Valérie Uytters écrit tous les jours. Mais aujourd’hui c’est différent, vient de paraître « Oser lâcher… et faire le grand saut », un premier livre qui parle de l’intime et de résilience. Retour sur un parcours hétéroclite qui l’amènera au Luxembourg après bien des détours et une carrière de danseuse chez Roland Petit et Maurice Béjart. Rencontre mi-juillet à l’Indie’s Café avec une jeune grand-mère « rebelle » que les musiques amérindiennes reconnectent avec la terre. 

Vous venez de publier un livre sur votre vie ? Pourquoi ? 

Mon but est de faire comprendre que, quoi qu’il nous arrive dans la vie, on peut s’en sortir même si cela demande un long cheminement. Au départ, il y avait le besoin de faire face à moi-même, de retourner à la source pour utiliser un langage spirituel. J’ai essayé de me faire aider, j’ai même consulté, mais ce n’est que le 10 octobre 2019, en me séparant de mon compagnon, que j’ai eu la sensation de me libérer, jusque-là les hommes m’ont toujours tirée. Aujourd’hui, j’ai une explication à tout ce que j’ai vécu. Le livre est bicolore – rose et noir – (ndlr : au sens littéral du terme) parce qu’il y a un avant et un après, les faits et leur relecture.

Qu’est-ce qui vous a amenée au Luxembourg ? 

J’y suis arrivée en 2017 pour l’amour d’un homme, quittant tout pour le suivre, et j’y reste pour l’amour d’un pays (sourires). Ici, j’ai découvert « Luxembourg Accueil » où je suis devenue animatrice de cafés francophones car faire se rencontrer les gens est une de mes qualités. Mais il y a eu la séparation d’avec mon compagnon puis la pandémie, j’ai beaucoup appris de cette période. A la sortie du confinement je suis devenue assistante d’un agent immobilier mais j’ai dû me faire opérer d’un œil et je suis aujourd’hui en invalidité.

Vos projets se sont donc portés vers l’écriture ?

J’écris tous les jours, sur des tas de sujets de vie, colères, peurs, héritages, ce que j’entends, et je relis et réécris en permanence. J’ai 800 pages dans mon ordinateur (ndlr : le laptop est d’ailleurs ouvert pendant l’entretien). D’autre part, je me lance dans la co-organisation de retraites spirituelles, je prépare la première qui aura lieu en octobre en Corse. Avec mes partenaires, l’une venant de Suisse, l’autre de France, nous sommes dans la bienveillance et l’authenticité et voulons amener les gens à retrouver un bien-être. 

Aujourd’hui, votre vie est tournée vers les autres ?

Juste permettre de se poser et de se reconstruire, mettre un peu de douceur sur la douleur. Je pratique une écriture intuitive, inspirée d’un travail d’écoute et de « relecture » des maux. Les mots qui me viennent sont ceux qui vont toucher l’autre. Et puis je connais parfaitement le corps car j’ai été danseuse. On m’a demandé de travailler alors que j’avais commencé avec une cheville fracturée et qu’à 16 ans je me suis déchirée les ligaments croisés. J’ai malgré tout été premier Prix du Conservatoire de Paris. 

Parlez-nous de cette aventure dans la danse ?

J’ai grandi à Neuilly-sur-Seine mais je suis sortie du ghetto (rires). Maman voulait être artiste et a reporté ses désirs sur moi. Moi je voulais juste être aimée de ma mère. J’ai grandi avec un frère et une sœur, mais elle nous a toujours divisés et a toujours caché la vérité. Elle m’a fait quitter l’école à 11 ans pour la danse et a décidé que je ferais des études par correspondance… et un bac scientifique ! Elle souhaitait que j’aie le parcours d’Alain Calmat (ndlr : patineur, médecin et homme politique français). 

Vous avez donc grandi dans un climat de violence ?

Ce n’était pas une violence volontaire. Quand on emmène une petite fille de 6 ans à la danse, on la fait rêver avec les tutus, les paillettes. Il y a 50 ans il y avait dans les ballets un prince charmant, une belle au bois dormant, un lac des cygnes… quelle petite fille n’a pas voulu être danseuse ? Mais sait-on ce qu’il y a derrière ? Danseuse, c’est être sportive à un haut niveau, c’est un entrainement quotidien, il n’y a pas de vie de famille, il faut vraiment que ce soit une passion ! 

Pourquoi avoir mis un terme à votre carrière de danseuse ? 

Les ballets ont occupé dix ans de ma vie professionnelle, j’ai arrêté du jour au lendemain quand Maurice Béjart a réduit sa compagnie de 60 à 20 danseurs ! J’étais sur la sellette, je suis donc allée le voir. « M’as-tu vraiment montré que tu voulais rester ? » m’a-t-il dit. Peut-être en effet n’était-ce pas vraiment ce que j’avais envie de faire même si ce que je vivais était fabuleux. J’ai ainsi arrêté de danser à 28 ans, en 1992, année où mon frère de quatre ans plus âgé que moi est décédé…

Un frère qui a abusé de votre confiance, une mère qui ne vous a pas protégée…

C’est le chapitre zéro du livre, placé à la fin, il parle de ce que j’ai vécu avec ce frère mais aussi de ma résilience. Quand j’en ai parlé à ma mère, elle m’a répondu que cela arrivait dans les familles et puis il y avait la danse, il fallait que je réussisse ! C’était son combat et quand plus tard j’ai arrêté de danser, elle n’a plus voulu me voir… elle vient de mourir, je l’ai revue juste avant qu’elle ne parte. 

A 28 ans, vous avez changé radicalement de monde ?

Je suis entrée dans le monde normal, j’avais déjà une fille, née en 1987, et en 1997, j’ai eu ma deuxième fille (ndlr : Valérie Uytters a aujourd’hui deux petites-filles). J’ai d’abord passé un examen pour devenir prof de danse mais si j’avais aimé danser, enseigner la danse était une autre démarche, j’y ai renoncé. J’ai démarré une carrière normale passant par moult lieux et moult jobs, commerciale, responsable de boutique, attachée de presse, assistante de direction, avant de venir au Luxembourg. 

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