Il y a eu l’aventure des Parlements (luxembourgeois puis européen) des Jeunes, des engagements citoyens, une élection… Née à Munich, ayant un peu vécu en Afrique avant que sa famille ne s’installe au Luxembourg quand elle a 6 ans, la jeune activiste Jana Degrott qui vient de finir ses études de droit, veut renforcer la démocratie et la représentation des femmes, des jeunes et des minorités. Rencontre à la BNL mi-janvier avec cette jeune femme pleine d’énergie, première Luxembourgeoise élue Obama Leader.
Par Karine Sitarz / © Kary Photography
Jeune juriste, élue de Steinsel, cofondatrice de WeBelongEurope, journaliste/animatrice du podcast Wat leeft?, comment vous présenter ?
Je suis une entrepreneuse sociale mais aussi une impact entrepreneur car ce qui m’intéresse c’est d’avoir une influence sur la société, sur des communautés identifiées, les femmes, les jeunes et les personnes issues des minorités, des groupes auxquels je m’associe. Ma motivation à m’engager autant vient principalement du fait que j’ai grandi auprès d’un frère autiste qui ne parle pas beaucoup.
Comment sont nés vos engagements politiques et citoyens ?
Cela a commencé avec un engagement citoyen mais, à 17 ans, j’ai réalisé que je voulais être à la table des décisions. Du coup, il n’y avait pas d’autre choix que d’entrer en politique. Alors que je suis luxembourgeoise mais que je ne me sens pas vraiment représentée, je me suis convaincue que je devais prendre les choses en main.
Femme, jeune, métisse, avez-vous eu des obstacles particuliers au fil de votre parcours ?
Dans mon cas, c’est facile d’avoir une visibilité en politique et d’être reconnue. Mais la politique m’a aussi parfois fait sentir que je suis différente et pour les racistes, c’est facile de m’attaquer. J’en ai fait l’expérience sur les réseaux. J’ai subi des menaces très jeune déjà mais depuis que j’en parle ouvertement, cela ne m’atteint plus comme avant. Le fait d’être métisse est une grande richesse, j’ai grandi avec des cultures différentes (ndlr : sa mère est togolaise, son père luxembourgeois) et mon existence montre que l’amour n’a pas de frontières.
L’inclusion est une problématique qui vous tient à cœur. Pouvez-vous nous dire comment la plateforme WeBelongEurope a été créée ?
Le projet a été initié par Yasmine Ouirhrane, lauréate du prix « Jeune Européenne 2019 », qui a dû faire face à des messages de haine en ligne alors que sa photo a été utilisée par Marine Le Pen. Elle m’a contactée pour me proposer de participer à la création de WeBelongEurope, fondée le 8 mars 2020, juste avant le confinement. Nous devions voyager pour rencontrer des jeunes femmes mais on a tout fait en ligne. Cela nous a ouvert énormément de portes. C’est comme ça qu’Obama nous connaît, Gates aussi. C’est incroyable ! On a commencé à trois avec Sumaia Saiboub, activiste en Italie, aujourd’hui on est douze, d’un peu toute l’Europe.
Quels en sont les objectifs ? Quel y est votre rôle ?
L’objectif est de créer de nouveaux role models pour une nouvelle génération de femmes en Europe. Mon rôle à moi est l’advocacy et le lobbying positif. Pourquoi l’équipe de Capitani cherchait-elle des Noirs pour interpréter des dealers ? Pourquoi la success story du Luxembourg ne prend pas en compte les personnes de couleur ? J’ai toujours voyagé et représenté le Luxembourg alors comment se fait-il que je ne m’y vois pas représentée ? Moi, je veux aussi être là où ça brille !
Élue depuis cinq ans déjà dans les rangs du DP à Steinsel, quel regard portez-vous sur ce mandat et sur votre avenir politique ?
Je suis contente de ce premier mandat dans ma commune. C’est souvent frustrant parce que je suis dans l’opposition mais j’ai réalisé que grâce à ce mandat je peux inspirer des jeunes femmes dans le monde entier. Leur sous-représentation dans l’espace politique est globale. J’ai fait du mentorship, surtout au Luxembourg pour les 16-19 ans. Mon avenir ? Les élections en juin, et en octobre si tout va bien. Je vais continuer et j’espère un jour être au Parlement européen pour y faire de bonnes choses.
Vous êtes entrée dans les Obama Leaders en 2022. Qu’est-ce que cela signifie pour la jeune Luxembourgeoise que vous êtes ?
C’était comme une deuxième université, un programme intense de six mois, avec des coachings individuels en leadership ou prise de parole et des séances en groupe. Pour une Luxembourgeoise, c’est difficile de se faire remarquer au niveau mondial mais avec les réseaux, un engagement au sein des institutions, une représentation au Conseil de l’Europe et en gardant bien les contacts, les gens parlent de toi, il y a plein d’opportunités. C’est ce qui m’est arrivé avec la Fondation Obama et celle de Bill & Melinda Gates. C’est donc possible. Avec la Fondation Obama, des liens forts avec d’incroyables leaders se sont créés. Avec la Fondation Gates qui vise les Objectifs de Développement Durable, j’ai été invitée avec les Goalkeepers à l’Assemblée Générale des Nations Unies à New York.
Quels sont aujourd’hui vos projets ?
Le premier : former ici une nouvelle génération d’activistes pour permettre à des jeunes de créer localement des événements à impact. Le deuxième : créer un programme « leadership et bien-être en politique » pour les femmes qui ont déjà un mandat et leur donner les outils pour qu’elles deviennent résilientes et créer une communauté de femmes élues. J’attends de réunir tous les fonds. Je veux convaincre investisseurs et philanthropes qu’il est temps d’investir dans la démocratie.