Par Cadfael
La Hongrie est dans la tourmente politique. Il y a ceux qui souhaitent un état autoritaire et qui sont ravis. Il y a également ceux qui désirent vivre dans une démocratie parlementaire aux principes humanistes, empreints de liberté et de respect et… qui se battent.
Gergely Karacsony versus Viktor Orban?
Agé de 45 ans Karacsony, cet ancien directeur de la recherche marketing est professseur de politologie et de sociologie à l’Université Corvinus. Libéral ancré à gauche et écolo, il est élu maire de Budapest en 2019 grâce à une alliance de 6 partis, au grand déplaisir d’un Victor Orban (Ce premier ministre que Juncker avait gratifié en 2015, au sommet européen de Riga, d’un « salut dictateur » remarqué). Depuis le dictateur a fait son chemin.
À 58 ans, il progresse tranquillement vers un régime policier, accompagné de quelques protestions souvent de pure forme de la part de Bruxelles. En plus de ses diplômes universitaires hongrois en anglais et en droit, Orban a fait un court séjour à d’Oxford en 1989 grâce à une bourse de la fondation de Georges Soros afin qu’il puisse s’inscrire en sciences politiques, études interrompues rapidement. Georges Soros est entre-temps, devenu son ennemi intime, symbole d’un antisémitisme de plus en plus marqué. Orban a transformé le parti Fidesz avec le soutien d’éléments ultra conservateurs de l’église catholique, en un outil qui se déclare protecteur de la chrétienté. Il était l’un des poulains de l’ancien chancelier Kohl. Un autre de ses poulains surnommé « junior » n’était autre de Jean-Claude Juncker.
Une praxis politique totalitaire
Orban prône une « démocratie illibérale ». Il avait vainement tenté, aux élections européennes de 2019, de mettre sur pieds une coalition de partis européens de droite ultra et chrétiens. « Comme le résumait le journaliste d’origine hongroise Thomas Schreiber (1929-2015) dans « Toute l’Europe » en 2014 : “sans devenir pour autant une dictature, le système ne permet plus l’alternance, en raison du fonctionnement verrouillé du ‘régime Orbán’ ”. Par certains aspects, ce dernier s’apparente à celui de Vladimir Poutine en Russie, avec une pratique “autoritaire et personnelle du pouvoir” et le déploiement d’une fidèle oligarchie aux postes clés de la politique, des médias, de l’université et de la culture. »
“Dans ces États forts, il ne doit rien y avoir entre le chef et son peuple : il faut imposer le silence aux associations, aux syndicats, aux partis d’opposition et à tous les citoyens qui contestent la vision religieuse, voire ethnique, de la nation que défendent les dirigeants” , expliquait en 2018 le philosophe Michael Fœssel. « Un mode de gouvernement d’autant plus facile à imposer dans des pays où la démocratie libérale n’est pas implantée de longue date, comme en Hongrie ou en Pologne ».
Bruxelles se réveille
La semaine dernière, après des années de tergiversations, l’Union Européenne a bloqué les fonds de relance destinés à la Hongrie suite au non-respect répété de ses valeurs. Après avoir interdit l’Université financée par Georges Soros, le projet de financer avec des fonds hongrois une méga université chinoise à Budapest, dont les statuts mentionnent une obéissance aux principes du parti communiste chinois, a généré des manifestations de milliers de personnes. Kergely a fait baptiser les rues autour du projet chinois avec des noms comme « Hong Kong libre » ou rue « des martyrs Uighurs, rue du Dalai Lama » et autres. On notera que la ville de Budapest compte pour 27% dans le Produit National Brut et que, malgré les tentatives d’Orban de réduire l’autonomie des communes, la ville reste un acteur politique majeur dans un pays. La très courte visite du pape en Hongrie récemment a fait comprendre au régime d’Orban qu’une partie de la chrétienté n’est pas à ses cotés dans un pays 4% des jeunes déclarent être catholiques pratiquants.
En mai 2021, dans une ambiance anti-LGTB de plus en plus lourde, de musellement des universités et des institutions, du pouvoir judiciaire, de la presse, Karacsony annonce la mise sur pieds d’un accord entre 6 partis afin de battre Orban aux législatives de 2022.
Jean Asselborn, le combatif
Les 16 et 17 septembre a eu lieu une manifestation du « Budapest Forum pour les démocraties durables ». Notre ministre des affaires étrangères y a tenu un discours d’ouverture apprécié. On peut l’aimer ou ne pas l’aimer, il peut agacer sur le parquet diplomatique européen, mais il faut reconnaître qu’a l’instar de sa récente ascension du mont Ventoux en bicyclette, il ne manque pas de souffle.
« Le peuple hongrois est le mieux placé pour savoir que la liberté ne va pas de soi, n’est pas garantie./…/ Aujourd’hui la Hongrie fait partie d’une Europe libre et unie, une Union Européenne qui a besoin de promouvoir ses intérêts et ses valeurs a un niveau global afin de travailler activement à un futur global./…/ Il y a crise des démocraties qui reposent essentiellement sur la confiance, confiance dans les droits fondamentaux, ses principes et ses valeurs. La confiance dans les gouvernements nationaux comme dans l’Union européenne n’est possible que si nous sommes prêts à nous mobiliser et à combattre pour nos valeurs / …/ qui sont le règne du droit, le respect des valeurs communes et la liberté de la presse » a-t-il déclaré.
Qu’Orban l’entende, mais rien n’est moins sûr.