Magawa s’est éteint sereinement le week-end du 8 au 9 janvier après une vie laborieuse de huit années. Les grands médias du monde européens ont consacré une nécrologie élogieuse au rat champion du déminage.  En 2020 Magawa avait reçu la plus haute reconnaissance anglaise destinée à un animal : la médaille d’or PDSA pour sa bravoure et sa dévotion 

Texte : Cadfael

Magawa, médaille d’or

Magawa est le champion de toute une lignée de rongeurs sortis de l’université de Sokoine en Tanzanie. Après un an d’entraînement, il a pris son poste au Cambodge, un des pays au monde avec le taux de blessés par mines « oubliées » le plus élevé au monde. Durant sa vie il a nettoyé plus de 141.000 mètres carrés, l’équivalent de 20 terrains de foot. En tant que super pro il était capable de renifler l’équivalent d’un court de tennis en tout juste vingt minutes. Pour cela il lui fallait une « formation » spécifique,  Magawa pesait 1.2 kilogramme et avait une longueur de 70 centimètres, appendice caudal inclus. Scientifiquement il n’était pas un rat, mais un cricétome des savanes ou « rat » géant de Gambie. Cette variété est connue pour son intelligence, sa sociabilité ainsi qu’un sens olfactif extraordinaire. Né en 2013 à l’université agricole de Sokoine en Tanzanie, il est partie intégrante d’un programme développé par l’ONG « APOPO », visant l’emploi de cricétomes en matière de déminage. Les rats démineurs y sont élevés et entraînés grâce aux méthodes du centre de recherche d’APOPO dirigé par le Dr Cindy Fast,  PhD ET Master en psychologie et neuroscience comportementale de l ‘UCLA. On y développe des recherches sur le spectre d’utilisation de qualités du cricétome. Comme ils sont très légers, leur poids ne risque pas de faire détonner un de ces engins, ce qui n’est pas le cas pour les chiens.

Une formation rigoureuse

L’entraînement de 9 mois débute lorsque les rats ont 5 semaines et viennent tout juste d’ouvrir leurs yeux. Les jeunes rats sont exposés à tout un ensemble de senteurs, de lumières et de sons qui passent de l’arôme de fleurs aux bruits de camions. Au bout de deux semaines, les rats doivent être concentrés sur leur formation. Ils portent un petit harnais et sont socialisés. Vient ensuite l’étape du « click. A chaque click émis par le coach et auquel ils réagissent ils reçoivent une récompense sous forme de cacahuète ou d’avocat pour ensuite passer au stade ou on associe aux clicks des échantillons d’odeurs d’explosifs dans des récipients métalliques. A la phase suivante, ces récipients sont enterrés et les rats doivent les détecter et gratter la terre, ce qui mérite un « click » et récompense. La phase finale a lieu en milieu réel avec des mines factices enterrées. Le rat utilise à plein escient son sens olfactif, son intelligence et les compétences acquises. Lorsqu’il trouve une mine, il gratte la terre. Pour être diplômés, Magawa et ses collègues ont dû nettoyer une espace sans oublier une seule mine. Ensuite ils feront équipe avec des spécialistes d’APOPO au Cambodge ou ailleurs. L’entraînement d’un rat coûte 7.000 dollars, contre 25.000 pour un chien.

Une Idée belge

Selon le rapport annuel de la fondation « APOPO » avec siège à Genève, les revenus pour 2020 se montaient à 4.5 millions d’euros, en baisse de 250.000 EUR par rapport à 2019. Pratiquement tout passe en frais de personnel et frais opérationnels. Ses dirigeants soulignent que malgré la Covid l’ONG a pu continuer son travail.

Lancée en 1995 sur base de l’idée d’un étudiant belge, amateur de rats. Après pas mal d’essais,  il faudra attendre 1999 pour prouver que les rats peuvent faire du déminage. Et en 2003 les premiers essais sur le terrain, au Mozambique, sont prometteurs. En 2004 une première équipe de 11 rats passe les tests internationaux de certification pour la détection de mines.

C’est autour de l’an 2000 que se développe une collaboration approfondie avec l’université de Sokoine tant pour l’élevage des rats que pour leur entraînement. La Tanzanie se révèle tout à fait adéquate à cette fin.

En matière de détection de mines, le bilan d’Apopo, depuis sa fondation est respectable : 139 .000 mines et explosifs détruits, 30 millions de mètres carrés de terres rendues à leur population, plus d’un million de personnes libérées des peurs de sauter sur un engin explosif.

Et la tuberculose !

Mais ce n’est pas tout : les rats ont également du fait de leur sens olfactif extraordinaire, la capacité de détecter la tuberculose. En 2002 il y aura les premiers tests de détection de la tuberculose par les congénères de Magawa. Depuis lors pratiquement 720.000 échantillons ont pu être analysés, plus de 20.000 patients de la tuberculose ont été détectés et ont pu être soignés et 170.000 infections potentielles ont été neutralisées. One ne soulignera pas assez que cette maladie tue annuellement 1,5 million de personnes.

L’ONG forme également des chiens détecteurs de mines. Mais les rats gardent des avantages imparables : leur sens olfactif, leur faible poids et le fait et qu’à l’inverse des chiens, de ne pas avoir besoin d’une liaison sociale directe avec un maître spécifique.

On estime qu’il y a 110 millions de mines disséminées de par le monde. La convention d’Ottawa de 1997 sur les mines antipersonnel a été ratifiée par 164 pays. 34 états demeurent hors de la convention dont la Russie, la Chine, les deux Corée et grâce a M. Trump, les États-Unis.