Agathe Ruga, notre chroniqueuse littéraire, a publié son premier roman, Sous le Soleil de mes Cheveux blonds, chez Stock. Alors que rien ne la prédestinait à une telle aventure – si ce n’est un incommensurable amour pour les livres -, l’écriture s’est imposée un jour comme une évidence.

Dès lors, l’occasion était trop belle pour ne pas évoquer avec elle les dessous de son premier roman, et, plus largement, le délicat travail de l’écrivain… Entretien.

Comment vous est venue l’envie d’écrire ?

L’envie a toujours été là. Depuis que j’ai découvert les livres et la lecture, j’ai toujours écrit… des textes plus ou moins aboutis… certes, mais je n’ai jamais cessé.
Ce premier roman est né d’une phrase prononcée innocemment par une amie au détour d’une conversation : « les rêves des femmes enceintes peuvent changer le monde ». Elle a été mon point de départ.

Ce premier roman est autobiographique : parler de soi lorsque l’on commence à écrire est inévitable ?

Je pense que oui, même pour le deuxième ou troisième roman d’ailleurs… Et même pour ceux persuadés du contraire ! Parfois, on parvient à travestir la réalité et les personnages, mais au fond, on parle toujours de soi quand on évoque la vie des autres. Je pense que la pure fiction n’existe pas.

Quelle est la part de vérité dans les personnages de Brune et de Brigitte ?

Brune est brune et Brigitte est blonde… Quant au reste, tout ce qui semble vrai est un  peu faux, et tout ce qui semble faux est un peu vrai (sourire). Brune n’est pas tout à fait moi, elle est le pire de ma personnalité : je suis allée chercher le plus affreux, le plus inavouable, j’ai voulu que l’on déteste la narratrice. Je ne cherchais pas à provoquer l’empathie et la complaisance – bien au contraire –, j’ai horreur de ça. Pour Brigitte, je crois qu’avec le temps j’ai fantasmé un personnage, j’en ai fait une icône, dont j’ai exagéré les traits. C’est le principe d’un roman, évidemment.

Ce roman a-t-il eu vocation d’être un exutoire à de vieux démons ?

Oui, bien sûr, c’est un livre thérapeutique et psychanalytique. Au départ, c’est un livre relatant une amitié disparue, et finalement c’est un livre sur l’absence et le manque de ma mère… Lorsque j’ai apposé le point final du récit, et après un torrent de larmes salvatrices, je me suis sentie totalement délivrée. J’avais compris le transfert qui s’était opéré, le lien maternel/amical flouté. L’écriture coûte moins cher qu’un psy, je recommande (rires)!

Avez-vous connu l’angoisse de la page blanche ?

Pas encore… Néanmoins, je me mets rarement face à une feuille blanche. (sourire). C’est la feuille blanche qui vient à moi, quand les mots se pressent dans ma tête et qu’il faut que je les couche, avec urgence, sur un ordinateur, une feuille, un bout de sopalin, une note dans mon iPhone…

Quelles sont les plus grosses difficultés que vous avez rencontrées ?

D’être ininterrompue ! C’est le problème de faire des livres et des bébés en même temps (rires). À l’époque de la rédaction du livre, je travaillais encore comme dentiste, donc j’écrivais comme je pouvais entre deux portes, deux patients ou deux bains, j’écrivais le jeudi après-midi et les soirs tard, parfois les dimanches matins quand tout mon petit monde dormait encore… Le plus dur véritablement d’avoir du temps suivi.

Votre plus grand plaisir dans le processus de création ?

La rencontre et le travail avec mon éditrice Caroline Laurent. C’est passionnant, et complètement fascinant, de tomber tout de suite sur la bonne personne. Elle m’a énormément appris sur moi-même. Chaque message est une épiphanie, elle est une centrale nucléaire d’énergie à elle seule, elle respire la joie et l’optimisme ! Je l’aime d’amour fou (sourire).

Vous attendiez-vous à un tel succès ?

Sincèrement, non. Je ne pensais pas avoir autant de ventes, de retours positifs, de chroniques merveilleuses et de presse sur ce premier ouvrage. J’ai reçu des mails et des lettres par centaines. Ce qui me fait le plus plaisir ? Quand on me dit que mon roman a fait naître l’envie de lire plus souvent. Faire de nouveaux adeptes en littérature est ma mission de vie sur terre, je pense (rires). Je me sens enfin absolument à ma place.

Travaillez-vous déjà sur un nouveau roman ?

Oui, dans ma tête. J’ai un titre, des personnages, et des phrases récitées en boucle la nuit que j’apposerai sur mon ordinateur le 9 septembre prochain, date de la rentrée en crèche de ma dernière fille.

Jeune maman de trois enfants, blogueuse littéraire, comment parvenez-vous à jongler entre toutes ces activités ? A part un verre de vin (Agathe vite à Châlons en Champagne, ndlr.)!

Si un verre ne suffit pas, alors j’enchaîne sur deux verres de vin (rires) ! Je suis comme toutes les femmes, à la recherche permanente d’un équilibre subtil et précaire. Finalement, ce qui me prend le plus de temps c’est de gérer le Grand Prix des Blogueurs littéraires, les votes et l’événementiel autour, c’est vraiment un métier à part entière et je suis très désorganisée. Pour répondre vraiment à votre question, je rentabilise chacune des secondes de mon temps sans enfant, j’essaie de poser mon iPhone hors de ma vue, j’ai une femme de ménage et des filles qui ont vite fait leur nuit, j’ai aussi de la chance ! Bien sûr, je n’aurais jamais pu faire tout ça si je n’avais pas un amoureux qui assurait grave derrière, je me plais à penser qu’il mise sur moi pour un jour vivre ses passions à son tour (sourire) !

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer dans l’écriture ?

Le premier serait de se faire plaisir en écrivant. Et puis d’écrirecomme si on ne devait jamais être lu un jour. De ne pas être trop hermétique ou suggestif. De construire des phrases avec un sujet, un verbe conjugué et au moins un complément.  D’éviter les conjonctions lourdes « que » et « qui ».Enfin, et surtout : oser ! Être audacieux, mais ne pas être convenable.Etde ne copier personne.

Trois livres à conseiller en cette rentrée littéraire ?

  • Le Bal des folles, de Victoria Mas : passionnant 
  •  Les Fillettes, de Clarisse Gorockhoff : émouvant 
  •  Rose Désert, de Violaine Huisman : intense !