Suite au Covid, et dans un contexte d’économie morose marqué par l’inflation et un manque de personnel, Comment l’activité se réinvente-t-elle ? Pour Eric Thill, Ministre de la Culture et Ministre délégué au Tourisme, les leçons tirées de la pandémie ont permis à l’industrie touristique luxembourgeoise de mieux survivre à la crise, et de se préparer à un avenir plus résilient et durable.

Par Marc Auxenfants

Eric Thill, où en est le secteur touristique luxembourgeois dans son retour à la normale post-COVID ? Le secteur a-t-il retrouvé ses niveaux de 2019 ?
Comme dans tous les pays, le secteur touristique luxembourgeois a beaucoup souffert de la pandémie. Depuis le début 2022, on connaît non seulement une reprise progressive avec un retour à la normale post-COVID, mais on a carrément enregistré en 2023 une année record pour le tourisme national. 

Le nombre d’arrivées a progressé l’année dernière de 8,5% [1,438 millions au total] et le nombre de nuitées a augmenté de 9,8% [3,475 millions au total] par rapport à 2019, année de référence pré-COVID. Cette reprise est venue plus vite que prévue et résulte d’effets de rattrapage postpandémiques, combinés à la demande toujours croissante pour les activités de plein air et en nature comme le vélo et la randonnée et du camping où le Luxembourg présente beaucoup d’atouts.

Quelles leçons de résilience le secteur tire-t-il du COVID ?

La crise du COVID a d’abord enseigné au secteur touristique l’importance de la réactivité et de la flexibilité, tant du côté gouvernemental pour ce qui est du soutien efficace au secteur, que du côté des entreprises et acteurs concernés en ce qui concerne leur adaptation rapide et permanente aux changements. 

Afin de remettre le tourisme sur le chemin de la reprise, un plan de relance « Restart Tourism » a été élaboré en juin 2020 dont les mesures principales visaient la stabilisation financière ainsi que l’adaptation au contexte sanitaire et économique des acteurs concernés. 

Avec les restrictions de voyage international qu’on connaissait à l’époque, nous avions aussi encouragé les résidents à découvrir les richesses touristiques de leur propre pays. Depuis lors, la campagne « Lëtzebuerg, dat as Vakanz ! » connaît tous les ans un succès grandissant. La pandémie a aussi accéléré la transition digitale dans le secteur. 

Les entreprises ont investi dans des plateformes en ligne pour faciliter les réservations et proposer des visites virtuelles. La numérisation aide encore aujourd’hui à maintenir l’engagement des visiteurs. On retient aussi du COVID qu’il est crucial de moderniser en permanence les infrastructures et d’assurer une qualité de service irréprochable. 

Depuis, le secteur a-t-il su et pu se réinventer, offrir de nouvelles promesses de destination ? Si oui, comment ? 

Les leçons tirées de la pandémie ont permis au secteur touristique de non seulement mieux survivre à la crise, mais aussi de se préparer à un avenir plus résilient et durable. La crise du COVID a mis en lumière l’importance de la durabilité dans le tourisme. Depuis, les différents acteurs ont véritablement progressé dans leurs efforts à intégrer des pratiques plus respectueuses de l’environnement dans leurs offres touristiques. Cela répond d’ailleurs à une demande croissante des consommateurs et contribue à la préservation des ressources naturelles. La durabilité joue également un rôle de plus en plus important dans le secteur des événements professionnels. 

Face aux défis actuels (inflation, manque de personnel dans la restauration et l’hôtellerie, changement climatique…) : comment le secteur compte-t-il là aussi s’adapter, se réinventer ?

Dans un contexte général de crise d’énergie, d’inflation et de manque de main d’œuvre il n’y a pas que le secteur touristique qui connaît des problèmes. D’autres secteurs économiques sont aussi impactés. 

La guerre en Ukraine, tout comme les conflits au Moyen-Orient, ont fait accélérer l’augmentation des prix de l’énergie et des matières premières pesant sur les marges des entreprises. En réponse à l’inflation qui en résulte, le gouvernement a instauré divers programmes d’aides directes, y compris la mise en place d’un plafonnement des prix pour toutes les sources d’énergie.

D’un point de vue environnemental et climatique, la meilleure énergie est évidemment celle que l’on ne consomme pas. Nous devons donc poursuivre nos efforts pour encourager et soutenir les entreprises à investir dans de nouvelles technologies pour consommer moins d’énergie ou pour produire et auto-consommer l’énergie renouvelable. Nous accélérons ainsi la transition écologique et énergétique de l’économie luxembourgeoise pour la rendre plus résiliente. 

Afin de remédier au manque de main d’œuvre qualifiée dans le secteur Horeca, nous devons mieux promouvoir les métiers du secteur. Je me réjouis aussi de la mise en place récente du Haut Comité à l’attraction, la rétention et le développement de talents. Un des axes stratégiques sur lequel ce comité se penchera est la facilitation du travail des frontaliers qui constituent un vivier très important de main-d’œuvre dans l’HORECA. 

Quelle (nouvelles) promesses touristiques, culturelles, culinaires, mémorielles le Luxembourg peut-il offrir à ses visiteurs et résidents ?

Le secteur touristique se réinvente en continu en mettant l’accent sur des expériences uniques et authentiques, allant des expériences culinaires raffinées mettant en valeur les produits locaux aux itinéraires culturels retraçant l’histoire et le patrimoine du pays. Il s’agit attirer une clientèle de plus en plus diversifiée et exigeante. Chaque année, la liste de festivals et d’événements culturels s’allonge qui mettent en avant la richesse et la diversité culturelle du Luxembourg. 

Le musée de l’Ardoise à Martelange par exemple met en évidence le potentiel du tourisme de mémoire, qui se décline aussi dans le patrimoine industriel.  En peu de temps, le site dans les Ardennes s’est implanté comme institution dans le paysage muséal luxembourgeois et de la Grande Région.

Les visiteurs peuvent également profiter de parcours mémoriels dans des sites historiques clés. Pour commémorer le 80e anniversaire de l’avancée des Alliés pour libérer l’Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous allons inaugurer en automne avec la « Libération Route Europe » un réseau de sentiers qui s’étendra sur près de 10.000 km en Europe. Le sentier passera aussi au Luxembourg par de nombreux lieux historiques et touristiques, dont le nouveau Patton Square à Ettelbrück. 

Après sa réouverture, le « Wäinhaus » à Ehnen constituera une des vitrines de l’oenotourisme au Luxembourg. D’autres projets sont la modernisation de l’exposition du musée des mines à Rumelange, la revalorisation touristique de l’ancien bateau Princesse Marie-Astrid ainsi que la rénovation du Musée européen. Celles-ci consolideront la renommée de Schengen comme lieu culturel et historique dédié à l’idée de l’Europe unifiée.

Actuellement, quels sont les pays d’origine, catégories de visiteurs ciblés ?

La plupart des touristes qui visitent le Luxembourg sont originaires des pays voisins comme de la Belgique et de l’Allemagne, sans oublier les Néerlandais. 

La demande de voyages en provenance des États-Unis a redémarré l’année passée, avec de nombreux voyages en Europe réservés à l’avance lorsque le dollar était élevé par rapport à l’euro. Nous ciblons des catégories de visiteurs variées pour lesquels les atouts du Luxembourg priment, incluant les amateurs de culture et d’histoire, les passionnés de nature et les voyageurs d’affaires.

Quelle est la stratégie touristique actuelle du pays ?

La stratégie touristique actuelle du Luxembourg se concentre sur la promotion de la diversité et de la richesse de notre offre, en mettant en avant notre patrimoine culturel, nos paysages naturels, et notre position centrale en Europe. Il s’agit aussi d’adapter l’offre existante aux besoins actuels, en particulier dans le tourisme actif, gastronomique et culturel. 

Nous mettons également un accent particulier sur le tourisme durable et l’innovation pour offrir des expériences uniques à nos visiteurs. Nous satisfaisons ainsi la demande accrue pour de nouvelles destinations en dehors du tourisme de masse.

Quelles sont les ambitions du pays et du secteur pour 2024 et 2025 ?

Pour 2024 et 2025, il s’agit de préserver l’impact économique et social considérable du secteur du tourisme national. Il est non seulement créateur d’emploi et moteur économique, mais il a en même temps une fonction centrale pour l’amélioration de la qualité de vie des résidents, des frontaliers et des touristes, ainsi que pour le développement durable du pays.

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