L’Amérique se bat contre l’un de ses démons que représente la peine de mort : l’Arizona est devenu le champion toutes catégories de l’inculture et du manque d’humanité.

L’Arizona, symbole d’un monde ultra-conservateur

Le 1er juin le « Guardian » annonçait que l’état américain de l’Arizona allait, après sept ans de moratoire, reprendre les exécutions des condamnés à mort. Jo Biden s’est déclaré contre la peine de mort mais le chemin pour l’interdire sera long. Trump a mis en place une majorité de juges conservateurs à la Cour Suprême. Le Guardian, le Washington Post et le New York Time s’en sont fait l’écho, mais la nouvelle est passée largement inaperçue des médias européens. Et pourtant elle est symptomatique d’un état d’esprit et d’inculture d’une partie de l’Amérique profonde.

L’obsession de la peine de mort

La valeur de la peine de mort semble être particulièrement élevée en Arizona. Selon l’organisation « Death Penalty Information Center » (DPIC) 119 personnes se trouvent dans ce que l’on appelle communément les « couloirs de la mort », un endroit hors de raison où on stocke des condamnés pendant des années dans l’attente de leur rendez-vous avec la  mort. Depuis 2014 l’Arizona avait dû abandonner les exécutions à la suite du ratage de l’exécution de Joseph Wood par injection létale. Cette exécution devait prendre 10 minutes mais, in fine, les exécuteurs ont mis 2 heures à l’exécuter. Selon le DPIC le condamné a haleté et gémi plus de 600 fois. Par décision de justice, l’administration a été force d’abandonner cette voie. En mars, elle annonçait qu’elle allait s’y remettre, cette fois-ci avec des barbituriques. Il semblerait que les grandes sociétés pharmaceutiques se soient mises d’accord pour ne pas livrer ce produit à des fins non médicales. Le Guardian dans une enquête a découvert que l’état de l’Arizona, pour contourner ce blocus, avait dépensé 1.5 millions de dollars afin d’acheter des barbituriques sur des marchés parallèles. En 2015 des agents fédéraux ont saisi un chargement de ces produits à l’aéroport de Phoenix avant qu’il n’atteigne les bureaux de l’administration Arizonienne.

Et le Zyklon B ?

Toujours selon l’enquête du Guardian, citée en référence dans la presse américaine, le département de l’administration carcérale a dépensé plus de 2 000 dollars afin d‘acquérir les produits de base nécessaires pour fabriquer du Zyklon B. Ce produit est un gaz de cyanure destiné au départ à la désinfection d’espaces comme les soutes de bateau ou des hangars ainsi que la destruction de nuisibles. Dans la terminologie du national-socialisme « nuisible » était tout ce qui ne cadrait pas avec les critères de la race des seigneurs et maitres, les juifs, les tsiganes, les homosexuels, les communistes, les francs-maçons et d’autres. Comme ce régime avait rationalisé et industrialisé la  mise à mort de ceux qualifiés d’indignes de vivre ou de sous-hommes, le Zyklon B était idéal pour une utilisation à grande échelle dans des chambres à gaz qui menaient ensuite aux crématoires. Les premiers essais ont été faits en 1939 dans un fort de la SS à Posnanie en Pologne. Ce protocole de mise à mort industrialisé  aura fait plus de 6 millions de victimes. Le terme de Zyklon B est devenu un des symboles d’une des plus grandes abjections de l´Histoire européenne moderne. 

Selon l’état de l’Arizona une personne condamnée pour un crime commis avant le 23 novembre 1992 aura le choix entre une injection létale et la chambre gaz. A cette fin l’état restaure sa chambre à gaz construite en 1949, inutilisée depuis 22 ans et se propose de fabriquer son propre Zyklon B.  Entre 1950 et 1979 un total de 211 personnes ont été exécutées dans des chambres à gaz dont certaines ont mis 18 minutes à mourir.

Selon le « Guardian », les deux condamnés choisis sont deux meurtriers de 65 ans, l’un, Atwood ayant tué une fillette en 1984 et l’autre, Dixon, un étudiant en 1978. Atwood a été condamné en 1987, il est l’américain qui a passé le plus de temps dans les couloirs de la mort après Raymond Riles qui y est depuis 45 ans. Durant sa vie en prison Atwood a passé des diplômes universitaires, écrit et publié des livres.

L’autre Clarence Dixon est un prédateur sexuel qui était déjà condamné à vie pour un crime de ce genre avant qu’un enquêteur ne découvre, trente après, qu’il était également l’assassin d’une jeune étudiante. 

Un crime de mémoire envers ceux qui sont morts du Zyklon B.

En dehors de la question du pour ou du contre concernant la peine de mort, le nom de Zyklon B restera à jamais associé au régime nazi et à son système de deshumanisation décrit par Primo Levi dans «  Si c’est un homme ». L’homme devient un numéro, une statistique, un rien parmi des riens au service  de l’économie de guerre allemande. Il est dépouillé de son humanité et on lui confisque sa vie. L’Amérique profonde aurait-elle perdue toute capacité à apprendre et à changer. 

En comparaison dans un pays comme l’Italie, un mafieux comme Brusca, condamné pour l’assassinat du juge Falcone en 1992 et qui a avoué avoir enlevé et gardé prisonnier un gamin de 11 ans dans des conditions innommables pendant deux ans pour ensuite le tuer et,  le  dissoudre dans de l’acide, a été libéré la semaine dernière des prisons italiennes. Ce condamné à perpétuité a eu droit à une remise de peine pour sa bonne conduite. Avoir déclenché l’explosion de la bombe de 400 kg d’explosifs qui a fait, en dehors du juge Falcone, quatre autres victimes : l’épouse du juge et 3 gardes du corps lui vaut indirectement cette grâce dans le cadre d’une loi à l’origine de laquelle Falcone se trouvait. « Vérité en-deca des Pyrénées, erreur au-delà » aurait conclu sentencieusement Pascal.

Par Cadfael