Suivi par huit millions de fans sur Instagram, ami de célébrités, le styliste Olivier Rousteing fait basculer les codes tout comme l’avait fait Jean-Paul Gaultier pour qui il a dessiné une collection haute couture, devoilée mercredi soir.

À 36 ans, dont plus de 10 en tant que directeur artistique de Balmain, il a su transformer cette maison de luxe française connue dans un cercle restreint en rendez-vous incontournable de la jet-set mêlant footballeurs et top modèles.

“Olivier Rousteing a su projeter sa vision de Balmain malgré les critiques au début. Il a été l’un des premiers à atteindre un million de followers sur Instagram, il a assumé d’admirer Kim Kardashian, qui n’était pas à l’époque dans les canons du monde de la mode et cette culture populaire que certains pouvait juger comme un peu vulgaire”, analyse Serge Carreira, maître de conférences à Sciences Po Paris.

Pour ce spécialiste du luxe, c’est le fait “d’assumer leurs goûts populaires et de partager avec le plus grand nombre le rêve de la mode” qui le rapproche de Jean-Paul Gaultier, qui a tiré sa révérence en janvier 2020, après 50 ans de métier. Désormais, ce dernier invite chaque saison un jeune créateur pour faire une collection haute couture pour lui: après la Japonaise Chitose Abe de Sacai, il y a eu le Belge Glenn Martens de Y/Project et maintenant Olivier Rousteing.

Hip hop et H&M

Défilés au rythme du hip hop, castings sous le signe de la diversité ou une collaboration avec H&M en 2015 : Olivier Rousteing a multiplié les démarches pour rendre l’univers du luxe compréhensible pour les jeunes et “démocratiser” la mode. Contrairement à la plupart des créateurs qui cultivent la discrétion, il est lui-même une star : son apparition déclenche le crépitement des flashes quand il monte, en costume blanc orné de broches dorées, le tapis rouge à Cannes avec Cara Delevingne en robe de soirée noire Balmain ou lorsqu’il prend sa place au premier rang au défilé Schiaparelli lundi à Paris.

Il revendique l’esthétique glamour pour une femme forte et libre: ses robes brodées et structurées ont sublimé Naomi Campbell et Carla Bruni au défilé anniversaire des 10 ans de Balmain en septembre. Il défend aussi une nouvelle forme de masculinité moins rigide où décolletés et paillettes sont de mise.

“Il y aura toujours des hommes ‘antiques’, dans le cliché de la virilité, l’autorité, mais il y a aussi beaucoup d’hommes qui ont envie d’en sortir”, soulignait-il dans une interview à Libération. Au dernier jour de la haute couture qui se termine jeudi à Paris, Olivier Rousteing va dévoiler sa première collection de haute haute joaillerie non-genrée pour Balmain, “qui reflète l’esprit audacieux et inclusif de la maison de couture historique”.

Armure

La popularité d’Olivier Rousteing, l’un des rares créateurs noirs ou métisses dans l’univers du luxe, a pris un tournant après la diffusion en 2019 du documentaire “Wonder Boy” (visible sur Netflix), dans lequel il fend l’armure et raconte sa quête de sa mère naturelle. Petit garçon aux origines éthiopiennes et somaliennes, il est né sous X puis a été adopté par une famille bordelaise.

À l’automne dernier, peu après son défilé anniversaire, il publie sur Instagram une photo choc et raconte avoir été grièvement brûlé un an plus tôt dans l’explosion de sa cheminée, et l’avoir caché par “honte” dans un milieu où règne “l’obsession de la perfection”. Le texte est accompagné d’une photo spectaculaire: son torse, ses bras et le sommet de son crâne sont recouverts de bandes de gaze et il a des marques de brûlure sur le visage.

Une façon de briser un tabou. “J’ai réalisé que le pouvoir des réseaux sociaux était de ne révéler que ce que vous voulez montrer”, écrivait-il alors. “Il y a une dimension générationnelle dans sa prise de parole sur sa vie, voire sur ses moments intimes”, souligne Serge Carreira, dont l’objectif est de “raconter la source de ses engagements”.