Passionné par les arts et la mode depuis son adolescence, Yanis Miltgen conçoit et développe des vêtements qui semblent s’apparenter à la fois à des sculptures, des objets d’art et de la haute couture. Chacune de ses pièces a été créée pour refléter une histoire ou une émotion et à seulement 23 ans, sa vision de la mode a déjà été récompensée par deux prix prestigieux.
Par Louise Lucas
Quel est votre parcours ?
J’ai toujours été passionné par les arts : dès le lycée j’avais pris des options artistiques comme histoire de l’art et je me suis même intéressé aux langues anciennes ! Puis à 17 ans, je me suis rendu compte que le monde de la mode me fascinait et me passionnait, ma mère m’a alors offert des cours de mode en ligne pour que j’ai une première approche et quelques connaissances.
J’ai intégré une école de mode à Paris pendant deux ans puis pour me spécialiser, j’ai réalisé ma troisième année dans un studio de broderie qui se situe sur l’île de la Réunion. Là, j’ai été formé par une maître d’art à plus de 300 techniques du monde entier et j’ai appris à broder sur des matières non conventionnelles telles que le silicone ou le métal. Enfin, j’ai réalisé mon master en deux ans et j’ai créé ma première collection intitulée Histoire d’une vie.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans la mode et notamment la broderie ?
Je suis fasciné par la haute couture depuis toujours : le premier souvenir mode que j’ai ce sont les vidéos « work in progress » ou les vidéos sur les métiers d’art de Chanel que je regardais sur Youtube lorsque j’étais plus jeune. Il était donc logique que je me lance dans le milieu !
De plus, en première année d’école de mode, j’ai eu une initiation à différents arts comme le tissage, la maille et la broderie et c’est ce qui m’a donné envie d’approfondir la broderie.
Comment concevez-vous la mode et le design ?
J’ai une approche de la mode et du design qui n’est pas très conventionnelle dans les matières que j’utilise mais les techniques que j’emploie sont, elles, très traditionnelles comme la broderie française, israélienne ou russe par exemple. En définitive, dans mon travail, il y a toujours cette double facette traditionnelle et contemporaine.
– Où puisez-vous vos inspirations ?
Cela dépend des collections, pour Histoire d’une vie c’était ma collection de fin d’études et j’ai voulu qu’elle marque mon passage de l’enfance à la vie adulte parce que je ne serai plus jamais sur un banc d’école à proprement parler. Chaque silhouette fait donc référence à un évènement ou à une personne qui a eu un impact au cours de ma vie. Par exemple, mon livre préféré c’est Anna Karénine de Tolstoï qui décrit une notion littéraire que j’aime particulièrement qui est l’amour maudit : Anna se suicide à cause de son amour en se jetant sous un train et à l’instant même, l’horloge de la gare s’arrête. J’ai cherché à reproduire cet aspect en chinant des horloges pour les intégrer à une robe que j’ai nommée Anna Karénine.
Quel est votre processus créatif ? Comment donnez-vous vie à une pièce dans votre tête ?
Je ne dessine pas mais je travaille essentiellement la matière : si je veux un effet glacé, je vais regarder des images d’inspirations pour savoir à quoi ressemble la glace et comment je peux arriver à cet effet glacé… Ensuite, vient la phase de l’expérimentation où je vais tester pendant 100 heures, 300 heures, voire parfois 1000 heures, un procédé technique que je veux inclure dans mon projet. Puis, une fois que j’ai mon échantillon final, je réfléchis à la forme que je veux lui donner !
En moins d’un an et à 23 ans, vous avez gagné deux prix et participé à la Fashion Week de Luxembourg, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Effectivement, ces prix m’ont ouvert beaucoup de portes et j’en suis extrêmement reconnaissant. Ainsi, grâce au prix du comité Colbert que j’ai gagné en 2023, je décore l’hôtel le Meurice, à Paris pour les Jeux Olympiques en utilisant des matières recyclées issues de disciplines sportives. La Fashion Week de Luxembourg et les deux prix ont été des projets qui m’ont demandé beaucoup de travail pour lesquels j’ai mis ma vie en parenthèse pendant deux ans mais grâce à cela, je reçois dorénavant des opportunités et les personnes reconnaissent mon savoir-faire.
Vous avez été choisi pour intégrer l’équipe de styliste de Tali, la candidate du Grand-Duché à l’Eurovision 2024, c’est cela ? Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Oui, cela fait partie de mes projets assez fous ! Pour l’Eurovision, je fais partie de l’équipe stylisme de Tali et c’est passionnant même s’il y a quelques défis : nous sommes 15 personnes au total ce qui implique qu’il faut faire attention aux attentes du label de Tali. Pour ma part, je m’occupe surtout de la partie artistique c’est-à-dire de la broderie et du développement textile.
Comment relevez-vous le défi de devoir créer des vêtements de scène pour la candidate, vous qui concevez des pièces à mi-chemin entre les objets d’art et la mode ?
Comme pour mes pièces, j’ai une réflexion sur la broderie car selon la matière utilisée, la borderie ne rendra pas de la même manière. Il faut donc prendre en compte cela dans l’élaboration de la broderie et du vêtement. La différence avec cette collaboration c’est qu’il faut que je pense à la fluidité du vêtement car la candidate doit pouvoir faire son show et marcher. Or c’est une dimension qui n’est pas essentielle dans mes pièces car elles ne sont pas destinées à être portées au quotidien. C’est une bonne collaboration car je dois réfléchir à cette dimension mais néanmoins je peux amener dans le projet ce côté haute couture que nous retrouvons dans mes collections.
Après l’Eurovision 2024, quels sont vos prochains projets ?
Je suis en collaboration avec l’artiste luxembourgeois Jacques Schneider sur le thème de la broderie héraldique qui sera disponible pour la fête nationale luxembourgeoise. Puis j’ai prévu de sortir des collections en fin d’année : une collection qui sera vraiment destinée à être de l’art sculptural et l’autre qui s’apparentera davantage à du prêt-à-porter. J’ai aussi d’autres concours prévus en 2024 et je serais présent de nouveau à la Fashion Week de Luxembourg !
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