Se toucher, se rencontrer, aimer… 2020 aura aussi été une année particulière sur le plan des relations personnelles. L’institut français Ifop, qui a mené plusieurs enquêtes sur la vie sexuelle et affective de nos voisins, en temps de Covid. François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualité nous en dit plus sur l’amour au temps du covid.

La digitalisation de l’amour, à marche forcée

« La crise du Covid a accéléré la digitalisation de l’économie, de l’activité professionnelle, des achats mais aussi celle des sphères amicale, familiale et sexuelle. La fermeture des lieux de sociabilité à dimensions festives ou sexuelles comme les boîtes de nuit, les bars, a conduit à une sorte de privatisation des modes de rencontre. Dans l’enquête que nous venons de réaliser pour Facebook, il apparaît que les sites sont devenus le premier mode de rencontre en France en 2020. La tendance à la digitalisation préexistait mais ce n’était pas le cas auparavant, contrairement aux Etats-Unis. Il reste toujours quelque chose des crises fortes qu’une société vit et celle du Covid devrait laisser des traces car elle a permis à tous ces outils, ces applis de rencontres de passer un cap. »

Ecran, mon bel écran

« On a toujours eu une proportion non négligeable de personnes qui utilisent les sites de rencontres pour autre chose que de la rencontre réelle. En 2015, deux tiers des utilisateurs français des sites de rencontres déclaraient qu’ils avaient déjà eu des conversations avec quelqu’un sans chercher à le rencontrer physiquement. Et les chiffres des études récentes ne sont pas si éloignés : 39 % des personnes interrogées ont cherché un ami avec qui discuter sans chercher à aller plus loin selon notre étude pour Facebook. On observe plusieurs profils : des jeunes femmes notamment qui utilisent les sites de rencontre pour apprendre le « process de séduction » sur des personnes qui les intéressent mais sans plus, le tout dans une logique d’apprentissage ; des femmes qui ont juste envie de plaire car on sait qu’elles subissent une forte pression sur le physique qui peut les amener à perdre la confiance qu’elles ont en elles. Les sites leur permettent de passer une période comme le confinement tout en sachant qu’elles continuent à plaire sans que cela aille plus loin. Par ailleurs, des personnes qui sont en couple y ont trouvé un boost à leur ego en ayant le sentiment de pouvoir plaire encore, alors que dans leur couple, elles n’ont plus ce sentiment. »

Le Covid, un formidable accélérateur de… rupture et d’exclusion sexuelle

« Entre les deux confinements, on a observé qu’il y avait en moyenne 5% des personnes qui ne sont plus avec le même partenaire. Pour beaucoup de couples, le confinement a été une épreuve qui a pu purger des relations un peu bancales avec des partenaires peu habitués à se voir beaucoup et à devoir se supporter dans un espace confiné au quotidien. Parallèlement, une étude réalisée pour Pornhub montre que la question des risque sanitaires jusqu’ici limité aux MST, a été un nouveau frein à la rencontre chez les célibataires : 40 % des célibataires refuseraient d’embrasser quelqu’un par peur du Covid, 60 % des personnes refuseraient de faire l’amour avec quelqu’un qui a déjà été infecté par le coronavirus et 60 % refuseraient de faire l’amour avec quelqu’un qui est exposé, par exemple professionnellement. Le Covid-19 est devenu un nouveau facteur d’exclusion sexuelle comme on le voyait avec le Sida dans les années 2000. »

De la tendresse

« Comme dans toutes les épreuves de la vie, le confinement a pu avoir des effets positifs. Et la dernière enquête Gleeden donne plutôt le sourire aux couples. Lors du deuxième confinement, la promiscuité a été beaucoup moins importante car les enfants étaient à l’école et l’on pouvait à nouveau se déplacer. Dans ce contexte moins stressant, on a tout de même assisté à une situation de baisse du moral et de dépression généralisée. Pour autant, il y a eu une reprise de l’activité sexuelle dans une logique de sexe de réconfort, une demande d’affectif plus que de sexe débridée et purement physique. »

Chassez le naturel …

« Sur les sites de rencontre, les vrais célibataires ont décidé de se donner le temps du confinement pour échanger longuement avec de potentiels partenaires, même s’ils savaient qu’à court ou moyen terme ils n’allaient pas les voir. Au lieu de se voir très vite – il y a une proportion non négligeable de gens qui se voient dès le premier soir sans même passer par la case resto –, ils ont pu profiter de cette période pour lever cette pression. Je pensais que l’on assisterait pendant l’été 2020 au Summer of love de la génération Covid. Comme en 1969, un moment où la frustration générale accumulée par deux mois de confinement aurait permis l’admissibilité sociale d’enchaîner les relations sexuelles ou les expériences transgressives. Pour beaucoup, on voit que la tendance est plus à la prudence. Il y a une aspiration à la monogamie et au safe sex. On cherche beaucoup plus quelqu’un de stable car l’expérience du célibat pendant les périodes de crise a été plutôt mal vécu. Plus que jamais, la valeur couple est valorisée. »

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