Texte par Cadfael
Cette sombre période pour les Etats-Unis va-t-elle se terminer dans le désordre ? Les derniers jours de Trump risquent forts d’être à l’image du personnage : nocifs.
Une constitution foulée aux pieds
« Nous le peuple… » Ce sont les trois premiers mots de la constitution des Etats-Unis. Ils soulignent que le Gouvernement des Etats-Unis existe par la volonté du peuple et pour servir le peuple. Datant de 1787 et elle n’avait à l’origine que sept articles. Amendée vingt-sept fois depuis et soutenue par un solide corpus de droit constitutionnel, elle a, depuis plus de deux siècles, rempli parfaitement sa mission.
Mais voilà que depuis quelques jours se livre à Washington DC un drame où morts et blessés jalonnent une tentative de putsch que l’on pouvait suivre en direct sur la plupart des chaines de télévisions mondiales. L’acte de confirmation par le Sénat et par la Chambre des Représentants de la victoire électorale de Joe Biden et de Kamala Harris s’est transformé en une tentative de putsch. Le Capitole, symbole de valeurs démocratiques et du respect du système de droit a été profané par une horde de sympathisants d’un président déchu mais toujours apte à nuire. Trump dispose encore des codes de déclenchement nucléaire ce qui inquiète les responsables de la nouvelle majorité qui ont eu ces derniers jours des entretiens à haut niveau sur le sujet avec des responsables du Pentagone.
Le Capitole, un symbole
La construction de style néoclassique a été achevée en 1812. Elle est constituée d’un dôme et de deux ailes dont l’une, l’aile nord est le siège du Sénat et l’aile sud celui de la Chambre des représentants.
Le Capitole, centre du pouvoir démocratique, dispose d’une force de police autonome d’environ 2000 personnes qui manifestement n’était pas préparée à cette invasion d’extrême droite qui s’est déroulée avec la bénédiction d’un président qui lors de la marche sur le Capitole twittait toute sa sympathie aux manifestants.
La presse américaine a noté qu’en plus de ce manque de préparation, les renforts ont mis longtemps à arriver, bien après que le bâtiment ait été envahi et vandalisé. Le bilan fait réfléchir : cinq morts dont un des policiers chargés de la défense du périmètre, des engins explosifs découverts dont certains près des bureaux des républicains et des démocrates ainsi que des armes et des cocktails Molotov dans un véhicule garé près du Capitole. Le propriétaire a été arrêté.
Les responsables de police du capitole, qui entretemps ont démissionné, ont trouvé comme défense la non prévisibilité de cet évènement. Pourtant l’organisation de la journée d’émeute se lisait sur les réseaux sociaux liés à la nébuleuse trumpiste.
Des réseaux sociaux influents ?
Paradoxalement cette « marche pour sauver l’Amérique » était selon ABCnews autorisée au nom de groupes officiellement non directement liés au staff de Trump tels que « Women for America First » et « Stop to Steal « (arrêtez de voler). Comme le souligne ABCnews, en sous-main des membres de la Maison Blanche ainsi que des proches de Trump travaillaient à l’organisation de l’évènement .
Un des socles de communication est constitué par « Reddit » une plateforme web qui se définit comme une agrégateur de communautés basé sur les intérêts de ses membres. Il existe bien une sorte de contrôle de contenu mais qui ne semble pas très actif selon des analystes du milieu. Cette plateforme est le véhicule de centaines de « sous-Reddit ». D’après le site d’analyse « médiakix », Reddit génère 168 milliards de vues par an avec une moyenne de plus de 16 minutes par visite. 54% des visites se font à partir du territoire américain.
Reddit hébergeait une sous plateforme qui s’appelle « The Donalds ». Sous la pression publique, elle a été fermée en juin 2020 ; les « Donalds » s’étaient préparés à cette « déplateformisation » en créant leur propre structure, qui en décembre 2020 enregistrait 10 millions de visiteurs.
Il y a toujours pire
« 8kun » est un autre vecteur de communication de cette nébuleuse mais en beaucoup plus glauque. Relais des théoriciens du complot comme QAnon pour lesquels le monde est dirigé par une mystérieuse élite rapace et nocive. Certains des leaders connus de QAnon apparaissent sur les photos de la prise du Capitole. Connu pour ses contenus antisémites, racistes, nazis et à une époque selon certaines sources, des contenus pédophiles, le site a été mis à l’index par Google Search. Toujours est-il qu’il continue de fonctionner à partir des Philippines et enregistrerait 2 millions de visites par mois selon un article du Spiegel.
On notera également Parler .com qui vient de se faire bannir par Apple, Amazon et Google. Il se définit comme un Facebook alternatif de la « parole libre ». En décembre le site a eu 20 millions de visiteurs après un pic de 30 millions en novembre dont 76% des Etats-Unis selon « similarweb », société d’analyse web. Un autre porte-parole « présidentiel » est gab.com avec ses 10 millions de visites. Entretemps, Trump s’est fait interdire en dernière minute par les grands réseaux sociaux.
What’s next ?
La transmission officielle de pouvoirs aura lieu le 20 janvier. La situation est très tendue face à un personnage erratique, où selon les observateurs tout peut se passer. D’après les déclarations faites ce lundi par les responsables de la nouvelle majorité présidentielle, ou le vice-président Mike Pence dépose Trump pour sédition, comme la constitution le lui permet ou une procédure d’impeachment sera diligentée qui cette fois-ci aboutira. Ce lundi, les Démocrates viennent d’initier la seconde option.
N’oublions pas
Le 29 août de l’année dernière des militants d’extrême droite ont tenté de pénétrer de force dans le Bundestag allemand défendu par trois policiers qui ont rapidement eu des renforts. D’après des sources officielles, les réseaux proches de la droite extrême allemande se sont faits remarquer par des commentaires de joie face aux évènements de Washington. L’AFD, le parti de l’ultradroite allemande représenté au Bundestag et qui n’a jamais caché ses sympathies pour Trump, a tenté en dernière minute de préserver son image de marque en condamnant une attaque sur l’état de droit.