Qu’on ne se moque plus des trucs et astuces de mémé. Avec la pandémie, ils ont refait surface dans bien des domaines pour répondre à l’urgence climatique et aux préoccupations nouvelles des consommateurs. L’industrie de la mode, bien qu’à la pointe, n’est pas en reste, et remet elle aussi au goût du jour des services et pratiques pourtant longtemps mis de côté. La seconde main et la réparation de vêtements en sont des exemples bien concrets. En plein essor, ils participent à panser certains maux d’un secteur en pleine mutation.

Qu’elles soient le fait direct de la pandémie, un simple phénomène de mode, ou un moyen de réduire l’impact environnemental de la deuxième industrie la plus polluante au monde, la seconde main et la réparation de vêtements se sont imposées tout au long de l’année comme des candidates sérieuses au futur de la mode. En plein boom, ces services n’ont pourtant rien d’innovants, et sont même, pour certains, vieux comme le monde. Modernisés, réinventés, ou digitalisés, ils permettent aujourd’hui de répondre à une double attente des consommateurs – et non des moindres : une mode plus écologique et économique.

La seconde main pour tous

De Vinted à Vestiaire Collective en passant par Videdressing ou The RealReal, la mode de seconde main n’est plus l’apanage des collectionneurs, chineurs, et autres adeptes de vintage. Il s’agit désormais de combiner achat malin et durabilité, que ce soit dans le prêt-à-porter comme dans le luxe, pour répondre à deux des principales préoccupations des consommateurs. Le tout porté par internet qui a permis de passer de la brocante, parfois inaccessible (et moins fournie), à une multiplication vitesse grand V des applications et site internet où il est possible d’acheter – et de vendre – en quelques clics seulement. La mode circulaire a clairement le vent en poupe, et ce auprès de toutes les générations, la Gen Z en étant particulièrement friande.

La seconde main n’a d’ailleurs pas (vraiment) connu la crise pendant la pandémie. Aux Etats-Unis, quelque 33 millions de consommateurs ont acheté des vêtements de seconde main pour la première fois en 2020, d’après un rapport publié en juin par ThredUP en partenariat avec GlobalData. Estimé à 36 milliards de dollars en 2021, le marché mondial de l’occasion devrait doubler au cours des cinq prochaines années, pour atteindre 77 milliards de dollars, peut-on lire dans cette enquête qui souligne le fait que le marché de la revente pourrait croître 11 fois plus vite que le secteur de la vente au détail d’ici 2025. Des chiffres vertigineux qui témoignent d’un engouement sans précédent pour cette pratique pourtant connue depuis des décennies.

Le luxe s’y met aussi

Le luxe n’est pas en reste, bien au contraire, les acteurs se laissant progressivement tenter par l’occasion, à coups de partenariats avec des géants du secteur ou d’initiatives en propre. Même les deux grands magasins parisiens que sont Les Galeries Lafayette et le Printemps ont récemment ouvert des espaces consacrés à la seconde main, avec à la clé des pièces griffées de grandes maisons.

Dans son dernier rapport datant de novembre, Bain & Company indique que “le marché du luxe d’occasion a grimpé en flèche pour atteindre 33 milliards d’euros en 2021, porté par une demande croissante et une offre foisonnante”. Cela correspond à une hausse totale de 65% entre 2017 et 2021, que le cabinet met en comparaison avec l’augmentation de 12% pour le luxe de première main sur la même période. Toujours aucun nuage à l’horizon.

L’avènement du rafistolage

Dans un récent rapport, l’association Waste & Resources Action Programme (WRAP) explique que prolonger la durée de vie des vêtements de neuf mois supplémentaires permettrait de réduire leur empreinte carbone d’environ 20 à 30%. Nos mémés étaient donc dans le vrai, mais l’ère industrielle a transformé les habitudes et comportements privilégiant le renouvellement à la seconde vie. Face à l’urgence climatique, c’est le chemin inverse que tentent de reprendre acteurs de la mode et consommateurs en remettant au goût du jour une pratique vieille comme le monde – ou presque.

Faire un ourlet ou une retouche, réparer un jean troué, ou remettre à neuf un T-shirt usé sont des procédés qui reviennent en force ces dernières années, poussés eux aussi par la pandémie. Il y a celles et ceux qui ont le temps, la patience, les connaissances, et le savoir-faire, pour s’y adonner, et les autres qui ne veulent plus jeter leur garde-robe au moindre signe de dégradation, sans savoir à qui la confier. De quoi motiver le boom de plateformes qui proposent aujourd’hui d’offrir une nouvelle vie à ces vêtements fétiches.

Réparer plutôt que jeter

En Angleterre, la start-up londonienne Sojo s’est lancée sur ce créneau qui s’annonce fructueux, permettant en quelques clics seulement de confier ses vêtements à des coursiers pour les faire réparer en quelques jours par des professionnels. Surnommé le ‘Deliveroo’ de la réparation de vêtements, ce service fait finalement tout à la place des habitants de Londres : le déplacement, la réparation ou la retouche par un couturier local, et la remise en mains propres.

Pratique et efficace pour ne plus avoir à remplacer une pièce mise à mal par le temps ou une simple maladresse. La plateforme est loin d’être un cas unique, Les Réparables, L’Atelier 23/11, The Restory, ou Clothes Doctor comptent aujourd’hui parmi la foule de sociétés qui se consacrent à la restauration de vêtements, accessoires, sacs, et chaussures à travers le globe.

Piocher dans les pratiques du passé est devenu un exercice très profitable pour les acteurs de la mode, qui adaptent pour l’époque des services de niche ou longtemps délaissés, et tentent par cette voie de se réinventer pour amoindrir leur impact environnemental. Le fameux ‘c’était mieux avant’ sonne exceptionnellement comme un mantra de choix.