D’abord attirée par le développement commercial, Mathilde Lambin a finalement décidé d’embrasser une carrière professionnelle dans le domaine du recrutement et des ressources humaines. Depuis novembre 2019, elle est à la tête du groupe Manpower au Luxembourg. Dès ses débuts, la crise du Covid-19 est venue quelque peu entacher la dynamique du groupe. Aujourd’hui, la jeune dirigeante, sans perdre son optimisme communicatif, doit faire face à une nouvelle problématique : celle de la pénurie de talents qui frappe de plein fouet le Luxembourg. 

Quel est votre rôle au sein de Manpower ?

Je travaille pour Manpower Group, je suis Head of Operation Manager. Je suis la directrice du groupe Manpower, à Luxembourg. Je reporte à Manpower Group Belgique. Au sein de cette entité luxembourgeoise, nous avons plusieurs marques : Manpower qui fait de l’intérim, Manpower Permanent Placement qui réalise des recrutements en CDI et la marque Experis qui fait des recrutements dans le domaine de l’IT. Je coordonne les équipes de ces différents pôles.

Quand avez-vous rejoint la société ?

J’ai commencé en juillet 2018 chez Manpower, en travaillant d’abord dans le pôle intérim, un secteur qui m’était totalement inconnu. Puis, en 2019, la direction m’a proposée de reprendre les autres marques du groupe.

Quel est votre parcours professionnel ?

Je suis originaire de Lille. J’ai fait l’ESC Lille, qui s’appelle désormais Skema Business School. Titulaire d’un Master 2 en business management, j’ai terminé mes études, en 2008, en pleine crise des subprimes. Ce n’était pas évident de trouver un emploi à cette époque, au Luxembourg. J’ai donc commencé ma carrière dans la grande distribution, en France. Et finalement, j’ai rejoint mon mari qui avait déjà entamé une carrière au Luxembourg. J’ai été embauchée dans un cabinet de recrutement, en tant que consultante. J’y suis restée pendant huit ans.

Est-ce un secteur qui vous a toujours intéressé ?

Non, pas du tout. Au début, j’étais très intéressée par le développement commercial. J’ai découvert par hasard le domaine du recrutement et des ressources humaines en répondant favorablement à une offre d’emploi. J’ai été formée sur le tas, je ne connaissais pas du tout ce secteur.

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

En travaillant dans le domaine du recrutement, j’ai l’impression de pouvoir changer la vie de nombreuses personnes. C’est pourquoi j’aime tant mon métier. Selon moi, un bon job peut transformer la vie de quelqu’un. A contrario, une personne peut également changer une entreprise. Faire ce matching entre employeur et employé, tout en permettant le développement de carrière du candidat et l’épanouissement de chacune des parties, fait le charme du recrutement. Malheureusement, je n’en fais plus beaucoup actuellement. Je gère surtout la gestion opérationnelle. Je fais des tâches très variées au quotidien. Je m’occupe du management de mes équipes, du développement marketing et de la communication (pour mettre en avant le plus possible nos marques) mais aussi de la gestion et du suivi financier du groupe. Je suis également en charge du recrutement interne et du développement commercial. J’apprécie tout particulièrement le côté relationnel et les nombreux échanges avec les clients. 

Quel impact a eu la crise du Covid-19 sur votre activité ?

Notre marque principale, Manpower, est basée sur l’intérim. Lorsqu’il y a une crise, les travailleurs intérimaires sont les premiers à devoir partir. Nous avons donc connu une très grosse récession de notre activité intérim. Cela a été très difficile puisque nous avons une agence qui est spécialisée dans l’HORECA. Pendant près de deux ans, nous n’avons pas pu travailler. Cette problématique a eu des conséquences sur notre chiffre d’affaires. Nous avons dû y faire face en nous réinventant. Ce sont les autres marques du groupe qui nous ont permis de tenir. Je suis heureuse de pouvoir dire, qu’en 2022, nous avons retrouvé une très belle dynamique. Nos chiffres de cette année sont supérieurs à ceux de 2019. L’intérim repart très fort, c’est une conséquence directe à la pénurie de talents.

Comment avez-vous réussi à vous renouveler ?

Nous avons fait le choix de ne pas licencier, nous avons conservé l’ensemble du personnel de Manpower Group. Nous avons tout de même dû mettre certains de nos collaborateurs au chômage partiel. Une grande partie de notre personnel est restée très active au niveau commercial. Ils sont restés très présents pour nos clients. Cette relation forte, établie entre collaborateur et client, nous a permis de rebondir plus rapidement.

La pénurie de talents touche de nombreux secteurs au Luxembourg, comment l’expliquez-vous ?

Il y a eu énormément de reconversions professionnelles. De nombreuses personnes ont profité d’être au chômage pour se former à un autre métier. Mais honnêtement, nous ne l’expliquons pas vraiment. Nous ne savons pas où sont les gens. Cela va commencer à devenir très problématique puisque le Luxembourg va manquer de main-d’œuvre. Le prix du carburant et le coût de la vie remettent en cause la carrière de certains travailleurs. Le Luxembourg a perdu en attractivité. Le Smic qualifié reste avantageux par rapport à ceux des pays frontaliers mais le temps de trajet et le coût du trajet ont un impact indéniable sur la motivation de certains candidats à venir au Luxembourg.

Les attentes des candidats ont énormément changé avec la pandémie…

Oui, totalement. Une grande majorité de nos postulants accorde énormément d’importance au télétravail. Nous attendons, afin de pallier la pénurie de talents, que le gouvernement fasse quelque chose en ce qui concerne la partie législation. L’assouplissement des règles en matière de télétravail serait un argument de taille pour faire revenir certains talents au Luxembourg.

Comment entrevoyez-vous l’avenir ?

J’ai la chance de collaborer avec des équipes très positives. C’est super important de garder cet état d’esprit. Nous travaillons dans un secteur qui peut s’avérer complexe. Nous sommes conscients que cela va être compliqué dans les semaines et mois à venir. Nous essayons de placer le candidat au cœur de la recherche pour pouvoir les accompagner au mieux et les fidéliser. Nous souhaitons leur permettre, via l’intérim ou non, de trouver un épanouissement personnel et un développement de carrière. Nous incitons de plus en plus nos intérimaires et nos candidats à faire des formations afin qu’ils gagnent en compétence. Nous devons également améliorer notre attractivité digitale. Les candidats souhaitent que les process de recrutement se fassent plus rapidement. Pour pallier cette problématique, nous allons également faire de la pédagogie avec nos clients. Certains ont encore du mal à comprendre que le monde du travail a changé. C’est très problématique. De nombreux clients pensent qu’il est encore possible de faire patienter une personne un mois avant de pouvoir lui donner une réponse positive ou négative. Actuellement, ce n’est plus le candidat qui doit séduire une entreprise. La tendance tend à s’inverser, l’entreprise doit elle aussi charmer son futur employé. Ce n’est plus comme avant. En tant que société de recrutement, nous sommes aussi là pour aider nos clients à mieux se vendre.