La députée du groupe EDS et ex-LREM Albane Gaillot lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale le 6 février 2019 à Paris

Dix heures de débats et des pics de tension : en France, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi visant à allonger le délai légal pour l’avortement, mais son examen a ravivé les passions sur ce sujet jugé “sensible” par le gouvernement français, prudent face à la majorité.

Le texte qui allonge le délai légal d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse (16 semaines d’aménorrhée), a été voté par 86 voix pour, 59 contre et 7 abstentions, la plupart des groupes politiques étant partagés. C’est désormais au tour du Sénat de s’en saisir.

Pourtant, si le droit des femmes évolue et qu’elle dispose de son corps, aujourd’hui, près de 5 000 femmes partent à l’étranger pour mettre fin à une grossesse non-désirée. De manière clandestine ou bien seulement parce que leur pays refuse de pratiquer l’opération. En France, retour sur l’époque où Simone Veil changea le monde des femmes et focus sur celui dans lequel nous vivons toutes aujourd’hui. 

17 janvier 1975 : une loi de santé publique

Simone Veil, un nom, une personne, ses actes et son charisme. Un an avant le vote pour la santé des femmes et le droit à disposer de leur corps, Simone Veil entre au gouvernement en tant que ministre de la Santé sous le gouvernement Chirac et la présidence Valéry Giscard d’Estaing. De la volonté du Premier ministre, la ministre projette d’entrée de jeu, une loi relative à l’interruption volontaire de grossesse dans la volonté de faire reculer les chiffres de la mortalité. Ainsi, le 17 janvier 1975, est votée non sans mal, trente ans après le droit de vote des femmes, pour une mise en oeuvre expérimentale de cinq ans, la loi Veil visant la dépénalisation de l’avortement en France. Le 31 décembre 1979 est alors reconduite cette loi sans calendrier juxtaposé.

35 ans plus tard, l’IVG toujours en débat

Le groupe parlementaire français Ecologie démocratie solidarité (EDS) fait une proposition de loi. Son objectif : allonger le délai de 12 à 14 semaines incluses, comme c’est le cas dans de nombreux pays européens. Visant à “renforcer le droit à l’avortement” la majorité des députés du groupe La Répuplique En Marche ont soutenus le projet. Présenté par Albane Gaillot, députée française et ancienne partisane du groupe LREM, le texte de proposition de loi est en cours de vote. 

Alors que plus de 200 000 avortements sont pratiqués chaque année en France, on dénombre plus d’une centaine de centres spécialisés fermés en l’espace de dix ans. D’après Caroline Rebhi, co-présidente du planning familial,  interviewée par le quotidien français 20 minutes, certains hôpitaux n’avorteraient pas les femmes jusqu’à 12 semaines, comme il est indiqué dans la loi Veil et ces apports de modifications de 2001 et 2016. D’après elle, ce ne serait pas “assez rentable” pour ces derniers qui comptent de moins en moins de gynécologues et de spécialistes engagés à pratiquer une telle opération. De plus, bien que le délai de réflexion de sept jours ait disparu en 2018, certains hôpitaux et médecins l’imposent toujours.  Ainsi, par manque de moyens mis à disposition, plus de 5 000 femmes se trouvent dans l’obligation de partir à l’étranger pour avorter ou bien pratique un avortement clandestin. 

“De nombreux combats à mener” au Luxembourg

Et la situation n’est pas vraiment plus séduisante ailleurs. Malgré un large nombre de pays européens légalisant sur le sujet, en Belgique, l’avortement est toujours inscrit dans le Code Pénal malgré les nombreux projets de loi visant à sa dépénalisation.

Au Luxembourg, si depuis 2014 et la modification de la loi, l’IVG n’est plus pénalisé, les chiffres concernant le sujet restent difficiles à obtenir. Il y a quatre ans, aucun chiffre n’était communiqué. En 2020, d’après les informations publiées par nos confrères·soeurs du Luxembourg Wort, près de 4 755 IVG ont été réalisés en dix ans, au Planning Familial.  Ainhoa Achutegui, présidente du Planning Familial Luxembourg, assure cependant qu’il reste “de nombreux combats à mener”

Plus largement, à l’échelle européenne, de nombreux lobbys interfèreraient dans les votes et les projets de loi, notamment par l’intermédiaire de Sophie Kuby et de la pétition One of Us, qui avait récolté 1,7 millions de signatures en 2014, amenant le sujet à débat au Parlement.

En France, la proposition de loi suscite tout de même quelques divergences au sein du gouvernement et de l’Assemblée nationale. Le chef de l’exécutif se serait montré réticent quant à l’avancement d’un sujet jugé trop sensible tel que l’interruption volontaire de grossesse. L’hémicycle serait alors fragmenté entre une gauche supportant avec enthousiasme la proposition de loi et une droite complètement opposée à ces idées. 

Plus de quarante ans après la loi Veil, les femmes rencontrent encore des problèmes pour avorter. Quelle suite à ce débat si important pour les droits des femmes ?

Texte par Fanny Muet

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