« Vêtir ceux qui sont nus » est la piece de théâtre de Luigi Pirandello, mise en scène par Charles Tordjman, actuellement jouée au Théâtre des Capucins.
Ce mélodrame italien écrit en1922, qui connut un énorme succès cette même année, raconte l’histoire d’une femme, Ersilia Drei, interprétée par Eugénie Anselin, qui est renvoyée de sa fonction de nurse suite à la mort accidentelle de la petite fille dont elle avait la garde et qui, abandonnée par son fiancé qui l’a quittée par une autre, tente de mettre fin à ses jours.
Suite à ce drame, la jeune femme revient à Rome seule, sans amis, sans parents, sans compagnon. Elle est alors recueillie par l’écrivain Ludovico Nota, joué par Olivier Cruveiller, qui tombe sous son charme et lui déclare « Tu as créé un roman en me racontant ton histoire ». Ersilia va alors devenir une héroïne, étant véritablement considérée comme une victime.
Nota n’est pas le seul touché par l’histoire d’Ersilia. Alfredo Cantavalle, interprété par Luc Schiltz, lui consacre un article qui éveille la compassion ; son ex-fiancé, Franco Laspiga (Jérôme Varanfrain), veut revenir auprès d’elle pour l’emmener loin et réparer le mal qu’il lui a fait en rompant avec l’autre; la logeuse de Nota, Madame Onoria (Elsa Rauchs) veut la protéger et le consul Grotti, interprété par Philippe Crubézy, son ancien employeur et amant, rêve de la reconquérir.
Tous torturent cette pauvre Ersilia qui souhaite seulement qu’on la laisse tranquille.
La domination masculine est totalement mise en lumière par cette pièce qui change radicalement de ton, lorsque le consul menace le journal de diffamation pour mensonge alors qu’il apparaît que la version d’Ersilia n’est pas tout à fait conforme à la réalité.
Grotti l’accuse d’avoir assassiné l’enfant, Madame Onoria crie à l’imposture et Laspiga la traite de traînée ! Une extrême violence à l’encontre d’Ersilia éclate lorsque qu’on lui crie « Tu mourras nue, humiliée », alors que quelques instants auparavant elle était encore une victime…. En effet, Ersilia ne peut pas être une victime car elle a menti sur l’histoire dont elle voulait être le personnage et tout a été remis en question. Elle voulait se sentir vêtue pour ceux qui la croyaient nue… Et pourtant elle n’aspire qu’à une chose, le droit d’en finir « Allez vous en… Laissez moi mourir en silence : toute nue. »
Charles Tordjman a su s’entourer d’une magnifique troupe d’actrices et d’acteurs qui jouent magistralement, de Vincent Tordjman pour la scénographie et la musique, de Cidalia Da Costa pour les costumes, de Christian Pinaud pour les lumières.
Une pièce moderne d’une rare intensité.
« Vêtir ceux qui sont nus », au Théâtre des Capucins les 11, 14 et 15 mai 2019 à 20h et le 12 mai à 17h.
Karin Santer
Crédit photo : ©Boshua