Par Cadfael

Que le Portugal ait aujourd’hui une population vaccinée à plus de 85% est à mettre au crédit d’une acceptation généralisée des vaccins, mais surtout à la capacité d’un homme et de ses équipes.

Gouveia e Mello : l’homme providentiel

Après les débuts catastrophiques de la campagne de vaccination et la démission, au bout de trois mois, du responsable nommé par le gouvernement, le choix d’un remplaçant a été compliqué. Pour la mise en place urgente d’une organisation permettant une couverture nationale en matière de vaccination, le choix s’est porté sur un vice-amiral de la flotte portugaise peu connu du grand public. Henrique Gouveia e Mello, né en 1960, a derrière lui une carrière de 42 ans dans la marine. Commandant de sous-marins, il est légitime de se demander comment il arrivait à caser son 1,93 m dans l’étroitesse de ce genre de bâtiment. Il a, entre autres, été en charge des essais en mer des nouveaux sous-marins que le Portugal avait acquis au début des années 2000. D’après la presse il aurait 800 journées sous l’eau en continu à son actif.

Il s’est dit très impressionné par le défi que posait la relève d’un « politique ». À ce moment-là, le Portugal était dans une très mauvaise situation, les vaccinations stagnaient. Les hôpitaux étaient débordés avec un personnel hospitalier en nombre insuffisant, épuisé, très mal payé, et des infrastructures connexes submergées. Les morts s’accumulaient et les vaccins n’arrivaient pas. La dernière semaine de janvier dernier près de deux mille personnes sont décédées au Portugal. La confiance dans les institutions politiques et économiques s’effritait à une allure vertigineuse.

Huit mois plus tard le pays a vacciné plus de 85 % de ses 10.3 millions d’habitants et l’amiral a été reçu en héros ce mardi au « Web Summit » de Lisbonne qui a réuni 128 pays.

De la rigueur et de la méthode

La méthode de l’amiral repose sur un savoir-faire spécifiquement militaire : Travailler sous stress dans des environnements incertains et changeants. Ses troupes sont organisées, formées pour gérer des défis logistiques complexes et sont focalisés sur « le bon achèvement de leur mission ».

Son expérience et son charisme lui ont permis d’aller droit au but en faisant fi des politiques. Il a commencé par composer une équipe d’une quarantaine de personnes. « Des personnes qui étaient hors des réseaux politiciens » a-t-il confié dans une interview au New York Times. La composition de la task-force choisie reposait sur l’élite des trois armés (marine, aviation, terre) et comportait des mathématiciens, des médecins, des analystes et des experts en stratégie. À partir de là, un modèle a été calculé incluant une simulation de la logistique avec des flux grandeur nature.

Il a expliqué à un journal japonais que les calculs lui ont permis d’établir qu’un infirmier était capable d’injecter 15 doses à l’heure. Dans un premier temps 800 militaires furent vaccinés pour tester le modèle. Ensuite, les équipes ont considéré 300 centres judicieusement placés sur le territoire national.

Rassurer, reconstruire et progresser

La communication se devait d’être pragmatique et réaliste et constituait une partie essentielle du programme, en marge des contre-vérités diffusées par les réseaux sociaux. Il a fallu s’assurer que les infrastructures médicales classiques acceptaient le leadership des militaires. Celui-ci reposait sur la mise en place de schémas organisationnels simples pour exécution rapide.

L’amiral a déclaré lors d’une conférence au Club International de Lisbonne qu’il a trouvé un Système National de Santé (SNS) très fragilisé, déstructuré. Il lui a fallu créer une structure opérationnelle centrale appliquant le « learning by doing ». Un des objectifs était de protéger en priorité, les personnes en risque de vie et de reconstruire la résilience du SNS. Gouveia a souligné que ses équipes ont commencé à vacciner au ralenti pour ensuite passer à la vitesse supérieure.

Il a loué la population portugaise et sa culture pro-vaccin. Il a qualifié les anti vaccin, peu nombreux au Portugal, « d’obscurantistes, partisans d’une philosophie du XIIIème siècle ».  

Sa leçon finale : « Si on improvisait dans un sous-marin, on coulerait ». C’est cette phrase que les membres de l’actuelle, et hétéroclite coalition gouvernementale de gauche, auraient bien fait de méditer, au regard des années d’improvisation, de scandales et de promesses non tenues, avant de se casser les dents sur un budget 2022 sans ambition et d’être renvoyés à des élections anticipées.