Virginie Despentes, dont le nouveau roman sort mercredi, est la vedette incontestée d’une rentrée littéraire où la course au Goncourt et aux autres prix paraît très ouverte.
Ce sont 490 romans qui déboulent en librairie entre mi-août et octobre, selon Livres Hebdo. Le niveau “le plus bas depuis plus de 20 ans”, précise le magazine spécialisé.
La rentrée littéraire, tradition aussi française que le chassé-croisé juilletistes-aoûtiens en vallée du Rhône, a beau être critiquée, elle n’en reste pas moins le passage quasi obligé pour remporter le Goncourt, le Renaudot ou le Femina.
Cher connard (Grasset) de Virginie Despentes, figure punk des lettres et ancien membre du jury Goncourt, est le titre qui fait le plus parler de lui, cinq ans après le troisième tome de Vernon Subutex.
Ce roman épistolaire sur l’addiction, le féminisme, le mouvement #MeToo, les réseaux sociaux, sur fond de confinement, est porté par une critique très favorable.
Sur l’addiction, “je ne défends aucune thèse”, dit à Télérama l’autrice de King Kong Théorie que les médias décrivent comme plus apaisée, à 53 ans. Mais sur le féminisme, elle reste inflexible, comme l’explique son personnage principal, Rebecca Latté.
Musso se décale
Les autres têtes d’affiche s’appellent Amélie Nothomb, fidèle de la rentrée littéraire, avec Le Livre des sœurs (Albin Michel), ou encore la journaliste Monica Sabolo. La Vie clandestine (Gallimard), qui mêle autobiographie et enquête sur le groupe armé d’extrême gauche Action directe, est vu comme candidat sérieux aux prix.
Franck Bouysse (L’Homme peuplé, Albin Michel), Alain Mabanckou (Le Commerce des allongés, Seuil), Christophe Ono-dit-Biot (Trouver refuge, Gallimard) ou Miguel Bonnefoy (L’Inventeur, Rivages), romanciers confirmés, bénéficient de lancements ambitieux de la part de leur éditeur.
Chez les jeunes auteurs, Émilienne Malfatto, Goncourt du premier roman 2021, (Le colonel ne dort pas, éditions du Sous-Sol), Lucie Rico (GPS, éditions POL), David Lopez (Vivance, Seuil), Guillaume Perilhou (Ils vont tuer vos fils, L’Observatoire) ou Blandine Rinkel (Vers la violence, Fayard) pourraient causer la surprise.
Le numéro un incontesté des ventes de livres, Guillaume Musso, réédite une formule qui lui avait réussi l’an dernier : laisser passer la vague de parutions d’août, et se décaler à fin septembre (Angélique, Calmann-Lévy). Même stratégie pour l’étoile montante Mélissa Da Costa, dont La Doublure (Albin Michel) sera la deuxième parution de 2022.
Parmi les romans étrangers, on signalera le retour de l’Irlandaise Sally Rooney (Où es-tu, monde admirable ?, L’Olivier), l’autrice à succès de Normal people ou le grinçant Cléopâtre et Frankenstein de l’Américano-Britannique Coco Mellors (chez Anne Carrière).
Coût du papier
Au sein d’Editis et de sa cinquantaine de maisons d’édition (Nathan, Robert Laffont, Plon…), le contexte est spécial. La maison mère, Vivendi, s’apprête à céder ce groupe.
La rentrée littéraire est l’occasion pour les libraires d’attirer des clients qu’ils ont trouvés trop rares depuis le début de l’année. Les craintes pour le pouvoir d’achat, la guerre en Ukraine et l’actualité politique laissant peu de place à la culture ont pesé.
Selon GfK, la rentrée 2021 avait pesé 50 millions d’euros, pour plus de 2,5 millions d’exemplaires vendus. D’après cet institut, référence pour les ventes de livres, “la tendance 2022 est difficile à prédire, compte tenu des hausses de prix à venir”.
L’édition, après des années de quasi-stabilité des prix, est en effet contrainte de répercuter l’augmentation des coûts (du papier, de la logistique) et l’inflation globale.
Mais un seul succès, parfois très inattendu comme celui du prix Goncourt 2020, L’Anomalie d’Hervé Le Tellier, dont le tirage a aujourd’hui dépassé le million d’exemplaires, peut suffire à assurer une belle fin d’année aux libraires.
Des dizaines d’auteurs peuvent rêver à pareil destin. Encore faut-il convaincre les jurys littéraires, lancés dans des débats sous le sceau du secret avant de publier leurs premières sélections en septembre.