L’Amérique change. Tandis que le monde multiplie les gestes de déférence envers le nouveau maître, instaurant sa démocrature, la sphère de ceux qui respectent les valeurs démocratiques et l’État de droit s’inquiète. Cette inquiétude est particulièrement palpable chez les femmes, dont bon nombre de proches sont affiliés au Parti républicain et aux églises dites chrétiennes.

Par Cadfael

Des questions en suspens

Le site de la revue américaine Glamour du 6 novembre fait le point : « Au moins 26 femmes ont accusé Trump de harcèlement, y compris de viol. Au début de cette année, Trump a été jugé coupable de 36 infractions allant de fausses déclarations financières à des paiements clandestins effectués à Mme Daniels en 2016. Trump nie toutes les accusations portées contre lui. » On se souvient également de ses propos sur les immigrants africains venant, selon lui, de « pays de merde » ou encore sur les Haïtiens qu’il accuse de « voler et manger les animaux domestiques ». Selon la BBC, en 2019, il avait déjà demandé à quatre élues de couleur au Congrès « de rentrer chez elles ».

Le site catholique libéral National Catholic Reporter du 11 décembre souligne qu’après la victoire de Trump, de nombreuses femmes croyantes reconsidèrent leur relation à l’Église. En effet, 59 % des catholiques ont préféré Trump à Kamala Harris. Une théologienne de l’Université St. John de New York affirme que « beaucoup de femmes catholiques sont choquées par la manière dont les dirigeants de l’Église catholique ont normalisé leurs relations avec Trump. […] Peut-on considérer comme acceptable, pour plus de 50 % des catholiques de ce pays, un homme qui s’est révélé en justice être un prédateur sexuel, qui a commis des fraudes à répétition et qui a tenté de nier les résultats d’élections démocratiques ? » s’interroge-t-elle. « Ont-ils bien mesuré les conséquences de leur engagement politique sur leurs frères et sœurs catholiques ? »

Un mouvement « anti » gagne en force

Les médias américains soulignent une résistance qui s’organise parmi de nombreuses femmes, sur fond de législations anti-avortement, anti-LGBT, de suppression du remboursement de la pilule contraceptive et de démolition obsessionnelle du système de santé mis en place par Obama et renforcé par Biden. Selon CNN, un débat intense anime les réseaux sociaux autour d’un mouvement féministe originaire de Corée du Sud, baptisé 4B. Ce « B » symbolise le refus : refus du mariage, de la procréation, des relations amoureuses ou sexuelles avec des hommes pro-Trump, y compris avec leur conjoint s’ils ont voté pour lui.

La mobilisation s’intensifie outre-Atlantique, portée par une Kamala Harris qui regagne en popularité. Pourtant, certaines restent attachées à l’idéal de la femme au foyer : assister aux offices religieux le dimanche et admirer un pouvoir masculin militarisé. Par ailleurs, dans plusieurs États, les distributeurs automatiques de munitions connaissent un essor, garantissant à chacun de ne jamais manquer de munitions.

Les contours d’un techno-féodalisme

Le gouvernement que Trump semble vouloir constituer s’appuie largement sur des personnalités inféodées, millionnaires ou milliardaires. Nombre d’entre elles proviennent des incubateurs de la Silicon Valley, transformant l’exécutif en une sorte de Monopoly sous contrôle.

D’après El País, certains de ces « élus » très fortunés financent le groupe NRx, une mouvance ultra-conservatrice prônant un gouvernement hiérarchisé, dominé par des hommes, dirigé par un président impérial et techno-autoritaire. Elon Musk, censé rationaliser l’administration gouvernementale, a amorcé sa politique par une chasse aux sorcières. Selon CNN du 26 novembre, il a publié sur X les noms de quatre directrices d’administration destinées à être écartées. Comme par hasard, ce sont toutes des femmes.

Quelles conséquences pour l’Europe ? Le jour de sa victoire, une photographie montre Trump en compagnie de responsables de l’AFD, l’extrême droite allemande, dans son QG de Mar-a-Lago. Le mépris des valeurs démocratiques et des normes internationales, perceptible dans ces agissements misogynes, annonce-t-il une régression éthique et sociale majeure ?

Le deuxième sexe

Cela renvoie inévitablement à Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir (1949), qui, selon la préface de Benoîte Groult dans l’édition de 1990, « remet en question les stéréotypes et le cortège d’affirmations péremptoires proférées depuis des millénaires par les plus grands penseurs ».

Beauvoir souligne : « Le mal est une réalité absolue ; et la chair est péché. Et, bien entendu, puisque jamais la femme ne cesse d’être l’Autre, on ne considère pas que réciproquement mâle et femelle sont chair : la chair qui est pour le chrétien l’Autre ennemi ne se distingue pas de la femme. C’est en elle que s’incarnent les tentations de la terre, du sexe, du démon. »

Et elle conclut : « Le jour où il sera possible à la femme d’aimer dans sa force et non dans sa faiblesse, non pour se fuir mais pour se trouver, non pour se démettre mais pour s’affirmer, alors l’amour deviendra pour elle, comme pour l’homme, source de vie et non mortel danger. »

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