Ne l’appelez plus Christine and the Queens, mais Redcar: changer de nom d’artiste dans la chanson est un exercice courant, de Prince à Cat Stevens, parfois risqué, même si les réseaux sociaux changent la donne.

“Alors que je travaillais si dur et seul (…) les voitures rouges (red cars en anglais) qui passaient ponctuaient chacune de mes belles pensées”, écrit l’artiste dans ses notes d’intentions. Qui se genre donc désormais au masculin et confie sur ses réseaux sociaux se voir comme “trans”. 

Et d’ajouter une couche de mystère en associant ces visions de voitures à des “signes” envoyés par sa mère, récemment disparue, dans une interview au quotidien britannique The Guardian. 

Vendredi paraît un album “Les adorables étoiles”, prologue en français d’une suite attendue en anglais. Sortie précédée de deux concerts au Cirque d’Hiver à Paris en milieu de semaine, écrin d’une performance viscérale et ésotérique, destinée aux fans ultimes. 

“On peut faire un parallèle avec Bowie qui s’était créé des personnages, Ziggy Stardust, Aladdin Sane; Redcar est dans cette logique et je parie que dans un an ou deux, un album ou deux, l’artiste changera encore, ne sera pas Redcar toute sa vie”, décrypte pour l’AFP Christian Eudeline, rédacteur en chef du magazine français Vinyle&Audio. 

Redcar n’en est pas à sa première réincarnation. L’album inaugural, “Chaleur humaine” en 2014 sous le nom Christine and the Queens, lui ouvre les portes du succès, bien au-delà de la France, son pays natal (USA, Royaume-Uni, etc). Le suivant s’appelle tout simplement “Chris”, sa nouvelle identité en 2018.

Bras de fer

“Les changements de noms sont nombreux dans la musique, mais rarement pour des raisons philosophiques comme Redcar”, poursuit Christian Eudeline. 

La démarche la plus proche est celle de Kae Tempest, artiste britannique entre rap, slam et poésie, qui s’est débarrassé de tout genre en enlevant une lettre au prénom encore à l’affiche récemment (Kate).

Cat Stevens est un cas à part: lorsqu’il se convertit à la religion musulmane et devient Yusuf Islam, il arrête sa carrière de musicien à la fin des années 1970 (il n’y reviendra que des décennies plus tard). 

Quand on pense à un artiste déjà bien établi, l’épisode de Prince devenu Love Symbol vient rapidement à l’esprit. Nul cheminement intime. Alors que le Kid de Minneapolis a connu le succès avec “Purple Rain” en 1984, il s’efface derrière un pictogramme sur les pochettes pour aller au bras de fer avec sa maison de disques dans les années 1990. 

A cette époque, la star apparaît aussi sur scène avec “Slave” (“Esclave”) écrit au feutre sur le visage pour protester contre ses conditions contractuelles. Il retrouvera sa couronne de Prince dans les années 2000, libéré de son engagement.

« Voyage révélation »

Des bifurcations de carrière ont aussi fini en sortie de route. Comme Snoop Dogg qui a fini par diluer son image dans trop de projets. 

Le rappeur se rebaptise ainsi Snoop Lion dans les années 2010 après un “voyage révélation” à la Jamaïque, comme il le dit entre deux nuages d’herbe fumée en interview. L’Américain ne convaincra personne et reprendra vite le patronyme qui l’a consacré dans les années 1990.

Autre expérience, mitigée cette fois. En abandonnant, non pas leur nom, mais leur maquillage pour apparaître visage nu, les membres du groupe Kiss, en perte de vitesse, connaîtront un petit rebond dans les années 1980. 

“On n’était pas à la traîne mais on ne menait plus la danse”, admet Gene Simmons, bassiste fondateur dans le documentaire “Kisstory”. Le quatuor reviendra aux faces grimées façon théâtre kabuki avec la mode des tournées de reformation, lucratives dès les années 1990.  

Redcar prend-il un risque ? “L’artiste est très identifié sur les réseaux sociaux”, rassure Christian Eudeline, auteur de “Iggy Pop, Fun & Destroy” (“L’Iguane” a souvent changé de peau musicale, mais jamais de sobriquet). Redcar s’emploie en effet à documenter son parcours sur Twitter ou Instagram, dénonçant un “système binaire de genre préfabriqué”.