C’est la contribution anarcho-punk à la campagne présidentielle: avec “En même temps”, en salles mercredi, les Grolandais Gustave Kervern et Benoît Delépine signent leur dixième film, une comédie délirante et politique sur le féminisme, l’écologie, et la super glue.

Après “Effacer l’historique” (2020), qui partait d’un rond-point pour aller chatouiller les Gafa, le duo de réalisateurs, rodés à rire (souvent gras) sur la politique dans l’émission télé Groland, pose sa caméra dans la campagne française, pour raconter l’histoire de deux élus locaux. Béquet (Jonathan Cohen, nouvelle étoile du comique français, de “Serge le Mytho” à “Énorme” en passant par la série “La Flamme”) est un maire “divers extrême centre”. Comprenez un homme politique de droite, assez médiocre, prêt à toutes les compromissions pour soigner son ego. Molitor (Vincent Macaigne, qui confirme son potentiel comique après avoir excellé l’an dernier dans le très sombre “Médecin de Nuit”) est un édile écolo, quelque peu hors-sol dans cette campagne, qui se bat contre un projet de parc de loisirs dans une forêt protégée.

Surréalisme à la belge

Piégés par un collectif de militantes féministes inspirées des Femen dans un bar à hôtesses de la bourgade (baptisé “le FMI”), les deux hommes vont se retrouver collés, Béquet derrière, Molitor devant, à la super glue. Soudés contre leur gré, pour le meilleur et pour le pire. “C’est Noël Godin, notre ami belge l’entarteur qui nous a inspirés”, ainsi qu’un activiste qui enduisait de super glue les portes d’entrée des agences bancaires, explique Gustave Kervern. “Le surréalisme à la belge nous a toujours portés, de film en film. Alors quand on a voulu parler du féminisme, on a voulu passer ça par le prisme de l’humour”, précise-t-il.

Le film est truffé des situations absurdes qu’ils affectionnent: une visite chez le vétérinaire qui finira en cours de trot pour les deux élus collés, une épopée en voiturette électrique à bout de batterie… Les réalisateurs confient avoir hésité à filmer pendant une heure et demie deux acteurs collés au niveau de la ceinture: même les rois de l’absurde ont eu peur du “glauque”, ou du “ridicule”. Mais Jonathan Cohen et Vincent Macaigne, eux, “n’avaient jamais aucun doute”, embraye Kervern. Même si “au bout de quatre semaines (de tournage) ils étaient contents de se décoller. Heureusement ils se connaissaient avant, et ils s’appréciaient !”.

Un casting 5 étoiles

C’est au terme d’un casting mené “parmi les recalés des César sur un trottoir sous la pluie” que Vincent Macaigne et Jonathan Cohen ont rejoint la cohorte des complices des deux réalisateurs qui, au fil des années, ont enrôlé dans leurs road trips déjantés les fidèles Yolande Moreau (qui joue la tenancière du bar à hôtesses dans le film), Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde mais aussi Gérard Depardieu (“Mammuth”, “Saint Amour”), Jean Dujardin (“I Feel Good”) ou Blanche Gardin, Denis Podalydès et Corinne Masiero (“Effacer l’Historique”)…

Une fois de plus, l’humour “Kervern-Delépine”, qui avait avec “Effacer l’historique” fait écho au mouvement des “Gilets Jaunes”, est au service d’un discours engagé, à gauche.

À travers la question du bétonnage des zones naturelles, le film veut interroger sur la difficulté pour les écologistes de vendre l’idée de sobriété, plutôt que de croissance, expliquent les réalisateurs. Il est aussi beaucoup question de féminisme, via le commando mené par la comédienne India Hair, l’humoriste Doully et l’actrice et chanteuse Jehnny Beth. “L’action très radicale de ces féministes fait naître chez ces hommes une certaine douceur, une introspection, un questionnement”, explique Jehnny Beth. “Et de là, naît un amour” entre eux.