La pandémie est un révélateur de la pauvreté au Luxembourg, selon Caritas qui a présenté ce mercredi 9 juin son quinzième Almanach Social. Depuis le début de la crise sanitaire, l’organisation est venue en aide à des centaines de familles dont la majorité n’avaient jamais fait appel à une association pour joindre les deux bouts. Au Luxembourg, le « monde d’après » devra être plus solidaire alors que les inégalités sont croissantes, estime Caritas.  

« Quel Luxembourg pour demain ? Sortir de la crise – mais pour aller où ? », interroge en luxembourgeois le titre de L’Almanach Social 2021 de Caritas. Ce document toujours très attendu dresse cette année un bilan de la pandémie pour les populations socialement vulnérables du pays et lance des pistes pour un monde socialement plus juste, à travers les contributions de 16 auteurs nationaux et internationaux.

Dès avril 2020, l’organisation catholique avait mis en place une ligne téléphonique « Corona- Helpline » afin de fournir des aides d’urgence aux personnes en détresse financière alors que le confinement mettait l’économie à l’arrêt, entraînant pertes d’emplois et baisses des salaires pour des dizaines de milliers de travailleurs.  Sur les 860 personnes qui ont fait appel à Caritas par cet intermédiaire, « les deux tiers sont des personnes qui n’avaient jamais eu besoin d’associations comme la nôtre », a rapporté Robert Urbé, coordinateur du rapport, lors de sa présentation à la presse ce mercredi 9 juin.

Croissance pour tous

Les employés du secteur de l’Horeca ont été parmi les plus frappés, a précisé Marie-Josée Jacobs, présidente de Caritas : « Faute de toucher l’intégralité de leurs salaires ou des pourboires, beaucoup ont dû choisir entre manger et payer leur loyer. » Les familles monoparentales ont été particulièrement exposées, les aides étant notamment allées à 360 enfants. Les jeunes de moins de 30 ans représentent plus d’un quart des bénéficiaires.  La nécessité de satisfaire aux besoins alimentaires de base s’est traduit par une fréquentation accrue des épiceries sociales, tant celles de Caritas que des autres associations engagées dans la lutte contre la pauvreté. 

Cette situation est d’autant plus paradoxale qu’en 2021, la croissance du PIB luxembourgeois devrait atteindre 6% puis 3,5% en 2022. Ces résultats sans pareils dans l’Union européenne doivent « profiter à tous », affirme le rapport. Mercredi, Robert Urbé a une nouvelle fois pointé du doigt la crise du logement, « clé de voûte des inégalités ». 

Injustice fiscale

« Il est inacceptable que ceux qui travaillent soient plus imposés que ceux qui profitent du système financier », a-t-il déploré. « Les salaires sont imposés à 100% des sommes perçues, tandis que les revenus du capital sont imposés à 50% », avait déjà accusé en novembre dernier Carole Reckinger, responsable de la politique et des affaires sociales de Caritas, lors d’un premier bilan de la hotline. A cette occasion, l’organisation avait dénoncé le nombre toujours croissant de travailleurs pauvres dans le pays, rappelant qu’en la matière seule la Roumanie faisait pire au sein de l’UE. L’accroissement des inégalités au Luxembourg n’a pas attendu le Covid-19. Depuis plusieurs années, elles augmentent plus rapidement qu’ailleurs et le taux de risque de pauvreté de 17,8% y est désormais supérieure à la moyenne européenne (16,5%).

Une banalité

« Le monde après Corona sera différent, ce ne sera pas le même ! Cette phrase a été prononcée à maintes reprises pendant les derniers mois, par des présidents, des chefs de religion, des intellectuels, penseurs, professeurs et autres », constate Marie-Josée Jacobs dans l’introduction de L’Almanach Social 2021. « Mais en fait, il s’agit d’une banalité », poursuit la présidente de Caritas : « Chacun sait que, même sans Corona, le monde de demain sera différent de celui d’aujourd’hui ! » Pour l’ancienne ministre chrétienne-sociale, « la question n’est donc pas tellement si le monde après Corona aura changé, mais dans quelle direction aura-t-il changé ?  Aura-t-il changé pour le meilleur ? » Marie-Josée Jacobs voit dans cette crise « l’occasion de donner plus de place à la justice sociale » et de façonné « un monde qui sera uni, solidaire et viable pour tous les habitants de la terre ».

Fabien Grasser