Viandes, thés, huile, moutarde… Le Grand-Duché offre une large diversité alimentaire tirée de son terroir. Où trouver ces produits et comment reconnaître leur qualité ? Quels restaurants et établissements de restauration collective préparent des plats et des menus à base d’ingrédients régionaux ? Ghislaine Soisson, chargée de projet à la Chambre d’Agriculture du Luxembourg, invite à la quête du goût luxembourgeois.

Par Marc Auxenfants

Où acheter local au Luxembourg ? Quelles garanties de qualité et du goût existent pour le consommateur ? « Sou schmaacht Lëtzebuerg » (SSL), une campagne lancée en 2009 par la Chambre d’Agriculture et par le ministère de l‘Agriculture, vise à promouvoir les produits alimentaires issus de l’agriculture, de la viticulture et de l’horticulture luxembourgeoises. Grâce à cette initiative, ces produits régionaux sont désormais connus et appréciés par le consommateur. Et de nombreux producteurs ont su par ailleurs se diversifier et développer de très beaux produits qui méritent d’être mis en évidence, explique Ghislaine Soisson, chargée de projet à la Chambre d’Agriculture du Luxembourg. Elle revient sur les origines et les développements actuels de la démarche de sensibilisation et d’information, qu’on pourrait traduire en français par « ainsi goûte le Luxembourg ».

Ghislaine Soisson, comment est née cette campagne ?

Elle a été créée en mars 2009 durant la chute du prix du lait, qui avait touché des milliers de producteurs européens et luxembourgeois. Par cette initiative, la Chambre d’Agriculture souhaitait sensibiliser les gens à consommer plus régional, plutôt que d’acheter des produits importés parfois de très loin. Et ce, à travers une campagne co-financée par le ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural.

Quelle a été la suite depuis ? Et à qui s’adresse la campagne désormais ?

Les publics cibles de la campagne restent à la fois les consommateurs privés. Mais depuis la Chambre d’Agriculture a élargi « Sou schmaacht Lëtzebuerg » aux restaurants et aux établissements de restauration collective. Car finalement, beaucoup de consommateurs déjeunent et dînent hors de chez eux – cantine de crèche, d’école ou d’entreprise, hôpitaux, maisons de retraite… – et sont donc tributaires de ces services. D’ailleurs, on oublie souvent que la grande distribution et la restauration sont les plus grands clients des produits agricoles.

Concrètement, que propose « Sou schmaacht Lëtzebuerg » aujourd’hui ?

Sur notre site Internet, nous proposons notamment un guide d’achat sur les produits du terroir : viande, produits laitiers et céréaliers, fruits et légumes, boissons, mais aussi miels et confitures, huiles et vinaigres, œufs, thés et moutarde.

Le portail comprend aussi un moteur de recherche, qui propose des informations pratiques sur les producteurs, leurs activités, produits, adresses et horaires d’ouverture. Nous mettons également en ligne des recettes de cuisine simples et à base de produits de notre terroir : comme actuellement de la soupe de potimarron à la bûche de Noël, en passant par les quenelles de viande en pâte d’épeautre. Le site liste aussi les noms des 188 établissements qui adhèrent à la campagne « Sou schmaacht Lëtzebuerg ».

« On oublie souvent que la grande distribution et la restauration sont les plus grands clients des produits agricoles »

De quels types d’établissements s’agit-il, et en quoi consiste cette collaboration ?

Il s’agit de restaurants, de cantines d’entreprise, de maisons relais ou d’hospices ayant signé une convention avec la Chambre d’Agriculture. Les signataires s’engagent à promouvoir la production agricole, viticole et horticole indigène dans leur offre de restauration et à en informer le consommateur, à travers l’utilisation de la marque collective « Sou schmaacht Lëtzebuerg » et de tout matériel d’information et de promotion à leur disposition. Concrètement, l’établissement signataire prend l’engagement d’offrir des produits issus du terroir luxembourgeois, mais aussi des plats et/ou des menus élaborés à partir de ces produits. Ainsi, le restaurant doit proposer sur sa carte et toute l’année deux entrées, deux plats et un dessert « SSL » ou bien un menu « SSL » à deux services. Pour les boissons, il peut s’agir d’un Crémant de Luxembourg au verre, de trois vins luxembourgeois (dont un au verre), d’une boisson non alcoolisée « SSL », d’une tisane « SSL » et de deux 2 digestifs « SSL ».

Qu’en est-il des entreprises de restauration collective ?

Elles doivent proposer deux plats et/ou menus « SSL » cuisinés par semaine, accompagnés d’une offre régulière de produits « SSL » (viande, produits laitiers, produits de boulangerie, boissons, tisanes, miel, etc.). Elles s’engagent aussi à mettre en valeur les produits « SSL », en offrant des plats variés et créatifs tout en favorisant les produits de saison.

Quels sont les critères retenus pour les produits et menus « SSL » ?

Le produit agricole ou la denrée alimentaire doivent correspondre à l’un des critères suivants : elles doivent porter un label indigène reconnu par l’État luxembourgeois. Leur liste figure aussi sur notre site Internet. Autre critère : leur ingrédient principal de base ou caractéristique doit être un produit agricole, viticole, horticole, apicole, piscicole… ou de la nature, récolté ou élevé sur le territoire national.

La troisième condition concerne cette fois certaines denrées renfermant un ingrédient caractéristique qui n’est pas produit en quantités suffisantes sur le territoire national, et ce pour des raisons de rentabilité économique ou pédoclimatiques (ensemble des caractères du climat local et des caractères des sols d’une exploitation ou d’une parcelle servant de cadre à la production agricole, ndlr). Aussi, pour être considérées comme produit « SSL », ces denrées doivent être soit originaires d’un site de production luxembourgeois, soit bénéficier d’une qualité et d’un savoir-faire reconnus sur le territoire national, ou bien son producteur doit démontrer au signataire de la campagne « Sou schmaacht Lëtzebuerg » son engagement en faveur d’une production agricole indigène.

L’approche est simple et de bon sens.

Les chefs partagent avec les agriculteurs, les viticulteurs, les maraîchers, etc., une même passion pour la qualité et la fraîcheur des produits de saison. Ce partenariat entre la gastronomie et l’agriculture leur permet aussi d‘afficher leur soutien actif à l’agriculture régionale, proche du consommateur final. Et en choisissant un établissement « Sou schmaacht Lëtzebuerg », ce dernier peut donc se régaler avec des plats issus d’un double savoir-faire local : celui du producteur puis du restaurateur.

Quel est donc votre rôle en tant que chef de projet au sein de SSL ?

Il s’agit pour nous de conventionner de nouveaux établissements, d’expliquer les critères de la convention, de vérifier qu’ils les respectent bien. Mais aussi de leur donner des tuyaux: où acheter quoi. Il y a aussi tout un volet de marketing à mettre en place, avec des campagnes visuelles ou événementielles ciblées, destinées à sensibiliser les gens sur cette thématique.

Qu’est-ce que le Covid-19 a changé et pour vous et pour les acteurs autour de ce concept ?

Durant la pandémie de nombreux clients se sont clairement tournés vers les producteurs, pour acheter des produits élevés près de chez eux, frais et éventuellement bios. Ces derniers ont dû eux revoir leur organisation et ouvrir leurs points de vente plus souvent et plus longtemps, afin de répondre à cette nouvelle demande. On peut dire que la pandémie a vraiment contribué à sensibiliser les gens. Depuis, cet engouement est malheureusement retombé. Les consommateurs ont repris le chemin des supermarchés, la voie certainement la plus directe pour eux, acheter en une seule fois tous les produits dont ils ont besoin au quotidien.

Que faites-vous alors pour relancer cet engouement, inciter les gens à acheter chez les producteurs locaux ?

Nous reprenons les campagnes que nous avions dû mettre en veille durant la pandémie, avec des événements comme la Foire agricole d’Ettelbruck, qui se tiendra du 30 juin au 2 juillet 2023 et à laquelle nous participerons. Nous prévoyons en outre d’autres événements en 2023, dont nous informerons la presse en temps et en heure. Et afin de mieux informer les consommateurs et les professionnels, nous développons également de nouvelles fonctionnalités qui seront mises en place courant 2023.