Par Cadfael
Dans son ouvrage Masse et Puissance paru en 1960, le prix Nobel Elias Canetti définit l’islam comme une religion de guerre en citant le vers 5 de la très controversée sourate 9 : « Les mois sacrés expirés, tuez les idolâtres partout où vous les trouverez… ». Vendredi dernier, l’auteur des Versets sataniques en a fait les frais.
Salman Rushdie, la cible parfaite
Salman Rushdie s’est fait poignarder lors d’une conférence qu’il donnait dans une institution à but non lucratif, la « Chautauqua Institution », située dans l’État de New York. Ce village pour artistes, écrivains et philosophes donne des conférences, des séminaires et des spectacles tout au long de l’été. Il accueille annuellement plus de 100 000 personnes sur un espace de plus de 300 hectares jouxtant un lac.Créé en 1874 par des pasteurs méthodistes, il fonctionne autour de la musique, des arts et des religions dans un esprit œcuménique d’ouverture et de paix. Lors de sa présentation, Rushdie a été poignardé une dizaine de fois devant un auditoire de 2500 personnes. L’état de santé de l’écrivain de 75 ans est critique, mais stable selon la presse. Selon son agent, l’écrivain perdra un œil, les nerfs de son bras sont touchés et son foie endommagé. Sa protection rapprochée, qui dure maintenant depuis 1988, aura été inefficace. Le lieu et le moment de l’attentat ne semblent pas avoir été choisis au hasard : un blasphémateur dont la tête est mise à prix, dans un endroit de tolérance au pays du grand Satan.
Liberté d’expression et sécurité
La thématique du cycle de conférences concernait la maison, le chez- soi, le domicile refuge, symbole d’un lieu d’asile où règnent la sécurité et liberté dans le contexte d’une économie marchande de plus en plus envahissante. Le sujet de la soirée traitait de la sécurité comme outil permettant de faire entendre sa voix dans un environnement qui encourage la liberté de pensée et de parole. La notion de courage, dans un monde où la violence augmente, se retrouve au centre du débat. L’attentat repose l’éternelle question de l’équilibre entre liberté et sécurité.
Un bon américain
Le suspect, Hadi Matar, est un américain de 24 ans né en Californie d’origine libanaise. Selon les médias, il exprimait sur les réseaux sociaux des sympathies pour la vision Shiite de l’islam ainsi que pour le corps de gardiens de la révolution, formation d’élite iranienne. Au moment de l’attaque, il était habillé en noir et portait un masque noir selon les témoins. Radio France Internationale (RFI) souligne qu’il aurait séjourné dans le pays d’origine de ses parents en 2018. Au dire de sa mère, ce séjour l’aurait changé. Sur les réseaux sociaux, des milieux proches du Hezbollah iranien qualifient Matar de héros. Samedi, selon le Point, le principal quotidien ultraconservateur iranien écrivait : « Bravo à cet homme courageux et conscient de son devoir qui a attaqué l’apostat et le vicieux Salman Rushdie » /…/ « Baisons la main de celui qui a déchiré le cou de l’ennemi de Dieu avec un couteau. ». Selon la BBC, la radio officielle iranienne aurait commenté la perte d’un œil pour Rushdie par « un œil de Satan a été aveuglé », officiellement l’Iran a annoncé ne pas être impliqué dans cet acte de terrorisme.
Les Versets sataniques
À sa sortie en 1988, le livre de Rushdie a rapidement été considéré par certains musulmans comme blasphématoire. Des manifestations violentes, très probablement orchestrées, secouaient certaines villes du monde islamique avec en résultat 45 morts, dont 12, dans la ville natale de Rushdie, Mumbai. En 1991, un traducteur japonais du livre a été assassiné à coups de couteau et un traducteur italien s’en sortait de justesse. En 1993, l’éditeur norvégien du livre, touché trois fois, a survécu à une attaque par balles.
La fatwa, bulle de l’islam ?
Un an après la publication, en 1989 l’ayatollah Khomeiny émettait une fatwa, l’équivalent, à quelques subtilités près, de ce qu’au Vatican, plusieurs siècles plus tôt on appelait une bulle papale comme celle de 1521. Cette dernière excommuniant Martin Luther et de ce fait, le condamnant comme hérétique ou comme celle condamnant Galilée qui échappera à la mort en abjurant à genoux ses découvertes. Il restera en résidence surveillée jusqu’à sa mort. Giordano Bruno, Savonarole et des milliers d’autres payeront un lourd tribut à la fureur dogmatique du Vatican. Aujourd’hui à Rome cela s’appelle un décret du Saint-Office et n’est, pour l’instant, plus signe de condamnation à mort. La Fatwa de Khomeiny, condamne directement Rushdie à la mort avec en prime 2.8 millions de dollars en récompense offerts par la fondation « 15 Khordad » de Téhéran. À ce jour aucun des successeurs de Khomeiny n’a annulé la Fatwa qui reste donc bien en vigueur.
Le blasphème
Ce que reprochent les fondamentalistes au livre de Rushdie est de greffer un élément de son ouvrage complexe sur un des mythes fondateurs de l’islam. Pendant une période de 22 ans, le prophète aurait été visité par l’ange Gabriel qui lui a insufflé les visions qui ont abouti à la création du Coran. Rushdie utilise un de ses personnages portant un des pseudonymes de Mohamed et qui prophétise avec des paroles inventées de l’ange pour les utiliser à des fins personnelles. En émettant de ce fait la thèse que les paroles du coran ne proviennent pas de l’ange, mais du personnage sous pseudonyme, il remet en cause l’immédiateté de la source divine du Coran.En 2015 Rushdie s’est exprimé de la manière suivante : « Il est possible de respecter les autres, de les protéger de l’intolérance en étant sceptique par rapport à leurs idées, même en les critiquant férocement ».
L’obscurantisme militant n’est pas mort
L’écrivaine J.K.Rowling, créatrice de Harry Potter, avait réagi à la nouvelle de l’attentat en tweetant : « Nouvelles horribles. Je me sens très écœurée. J’espère qu’il se rétablira ». La réaction ne s’est pas fait attendre : un homme se qualifiant d’étudiant à Karachi au Pakistan a répondu : « Ne t’en fais pas, tu seras la prochaine » . La police écossaise enquête. Interrogé par JK Rowlings, le réseau « Twitter » informait que le pakistanais n’avait violé aucune des règles du réseau.