Inauguré fin juillet, le skatepark Péitruss est vite devenu la grosse attraction de l’été à Luxembourg. A la base de ce projet qui a mis 12 ans à se concrétiser, il y a deux hommes: Dan Gantrel, gérant du skateshop Olliewood et Alex Welter, ingénieur au service des sports de la ville. On les a rencontré sous le soleil du Grund pour qu’ils nous parlent de tout ça.

D’où vous est venue cette idée de réaliser un skatepark à Lux-ville? 

Alex Welter: Déjà, il faut savoir qu’on fait du skate tous les deux depuis une vingtaine d’années. L’idée est d’abord venu de là.
Dan Gantrel: Au Luxembourg, il n’y avait pas vraiment de structures adaptées pour les skateurs. C’était plutôt des airs de jeu, des modules…
Alex Welter: (Il coupe) En tout cas, aucune en béton coulé sur place. Ce n’était que des parks installés sur des parkings.
Dan Gantrel: Comme on avait pas mal voyagé, on voyait qu’il y avait vraiment quelque chose à faire ici. Du coup, on a crée une asbl en 2004, «skatepark.lu». Ensuite, il y a eu pas mal de discussions avant que ça ne se concrétise. On s’est aussi appuyé sur les petites structures qu’on a réalisées ailleurs dans le pays pour concevoir le meilleur skatepark possible.
Alex Welter: Petit à petit, on a démontré aux yeux des politiques qu’on était crédibles et que c’était dans l’intérêt public de réaliser ce projet. On a une approche professionnelle, ils ont vite remarqué qu’on n’était pas des petits gamins qui voulaient juste s’amuser.
Dan Gantrel: On a alors proposé une dizaine de sites qui ont fait l’objet d’une analyse poussée. La ville avait tout en main. Notre premier choix n’était pas la vallée de la Pétrusse, c’était la Kinnekswiss. Ici, c’était notre deuxième choix. D’ailleurs, on pensait que ça allait être compliqué de réaliser un skatepark ici…
Alex Welter : (il complète) Parce que ce site est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Bref, on ne pouvait pas faire n’importe quoi.

A quoi étiez-vous particulièrement sensibles, justement, dans l’élaboration de ce skatepark?
Alex Welter  T’as des skateparks moches et pas skatables, des skateparks skatables mais moches… Nous, on voulait un skatepark joli et skatable. Une de notre mission, à l’aide de photos, c’était de convaincre la ville d’aller dans cette direction.
Dan Gantrel: Il fallait aussi l’ancrer au cœur d’une zone verte, c’était super important. L’architecte de Constructo Samuel Stambul s’est inspiré des vieilles forteresses de Vauban pour créer les lignes. C’était l’idée : qu’il se fonde dans le décors. On a travaillé des heures avec lui sur les hauteurs, les modules… Certaines zones ont complètement changé depuis le projet de départ.
Alex Welter: Dernière chose importante : la supervision passive. Ici, les gens passent, s’assoient. Un skatepark ne peut pas être caché à l’écart, dans une zone industrielle, comme si on voulait mettre les skateurs à l’écart pour qu’ils ne dérangent personne.

Le skate est encore victime de préjugés?
Dan Gantrel: Les incidents qui se déroulent dans les skateparks sont vite mis sur le compte des skateurs eux-mêmes. C’est ensuite repris par les médias, ça crée une certaine image mais la plupart du temps, c’est faux. On veut aller contre ces préjugés, montrer qu’il y a des gens qui s’impliquent beaucoup pour réaliser leurs figures.
Alex Welter: En ce sens, la supervision passive a quelque chose de rassurant, il y a toujours des gens tout au long de la journée. On nous avait proposé un site à Gasperich mais ça ne nous plaisait pas…

Comment peut-on jauger ce skatepark par rapport à ceux qu’on trouve dans nos pays voisins?
Alex Welter: Les deux bowls et le cradle sont uniques dans les alentours. Pour retrouver ça, il faut faire 250 km et aller à Anvers. On connaît tous les parks de la grande région et on ne voulait pas proposer la même chose. Les différentes possibilités qu’offre l’air de street, c’est aussi vraiment bien.

Ce skatepark a été conçu pour des « riders » de quel niveau?
Alex Welter: Il a tout ce qu’il faut pour convenir aux débutants. Tu peux apprendre toutes les figures que tu veux ici. Après six mois, tu commences déjà à avoir une bonne expérience. Après, tout dépend de ton investissement.

Et vous, vous en êtes où d’ailleurs, niveau investissement?
Alex Welter: Aujourd’hui, moi j’ai 34 ans, Dan 30 ans, on est des seniors (rires). On n’a plus autant de temps pour s’entraîner.
Dan Gantrel: Attends, il y a plus vieux que nous ! Nan, notre niveau est encore pas mal ! On a toujours plus ou moins participé à des compèts amateurs. Il y a quelques années, j’étais allé à Bâle au championnat d’Europe mais bien sûr, je ne faisais pas partie des premiers. On a eu la chance d’avoir des sponsors et du matériel, ça nous a permis de nous faire connaître un peu en dehors du Luxembourg et de nous donner de l’expérience.

Avez-vous l’intention d’organiser des compèts à Lux-ville?
Dan Gantrel: Absolument, c’est le prochain grand projet qu’on aimerait réaliser. L’idée, c’est d’organiser un événement par an avec de la musique, des stands pour s’alimenter etc. On aimerait commencer en juillet l’année prochaine. On en discute avec la ville, des sponsors semblent déjà intéressés. Entre organiser une étape d’un championnat ou une Coupe, il y a différentes possibilités qui s’offrent à nous.

 

Raphaël Ferber.