L’affaire qui secoue le Parlement européen ces dernières semaines, celle de la vice-présidente socialiste grecque prise les mains dans le sac pour corruption, n’a pas terminé de faire parler d’elle. Serait-elle symptomatique d’une institution européenne devenue ingérable ? Avec 705 députés, représentant 360 millions d’inscrits, le Parlement est le reflet d’un patchwork de cultures les plus diverses. Avec un personnel pléthorique de plus de 8132 collaborateurs, ce sont 1093 personnes qui travaillent directement pour les groupes politiques.

Par Cadfael

Le meilleur et le pire

Le 9 décembre dernier, la très photogénique parlementaire grecque Eva Kaili (44ans) apprenait que son partenaire Giorgi, 35 ans, le très bel attaché parlementaire italien de l’ancien député européen Panzeri, était arrêté, sa voiture saisie ainsi que de l’argent liquide confisqué. Panzeri, ancien syndicaliste qui, à l’époque de son mandat, était membre du comité des droits de l’homme et de l’intergroupe parlementaire européen sur l’intégrité (transparence, anticorruption, crime organisé). Il avait fondé en 2019, avant son départ, avec Giorgi, une ONG « Fight Impunity » dont il était président. Il se dévouait en présidant également une structure s’occupant de relations avec le Maghreb.

Pour Kaili le moment de vérité venait de tomber. Un de ses anciens camarades du Pasok, ex-ministre grec a un jour déclaré : « Il y a deux catégories de politiciens. Il y a ceux qui vivent pour leur parti et ceux qui vivent de leur parti. » Mme Kaili est selon la presse grecque à placer dans la seconde catégorie. Panzeri a également été arrêté par la justice fédérale belge ainsi que sa femme et sa fille en Italie afin d’être extradé vers la Belgique. Une inspection discrète de son appartement par les services belges quelque temps auparavant avait permis de découvrir 600.000 euros en petites coupures.

Souple et ouvert, Panzeri a fait, le 17 janvier dernier, un deal avec la justice belge. Il racontera tout. En contrepartie, selon une déclaration du procureur, il pourra compter sur une « sentence limitée » incluant de la prison, une amende et la confiscation de 1,5 million d’euros.

L’hebdomadaire « Spiegel » croit savoir que Kaili aurait été voir son père qui logeait au Sofitel et lui aurait confié sa fille de 22 mois et un paquet de cash. Le tout a été saisi par la justice fédérale qui a mis au frais, le grand-père, le bébé, la maman et le cash. Avec l’argent saisi chez d’autres prévenus, il y en a en tout pour 1,5 million d’euros. Kaili s’était à plusieurs reprises, fait remarquer au parlement européen pour la lourdeur de ses interventions en faveur de pays arabes. Elle aurait, entre autres, « bidouillé » lors du vote sur la libéralisation des visas pour le Qatar où selon des sources parlementaires elle était présente à la commission ad hoc lors du vote sans en être membre. Elle a fait une déclaration très remarquée à la session plénière du parlement européen en affirmant que le Qatar était à l’avant-garde en matière de législation sur le travail.

Le clan Kaili, une mafia au sein du Pasok

Selon la presse grecque, la pomme ne tombe jamais loin du tronc. Le père d’Eva est décrit comme un des parrains du Pasok régional. Membre du parti jusqu’à très récemment, il avait fait les gros titres en tant que supposé coordinateur d’un réseau de faux certificats pour des projets qui n’ont jamais vu le jour et des contrats avec des personnes fantômes. Il aurait également, selon la presse grecque, tenté de suborner des témoins dans un gros scandale politico-financier. Très protégé, il détenait jusqu’à, il y a très peu de temps des postes lucratifs dans des structures publiques contrôlées par le parti. Aux dernières nouvelles, il aurait demandé sa retraite. Selon les observateurs, un des problèmes de la démocratie athénienne réside dans le fait qu’il n’existe aucun contrôle des fortunes des parlementaires. Kaili aurait acheté une maison et des biens à Paros avec « étonnamment peu d’argent ». Le quotidien grec VIMA croit savoir que la sœur d’Eva la soutenait. Bien introduite à Bruxelles, celle-ci se prétendait conseillère en politique européenne et avait fondé l’ONG « Made ».

Des services étrangers

L’opération « Mezzo » grâce à la collaboration des services de renseignements de cinq pays a ainsi trouvé un point culminant que les observateurs jugent provisoire.Selon « le Soir » et « la Repubblica », les services de renseignements extérieurs marocains avaient des contacts réguliers à* un très haut niveau avec un autre parlementaire italien, également arrêté ainsi qu’avec l’ambassadeur du Maroc en Pologne, considéré comme très proche de Panzeri. Giorgi a confirmé des transferts de cash de la part de l’ambassadeur. Le système Kaili-Panzeri aurait bien fonctionné pendant plusieurs années impliquant des financements de la part du Maroc, de la Mauritanie et probablement de l’Arabie Saoudite, le Qatar venant se greffer sur cette machine bien huilée.

Ce dernier représente probablement la goutte qui a fait déborder le pot-de-vin. À en juger les blogueurs très proches du Parlement européen, celui-ci recèle une vraie vinothèque. Un membre du parti vert a récemment déclaré que certains pays achetaient systématiquement des « sympathies », dont le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et la Russie. Il est question de relations avec la Russie, peut-être un reliquat de l’époque où Mme Kaili était proche d’un parlementaire businessman gréco-russe. Un bon mot grec souligne qu’Eva était la seule politicienne grecque qui ne volait pas ses nationaux, mais prenait de l’argent aux autres pays. En attendant, elle fait des taches rémunérées à la prison de Haren à Bruxelles comme le nettoyage et la cuisine pour 75 centimes de l’heure.