Dans le cadre du Luxembourg City Film Festival 2024, l’artiste et cinéaste chinois Wang Bing, dont le travail fait couler beaucoup d’encre, aura sa première exposition luxembourgeoise au Ratskeller à partir du 9 février prochain…

Par Fabien Rodrigues

Cette exposition, organisée avec le soutien LuxFilmFest, montrera ainsi pour la toute première fois au Luxembourg le travail du célèbre cinéaste chinois, qui « met la mémoire en relation avec l’histoire en retraçant des souvenirs personnels de la campagne antidroitière ou de la révolution culturelle en Chine au XXe siècle ». Anastasia Chagidouline, qui en assure le commissariat, précise que « l’exposition, en cohérence avec le modus operandi de Wang Bing, adopte une approche minimaliste en montrant des extraits concis de son œuvre afin de permettre au public d’expérimenter et de se consacrer au contenu puissant, concentré et extensif de son travail ».

Wang Bing est réputé pour considérer la caméra comme un instrument neutre, même s’il brise certains tabous et montre des sujets douloureux. Il n’intervient pas, reste un observateur endurant et souvent solitaire, filmant parfois pendant des centaines d’heures dans des lieux tels que des asiles psychiatriques ou des usines. Par son approche minimaliste, sa patience, sa concentration et son dévouement, il recherche la vérité et la proximité avec la vie réelle, qu’il retranscrit dans son œuvre impressionnante et de longue durée. De manière plus succincte, il « filme la Chine qu’on cache sous le tapis », comme le suggère Arte en 2021…

Pour cette grande première luxembourgeoise, dont le vernissage aura lieu le jeudi 8 février prochain en présence de l’artiste, plusieurs pans du travail de Wang Bing seront présentés au public. Par exemple, en juillet 2005, Wang Bing s’est rendu dans le désert de Gobi, une caméra 35 mm à la main. Il marche d’un pas rapide à travers les champs qui étaient autrefois le tristement célèbre camp de rééducation antidroitier de Jiabiangou, où plusieurs milliers de déportés sont morts de faim. Il capture des Traces de vies humaines – des couettes, des couvertures, des os, des traces du travail, de la vie et de la mort des occupants, des vestiges d’un passé abandonné…

Dans Mrs. Fang, le public est cette fois directement confronté au thème de la mort. Wang Bing transgresse les limites du cinéma en filmant les dix derniers jours de Fang Xiuying, une ancienne ouvrière agricole et mère d’un ami, atteinte d’une grave maladie d’Alzheimer. Les yeux grands ouverts, incapable de parler, de manger, de bouger, de communiquer ou de poser des limites, la femme meurt dans la douleur, dans sa condition de vie modeste voire précaire, entourée de sa famille et de ses voisins qui boivent, mangent, jouent, sortent pêcher ou fumer, jusqu’à ce que l’événement de la mort provoque le silence…

Une exposition qui s’annonce bouleversante, à découvrir ensuite jusqu’au 14 avril au Ratskeller (Cercle Cité).