Par Cadfael /

Au regard de la dernière loi votée en faveur de l’aide à la presse, il serait légitime de se questionner sur celui qui un jour déclarait « Je ne suis pas Merlin l’Enchanteur » et l’aspect libéral de la politique de la coalition. 

Une culture libérale et pluraliste à l’opposé d’une aide à la presse conservatrice.

La lecture des textes de Friedrich von Hayek (Prix Nobel pour ses développements théoriques sur le libéralisme, et de sa théorie de la « monétarisation » des médias) nous apprend que les marchés économiques développent des valeurs destinées aux consommateurs et que les démocraties développent des valeurs destinées aux citoyens. Les interactions entre les deux systèmes font que les médias, sous l’effet d’une dynamique économique, se transforment en produits marchands et reflètent de plus en plus les valeurs issues des marchés économiques et financiers. Ce processus est pernicieux pour la liberté d’expression : il en résulte une fragilisation des garanties démocratiques pour le débat public. L’univers concurrentiel du journalisme est fragilisé. À la lecture du programme de coalition, il nous avait semblé que notre Premier ministre et en même temps Ministre des communications et des médias se devait de veiller au rétablissement d’un équilibre et d’une concurrence saine entre les médias de notre pays. Que nenni : sa loi sur l’aide à la presse mais surtout sa dernière mouture qui élimine consciencieusement les petits et les véritables indépendants de l’accès à cette l’aide, démontre qu’en matière de presse et de démocratie notre pays n’a pas réussi sa prise de la Bastille. L’ancienne politique aux relents corporatistes semble engluer, le monde politique toutes couleurs confondues.

L’époque où partis et syndicats se partageaient le monopole de la presse tout en  bénéficiant d’une manne étatique providentielle, n’est semble-t-il pas morte. Que cache ce mouvement en porte-à-faux avec l’accord de coalition :

« Une presse forte dans un paysage médiatique varié, pluraliste et indépendant constitue une condition essentielle à la formation d’opinion et au débat critique dans une démocratie. L’indépendance de la presse sera garantie et la pluralité des médias sera promue, tout en favorisant un standard de haute qualité journalistique et en continuant à investir dans la qualité de l’information indépendante. »

Accord de coalition 2018-2023

La classe politique, malgré les quotas, aurait-elle peur des femmes ?

Nous comprenons que la perfidie du monde politique est éreintante. En même temps nous nous interrogeons sur la probité du groupe individus ayant travaillé sur le projet de loi. Peut-on parler lobbying ?

Femmes Magazine n’a jamais reçu le moindre centime d’aide publique ni d’amnistie fiscale. Pourtant, contre vents et marées, il a réussi le pari d’une presse 100% féminine, made in Luxembourg et 100% jeune public avide de culture urbaine avec Bold magazine, libre de toutes attaches financières, politiciennes et partisanes. La société occupe trois journalistes à plein temps dotés d’une carte de presse. Elle a, à longueur d’année, une quinzaine de journalistes confirmés, en freelance, qui décortiquent les sujets culturels et d’actualité avec une loupe féminine. L’Humain est au centre de leurs préoccupations et la joie de vivre que ce soit en édition print ou web se remarque à chaque ligne. 

Pour quelle raison les petits éditeurs deviennent les victimes des vieux schémas des temps obscurantistes qui resuitent d’une politique qui semblait libre de toutes attaches dogmatiques ? Les souvenirs d’alliances malsaines entre l’église, les syndicats et une presse vue comme courroie de transmission politique sont difficiles à oublier. 

Alinéa, la maison mère des Femmes Magazine et Bold, génératrice de contenu, est en croissance régulière depuis sa création en 2001. Elle représente une valeur dans la vie civique et culturelle luxembourgeoise et n’a pas fini sa dynamique. Il est à parier que ces énergies entêtées, toutes féminines ne se laisseront pas museler… et sauront faire entendre leur voix le moment donné. Un battement d’ailes de papillon peut parfois faire changer le cours des choses.

Symbole d’une classe moyenne entrepreneuriale largement ignorée par la coalition en place qui préfère se la jouer finance et intelligence artificielle, Femmes Magazine, Bold et leur alter ego sur le web, sont fiers de leur lectorat et de ce qu’ils représentent pour la démocratie de notre pays. Femmes Magazine ce sont 86 900 lectrices par édition, 66% sont dirigeants cadres et autres à hauts revenus. En ce qui concerne Bold, la distribution est identique avec 48 800 lecteurs par édition La partie web quant à elle, toute jeune, s’annonce très prometteuse. 

Un new deal pour la presse

Notre gouvernement semble aller à contrecourant et ignorer, l’appel publié le 8 juillet dernier par des intellectuels de très haut niveau dans le quotidien suisse Le Temps, appelant à un « new deal » pour le journalisme afin de renforcer une démocratie fragilisée. « La logique d’un New Deal pour le journalisme ne saurait consister à défendre des intérêts corporatistes ou industriels. La logique d’un tel engagement est de défendre le droit de chacun à l’information, entendue comme l’information fiable. La liberté d’opinion et d’expression suppose bien entendu la liberté de la presse, mais elle suppose aussi que chacun, en tant que citoyen et en tant qu’être humain, puisse revendiquer de connaître la vérité et la réalité sans être trompé sans cesse par la désinformation et les rumeurs. »

Femmes magazine est devenu le symbole d’une presse qui se bat entre le marteau et l’enclume des grands. Un symbole authentique et coriace lorsqu’il s’agit de faire ressortir les vraies couleurs du pays.