique cela à minuit, le vendredi saint va y lire entre autres quelles seront les récoltes de la saison à venir.

D’après les croyances populaire l’oracle de l’œuf dans le verre était pratiqué par les jeunes filles en Allemagne, au Portugal et en France comme magie amoureuse. En France, on cassait l’œuf sur la tête avant de le mettre dans l’eau.

Le pompon du mauvais gout n’est pas un œuf

Vous n’avez probablement jamais entendu parler de Lil NasX. Il a dû pratiquer l’oracle de l’œuf, variante française, sauf que l’œuf n’était pas cru, mais cuit. Toujours est-il que ce brave rappeur américain s’est associé à une société qui se nomme MSCHF de Brooklyn New York, qui est une sorte de collectif d’artistes pour qui comme ils informent, rien n’est sacré. Ils ont bien compris que cette devise était très porteuse de chiffre d’affaires. En 2021 ils ont acheté 4 sacs à main Birkin chez Hermès pour les transformer en sandales Birkenstock, chaque paire s’étant vendue entre 34.000 et 76.000 dollars selon la taille. Ce genre d’approche du marché artistique et un solide sens des valeurs financières leur permet d’affirmer que la valorisation financière du collectif serait de 200 millions dollars.

Toujours est-il que ce brave rappeur a eu l’idée de transformer en « Jésus shoes » des baskets Nike Air 100, vendues à 160 dollars la paire. Il y a intégré avec ses potes de MSCHF quelques gouttes d’eau du Jourdain, eau bénite par un prêtre de Brooklyn, en y ajoutant un Jésus sur une  croix dorée : ce petit travail miraculeux permettait  de revendre la paire à  4000 dollars.

Comme cela ne suffisait pas notre petit malin de rappeur vient de sortir les « Satan shoes » chaussures de Satan, avec les mêmes complices de chez MSCHF. Ils y ont mis une goutte de sang humain, un pentagramme et le tout associé au verset de la bible (Luc 10.18). Mises en vente lundi, pendant la semaine de Pâques, pour la modique somme de 1.018 dollars la paire,  elles sont « sold out ». Nike vient de leur intenter un procès.

A toutes et à tous de très joyeuses Pâques

Comme la stupidité est omniprésente et la rapacité devenue un bien commun, je vous souhaite de vous tourner vers une œuvre Fabergé ou de rechercher l’œuf dans la « tentation de Saint Antoine » de Jérôme Bosch, c’est nettement plus réjouissant et permet de se tourner vers la beauté du moment.

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