Par Cadfael

Le 16 octobre, à Pékin, aura lieu la grand-messe du Parti communiste chinois (PCC), le Congrès quinquennal. Selon la télévision d’État Chinoise, « le moment est critique et l’ensemble du parti et tous les groupes ethniques s’engagent dans un nouveau voyage pour construire un pays socialiste moderne ». Elle renforcera très probablement le pouvoir central en place en vue de la consolidation de son statut de puissance internationale tant économique que militaire.

Le conclave du PCC

Une des pièces choisies de cette mise en scène sera l’élection pour un troisième mandat de l’actuel président de la République et secrétaire général du parti, XI, qui briguerait un troisième mandat afin de mener la Chine au jusqu’au bout de ses visions autocratiques. Même si sa gestion ultra centralisée est émaillée de problèmes comme l’ont montré le confinement de Shanghai et d’autres villes pour cause de covid avec des répercussions financières et économiques mondiales, un chômage proche des 20% parmi les 11 millions de jeunes entre 18 et 24 ans nouveaux entrants sur le marché du travail, elle pose un vrai défi. La bulle du marché de l’immobilier, qui compte pour presque 30 % des la production économique, n’a pas pu être jugulé par les méthodes centralisées de Pékin et engendre d’énormes mécontentements dans la capitale et les provinces. Les disparitions et réapparitions après guérison miraculeuse des multimilliardaires chinois du numérique ou de la vente par internet ne font qu’interroger. Il n’en reste pas moins que depuis l’arrivée de XI au pouvoir, la lutte brutale contre la corruption au sein de l’appareil du parti et de l’état et le reformatage autocentré du destin de la Chine sont bien réels.

L’omniprésence internationale d’une Chine et l’extension de son influence planétaire qui se double d’activités de renseignement et d’intrusion sont considérées comme une menace asymétrique sérieuse par beaucoup de nations.

Un scénario bien rodé

Presque trois mille délégués des provinces, d’Armée de Libération du Peuple et de quelques agences d’état vont pendant une semaine débattre et théoriquement jouer à l’élection de 200 candidats au Comité central et de 150 adjoints, qui eux à leur tour élisent les membres du Politburo. En fait ils ne font qu’entériner les listes que le Politburo sortant leur a imposées.

Le Comité central élit les membres du Politburo, de son comité permanent de 7 membres qui détiennent la réalité du pouvoir et du secrétariat sur base de cette liste établie par le leadership sortant. Tout est bien encadré, les risques de dérapage sont pratiquement inexistants, dans la plus grande des traditions du socialisme d’État chinois à parfum maoïste.

Selon une récente étude de Harvard, Xi a de très fortes chances d’obtenir son troisième mandat de secrétaire général ou de président malgré toutes les difficultés économiques dues a sa gestion autocratique empreinte de culte de la personnalité. Les observateurs notent que les déclarations récentes d’amitié indéfectible avec Poutine ne pousseront pas le pays à suivre le frère russe dans ses divagations militaires. XI est trop préoccupé à consolider son accession au rôle depuissance planétaire. À cette fin il a fait, selon une récente étude de l’Institut Mercator pour la Chine, de la sécurité interne et externe un des aspects clefs de sa politique englobant ainsi tous les aspects de la vie chinoise aussi bien dans le pays que hors des frontières.

Les équipes de soutien administratif

Un des outils mis en place discrètement depuis quelques années est décrit dans l’édition online du 5 septembre dernier du quotidien italien centriste Il Foglio qui a révélé que la police de la province de Fuzhou a ouvert un bureau dans la ville de Prato. La raison officielle est de faciliter un certain nombre de démarches administratives aux citoyens chinois, qui semblent très bien se débrouiller sans l’œil de Pékin. Selon les sources officielles chinoises, 54 stations similaires dans 30 pays différents ont été ouvertes. Parmi les six unités en Espagne, il y en a même une à Saint-Jacques-de-Compostelle. L’opération appelée officiellement « Overseas 110 » est analysée par Safe Guard Defenders, une ONG internationale dédiée aux droits de l’homme avec siège à Madrid. Elle publie une liste qui montre qu’il y en existe dans toutes les villes européennes sauf au Luxembourg. Selon le Washington Times du 2 octobre dernier, il y en a une à New York et trois à Toronto. Les Canadiens sauront avoir l’œil sur ces bureaux et n’hésiteront pas à les fermer comme ils l’ont fait avec les instituts Confucius qui sous prétexte de culture s’adonnaient à d’autres activités.

L’Italie, terre de toutes les expériences

Toujours selon Il Foglio, il y aurait eu depuis 2015 des patrouilles de police conjointes à Rome, Prato, Milan et Turin, actuellement suspendues pour cause de Covid.  Selon les journalistes, les autorités italiennes ne se sentent pas concernées par les agissements de ce bureau de police de Fouzou sur territoire de la République italienne, car il s’agirait uniquement d’affaires administratives. Les journalistes italiens n’en sont pas convaincus, ils pencheraient plutôt en direction d’une coercition discrète, mais réelle de la communauté chinoise.

Les autorités chinoises ont informé qu’elles avaient réussi depuis avril 2021 à « persuader » 230.000 citoyens de retourner librement vers la mère patrie en vue d’y être jugés pour des activités criminelles officiellement liées a de la fraude téléphonique. La panoplie des méthodes de « persuasion » chinoise comporte des « outils » comme des pressions sur la famille allant jusqu’à l’emprisonnement, des menaces physiques sur les enfants des candidats avec privation de nourriture et exclusion des écoles, des tags sur les maisons…

La chasse au renard

Selon les connaisseurs des rouages de l’état chinois, ces bureaux de police étaient initialement une opération gérée par les administrations de sécurité publique des provinces de Fuzhou et de Quingtian. Ces provinces sont celles qui ont parmi la plus grande diaspora hors Chine. Le tout est à situer dans le contexte élargi d’une stratégie d’état dénommée « Fox Hunt » ou chasse au Renard ou encore « Sky net ». Elle est de la responsabilité d’un super ministère : la « Commission nationale de Supervision » spécialisée dans le rapatriement extra-légal de « fugitifs ». À partir du 1er décembre de cette année-ci, tout citoyen chinois tombe sous l’exterritorialité de nouvelles lois. Un rapport de « Safeguard Defenders » de janvier conclut que celles-ci ont de fait, légalisé le kidnapping de citoyens chinois à l’étranger. Pour l’instant il y a peu de réactions européennes à cet état de choses, la question ukrainienne prédomine.