Vanessa Bruno et Ecopel ont travaillé main dans la main pour lancer un manteau Made in France réalisé à partir de laine de chanvre. Une création éthique, sans matière animale, et écoresponsable, résolument tournée vers un futur où les matières innovantes et eco-friendly ont toute leur place. A l’occasion du lancement du manteau, la créatrice Vanessa Bruno et Christopher Sarfati, fondateur d’Ecopel, reviennent sur cette collaboration et nous en disent plus sur les matières et la mode de demain. Rencontre.

Quelle est la particularité de ce manteau ?

Vanessa Bruno : Ce manteau est entièrement fabriqué en France et il est conçu dans une laine de chanvre sans matière animale : la Cannaba, une laine 100% végane, fabriquée à partir de chanvre et tissée dans les Vosges. Nous avons collaboré avec Ecopel et Peltex. Les deux sociétés ont conjointement développé une nouvelle matière particulièrement innovante. Le chanvre est l’une des matières les plus écologiques aujourd’hui. Il est mêlé à une fibre plus technique, un polyester recyclé à base de bouteilles en plastique permettant de réduire de 70% la dépense énergétique de sa production, par rapport à un polyester classique.

Christopher Sarfati : C’est le manteau feel-good par excellence, chargé de messages positifs : une laine non-animale, réalisée en France, pile dans la tendance du Teddy. Les ingrédients clés sont le chanvre et le polyester issu du recyclage. Or nous savons aujourd’hui que le recyclage est l’un des moyens les plus importants si on veut réduire notre impact sur la nature, et qu’il faut donc encourager.

Est-ce que ce virage vers une mode écoresponsable est aujourd’hui indispensable ?

V.B. : Oui évidemment. La mode est aujourd’hui l’une des industries les plus polluantes au monde et cela doit changer. Les marques, comme les consommateurs, sont dans une démarche de plus en plus consciente et responsable.  Pour moi, c’est une préoccupation qui est indissociable du processus de création, notamment parce que j’ai toujours été très attachée aux matières naturelles. Mais également parce que j’ai toujours considéré nos fournisseurs et nos usines comme des partenaires à part entière. Ils font partie de l’histoire de la maison. Nous essayons aussi de sourcer nos matériaux le plus localement possible, et de travailler avec des usines qui ont une production la plus propre possible. C’est ce qui rend notre métier passionnant en ce moment. C’est un challenge constant. C’est ce qui inscrit la marque dans une démarche lifestyle, dans une vision à long terme. Mais également ce qui nous engage dans une approche de plus en plus globale et communautaire, puisque nous réfléchissons à ces sujets, tant avec nos fournisseurs qu’avec nos consommatrices, avec qui nous partageons tout ce processus de production et qui réagissent sur ces sujets-là. C’est un cercle vertueux.

C.S. : Oui, il est indispensable. Une marque avec un fournisseur sans une vision durable ne survivra pas car elle sera considérée comme irresponsable. Les nouvelles générations sont très militantes; elles veulent de la transparence et plus d’efforts pour limiter les impacts sur l’environnement.

Est-ce que les matières innovantes et éco-conçues sont l’avenir de la mode ?

V.B. : Elles le sont car elles révolutionnent notre savoir-faire et nous permettent une créativité accrue, mais elles sont aujourd’hui encore peu éco-conçues. Il faut donc les utiliser, non pas uniquement car elles sont innovantes, mais parce qu’elles sont également écologiques. Les deux aspects doivent être intimement mêlés. On ne peut plus innover sans faire d’éco-responsabilité. De même, il est important que des matières qui ne sont pas nécessairement innovantes soient travaillées dans une démarche écologique globale. Il s’agit ensuite de trouver le bon équilibre entre des matières écoresponsables et des prix compétitifs. Les consommatrices de la marque nous ont prouvé à maintes reprises qu’elles sont prêtes à payer plus pour de beaux produits respectueux de l’environnement. Elles sont sensibles à cette démarche et la soutiennent.

C.S. : Il y a une énorme marge de progression, notamment avec la bio-fabrication qui propose des semi-synthétiques à impact réduit, et un meilleur recyclage des fibres, qui permettent de faire de nouvelles matières avec des anciens vêtements et donc de réduire la masse de déchets produits par l’homme.

Est-ce que la crise sanitaire et économique illustre l’urgence d’agir dans l’industrie de la mode, l’une des plus polluantes ?

V.B. : Il y a eu une prise de conscience à l’échelle planétaire. La frénésie de consommation n’est plus d’actualité. On a envie de vêtements qui durent, de vêtements intemporels que l’on peut garder, qui sont produits dans le respect des travailleurs et qui n’ont pas une empreinte carbone désastreuse. L’émergence du homewear est d’ailleurs un marqueur fort. On a envie de vêtements bienveillants, de douceur, de confort, de belles matières. L’heure est au ralentissement à tous points de vue. Et cela impacte évidemment le rythme de la mode : son calendrier de fashion weeks aux quatre coins du monde, sa production incessante et la durée de vie éphémère de produits faits pour être portés six mois sont aujourd’hui totalement obsolètes et il faut entièrement les repenser. Personnellement, c’est un rythme auquel je me suis soustraite depuis longtemps et je trouve que ma marque et mon propos créatif y ont énormément gagné.

C.S. : Le lien peut être fait dans la manière dont nous traitons les animaux. Ce virus destructeur est né dans un élevage sordide d’animaux destinés à la consommation. Les élevages à fourrure sont également des foyers de contamination reconnus : notre mode 100% animal-friendly s’inscrit donc dans une tendance de respect du vivant et de réduction de consommation de matières animales. Grâce à nos répliques imitant le pelage animal, nous pouvons répondre efficacement à cet impératif.

En quoi le chanvre est-il une matière éco-friendly ?
V.B. : Le chanvre est l’une des matières les plus écologiques aujourd’hui. Elle est naturellement durable, car elle ne nécessite pas de grandes quantités d’eau ni de pesticides.

Chanvre, fourrure à base de maïs, cuir végan, etc… Ces matières peuvent-elles nuire au style ? 

V.B. : A partir du moment où ce ne sont pas des matières trop rustiques, ça n’est évidemment pas le cas. La Cannaba de notre manteau réalisé en collaboration avec Ecopel et Peltex en est un excellent exemple. L’aspect peau lainée et le toucher ont su combler nos attentes en matière de style.

Est-ce qu’un jour les collections Vanessa Bruno ne se feront qu’à partir de matières écoresponsables ? 

V.B. : Cela me semble réaliste si l’on part du principe que la production mondiale va dans ce sens. Si c’est effectivement le cas, les prix pratiqués seront plus compétitifs et donc plus attractifs. C’est ce que l’on observe avec l’agriculture biologique qui se développe à une vitesse que personne n’avait prévue.

Quelles sont les matières du futur de la mode ?

C.S. : Recyclage et bio-fabrication sont les mots clés. Parmi nos nouveaux projets, nous développons une matière issue du nettoyage des océans. Ce partenariat avec Seaqual donne une nouvelle dimension à l’idée du recyclage. Cette fois il s’agit de réparer les dégâts. En plus de créer une nouvelle matière, nous lançons le message qu’il faut limiter urgemment l’utilisation de plastique à usage unique qui est la menace la plus importante qui pèse aujourd’hui sur nos écosystèmes.

A quand une nouvelle collaboration de ce type ?

V.B. : Comme chaque été, nous préparons une nouvelle collection inspirée par la richesse culturelle d’un pays. L’année dernière, nous avons créé un cabas et une trousse en coton éthique dont 10% des ventes ont été reversés à l’association AMAZONIA, qui sensibilise à l’importance des peuples natifs d’Amazonie, en particulier les Asháninkas. Cet été, nous partons en Italie et nous avons prévu une nouvelle collaboration éthique.

C.S. : Notre stratégie aujourd’hui est de proposer régulièrement une nouvelle matière écoresponsable avec un designer célèbre où une grande marque. Cela démontre que nous agissons tous, main dans la main, pour une industrie de la mode plus verte, tout en encourageant la transition écologique. Nos nouvelles matières ont vocation à prendre la place des synthétiques habituels. Nous espérons donc de nombreux lancements en 2021, une fois la crise sanitaire terminée.

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