Par Karine Sitarz

« Véronique chante le soir, elle chantera de l’opéra », disait sa grand-mère maternelle. Aujourd’hui, Véronique Nosbaum est une soprano reconnue, passionnée de musique baroque, qui n’a de cesse d’en découvrir les trésors, mais multiplie aussi les projets à la croisée des arts. Elle a cofondé cantoLX, ensemble vocal professionnel basé au pays. Elle est mère de deux enfants, parle six langues, enseigne et se préoccupe de l’environnement.

Qu’est-ce qui dans votre enfance allait décider de votre vie d’artiste ?

Petite, il paraît que je chantais beaucoup. J’ai toujours eu un rapport très proche à la musique ayant grandi dans une famille de mélomanes, pourtant c’est à travers la danse, que je pratiquais, que le lien s’est établi. Puis j’ai fait du piano et du violon, mais j’avais besoin d’un rapport plus immédiat à la musique, c’est pourquoi j’ai choisi la voix qui, par ailleurs, me rapprochait du théâtre qui m’attirait aussi. En fait, ce ne fut ni chant ni théâtre, mes parents m’ayant découragée d’en faire mes études alors que mon frère (ndlr : le pianiste Romain Nosbaum) avait déjà opté pour la musique.

Vous choisissez alors les lettres, mais reviendrez à la musique ?

Après une année au Centre universitaire de Luxembourg, je suis allée à la Sorbonne Nouvelle pour continuer des études de lettres modernes. Mon arrivée à Paris ne fut pas très heureuse, mais d’emblée j’ai cherché un Conservatoire et me suis inscrite à des cours de chant. Plus tard, j’ai poursuivi au Conservatoire royal de Liège avant de rejoindre en 2007 l’Opéra Studio du Teatro Verdi de Pise en Toscane et de travailler à Livourne et à Lucques. Une étape importante et une belle expérience, car en Italie les jeunes vont à l’opéra comme nous au cinéma. J’ai ensuite été engagée par l’Opéra royal de Wallonie.

Mais vous vous tournez vers l’art contemporain ?

À Paris, pendant mes études, j’ai rencontré Alex Reding qui allait devenir mon mari. Il m’a fait découvrir l’art contemporain et on a ouvert ensemble, en janvier 2001, notre première galerie, Alimentation générale, à Luxembourg-gare. À l’époque, je faisais toujours mes études, mais cela me passionnait. D’ailleurs, avant de partir à Liège, j’ai travaillé une année pour la fameuse galerie new-yorkaise Marian Goodman qui venait d’ouvrir un espace dans le Marais. Il y avait là de sacrées pointures ! William Kentridge présent pour l’ouverture, Christian Boltanski qui passait, Pierre Huyghe qui venait tout le temps ou encore Annette Messager.

Quelles musiques vous tiennent le plus à cœur ?

Mes choix vont vers la musique ancienne, la période baroque. Il y a tellement de trésors dans cette musique, que ce soit dans le répertoire français, si particulier, ou le répertoire italien, berceau de l’opéra. Il y a une telle richesse harmonique, une telle confluence de styles. La musique allemande, je la trouve aussi fascinante, à partir d’Heinrich Schütz. Il y a une spiritualité et une générosité dans cette musique, jusqu’à Bach.

C’est ce goût pour le baroque qui vous amène en 2010 à cofonder l’ensemble cantoLX ?

cantoLX s’est formé à partir d’un petit groupe qui s’est retrouvé autour de la musique ancienne. Il partage d’autres affinités, l’art contemporain, la musique contemporaine et… la bonne cuisine (rires) ! Il y avait la volonté de s’implanter sur la scène locale et de travailler avec des gens d’ici, ce qui n’était pas facile au début, car il y avait peu de chanteurs free-lance. On a l’habitude de se produire avec l’Ensemble de la Chapelle Saint-Marc et, à côté des concerts, les enregistrements ont une place importante. Nous venons d’en faire un cinquième avec de la musique baroque flamande inédite, écrite par Philippus Van Steelant vers 1650 et retrouvée dans les caves de la cathédrale d’Anvers !

Vous avez joué au théâtre et multipliez les projets insolites, pouvez-vous nous en parler ?

Comme je l’ai dit, théâtre et chant sont très liés. Au théâtre, j’ai surtout travaillé avec Carole Lorang et Mani Muller et d’abord eu des rôles chantés. Le premier dans Weird Scenes Inside the Gold Mine, aux côtés de Luc Schiltz. Puis, il y a eu La Maison de Bernarda Alba de Federico García Lorca, une belle expérience et, après le Grand Théâtre, une tournée de deux semaines à Paris au Théâtre des Bouffes du Nord, à Besançon, à Liège… J’ai un vrai faible pour le théâtre qui, comme la musique, surtout chantée, est prétexte à  transmettre des émotions.

Depuis 10 ans, vous enseignez le chant. Est-ce complémentaire ?

J’enseigne à des adolescents et des adultes au Conservatoire de Musique du Nord et à celui de la Ville de Luxembourg. J’aime transmettre, on apprend beaucoup, surtout quand l’instrument est la voix, c’est-à-dire l’être humain. Le prof de chant est un peu comme un luthier, mais il y a tellement de paramètres avec la voix.

Vos prochains projets ?

Du côté de cantoLX, une collaboration pour de l’opéra baroque avec Stéphane Ghislain Roussel avec lequel, l’an dernier, j’ai déjà travaillé sur un projet tourné vers la nature sur de la musique médiévale et autour d’une installation de Justine Blau pour le festival WaterWalls à Esch-sur-Sûre. Un projet vivant, comme je les aime, qui sera sûrement repris. Il y aura aussi la sortie d’un petit film sur Jeanne la Papesse avec Sophie Langevin et en octobre celle du CD « Antwerp Requiem » avec cantoLX et l’orchestre baroque flamand B’Rock.

Vous parlez, dit-on six langues ?

J’ai un penchant pour les langues parlées plus qu’écrites. J’ai appris l’espagnol au lycée, j’avais des notions d’italien quand j’ai rejoint l’opéra en Italie… Je lis dans une langue étrangère le soir avant de m’endormir, cela me fait voyager.