Mozart et Wagner, deux compositeurs de génie, le premier chantant l’universalité de l’esprit et l’autre, s’inspirant des lourdeurs des mythes fondateurs pangermaniques, ont donné leur nom a deux sociétés militaires privées, le Mozart group, d’origine américaine, et le groupe Wagner sorti des bas-fonds du régime de Poutine.
Par Cadfael
Wagner, la cuisine à Poutine
Le patron du groupe Wagner est l’ancien fournisseur de cuisines du Kremlin. Ce type de carrière semble monnaie courante dans un système dans lequel le violoniste préféré de Poutine est accusé d’avoir viré d’énormes montants sur un compte bancaire suisse. Même si les groupes de mercenaires sont strictement illégaux en Russie, Wagner y est légalement domicilié et vient d’ouvrir un nouveau siège à Saint-Pétersbourg, la ville d’origine de Poutine. Une de ses premières opérations était le support lors de l’invasion de la Crimée en 2014. On retrouve Wagner ensuite en Syrie à partir de 2015 en soutien fidèle au régime d’Assad, surnommé « le boucher » pour avoir massacré son peuple, aux côtés d’unités iraniennes des gardiens de la révolution. En Lybie, les Russes se portent secours du régime du général Khalifa Haftar, tirant les ficelles du pouvoir depuis qu’il a aidé à mettre Kadhafi au pouvoir en 1969. Haftar est en train d’installer une dynastie familiale par l’intermédiaire de ses fils. En République centrafricaine et au Soudan, les Wagner gardent des mines d’or et disciplinent le peuple. Le gouvernement du Mali a claqué la porte aux unités françaises antijihadistes qui y opéraient pour se tourner vers le groupe Wagner. On retrouve la lourdeur de sa signature en 2022 dans le coup militaire qui renversa le régime en place au Burkina Faso. Wagner y est censé fournir un support antijihadiste et protéger les potentats locaux ainsi que les infrastructures critiques.
Selon une récente analyse de la « Brookings Institution », les unités du groupe Wagner se retrouvent partout où Moscou désire instaurer une présence calquée sur celle de l’époque soviétique avec une visée claire, celle d’une domination sur les richesses minières du Moyen-Orient et de l’Afrique. On les retrouve en Syrie, Yémen, Libye, Soudan, Madagascar, République centrafricaine. Au Mozambique, face à leur incompétence à juguler la guérilla islamiste qui y sévit, ils ont été remplacés par un groupe privé sud-africain. En septembre de l’année dernière, le très respecté « Institut d’Études stratégiques » de Londres les cite à Madagascar où le président est un ancien animateur de discothèques, au Zimbabwe, au Soudan et en Angola. L’Angola nie avoir des mercenaires du groupe Wagner opérant sur son territoire malgré des informations dans ce sens lancées par les ambassadeurs des États-Unis, de Norvège et de Grande-Bretagne. Le Kremlin vise les pays à richesses minières stratégiques comme l’or, le pétrole, les diamants, l’uranium ou le manganèse, ce qui fait écrire à un analyste que les revenus de certaines sociétés militaires privées sont comparables au PNB de pays développés.
Mozart, une tentative hors normes
A l’autre bout de spectre Wagner, il y a le groupe Mozart, baptisé ainsi en contrepoint de la brutalité du premier. Il a été fondé par deux colonels des marines à la retraite. Considéré par certains observateurs comme la réponse occidentale au groupe Wagner, il était strictement interdit aux membres du groupe de participer à des opérations de combat sous peine d’être immédiatement exclus. Leurs missions consistaient à fournir des capacités cruciales aux unités ukrainiennes au front, c’est-à-dire de l’humanitaire selon un des fondateurs : approvisionnement et évacuations à proximité du front. Mozart déclarait scrupuleusement respecter les directives de l’OTAN malgré une frontière entre le défensif et l’offensif, parfois floue. Le groupe formait également des militaires ukrainiens très près des lignes de front. A la question pourquoi former des gens, un des fondateurs, le colonel Milburn répondait : « Pas pour se défendre, mais pour tuer l’ennemi. » Selon des sources, ils se chargeaient également des missions d’approvisionnement dont les soldats ukrainiens avaient peur. Les coûts d’exploitation du groupe se seraient montés à 170.000 dollars par mois majoritairement pour l’acquisition, la réparation et le remplacement de véhicules. Les finances ne suivaient pas, les donateurs privés hésitaient et le groupe se trouvait confronté à des problèmes opérationnels ainsi qu’à une querelle entre les deux fondateurs. La tentative n’a malheureusement pas fait long feu. Comme le cite politico en se référant au New York Times : le sort du groupe Mozart, « a été scellé le 31 janvier 2023 “dans une salle de réunion, située au deuxième étage d’un bâtiment résidentiel de Kiev /…/ .Ce jour-là, Andrew Milburn, a abruptement annoncé à ses troupes, soit une dizaine d’anciens soldats ayant payé de leur poche pour venir travailler à ses côtés en Ukraine : “Les gars, je suis dégoûté, mais le Groupe Mozart est mort !” »
L’ombre est favorable à ceux qui n’existent pas
Face à la bestialité des méthodes du groupe Wagner, Mozart ne faisait numériquement pas le poids, mais sa présence comptait. Selon le ministère de la défense anglais, Wagner en Ukraine commande à 50.000 hommes dont 80 % des recrues sortent des prisons et sont faiblement formés. Avant la guerre d’Ukraine, il ne comptait qu’environ 5000 hommes, des soldats aguerris. À l’opposé de Mozart, Wagner se finance sur le pillage des prises de guerre. Ainsi selon des analystes, le contrôle de Bakhmut donnera au patron du groupe Wagner les revenus de l’exploitation des mines de sel et de gypse de la région. Mozart laissera probablement des héritiers. En attendant selon « Intelligence online » des groupes originaires d’Israël, du Royaume-Uni, d’Estonie, d’Allemagne et d’Albanie opéreraient en Ukraine malgré de lourdes pertes.