Le retour au bureau après le confinement imposé par le coronavirus oblige à repenser l’aménagement des espaces de travail avec un grand gagnant, le travail à distance, et une victime, les open spaces ancienne formule qui ont connu leurs heures de gloire mais à qui certains prévoient une disparition plus ou moins proche.
Occasionnel avant le confinement, le télétravail est devenu le lot quotidien de nombreux salariés dans le pays depuis le début de la crise sanitaire. Un nouveau mode de fonctionnement qui s’est imposé aux entreprises et qui a permis de maintenir un certain nombre d’activités malgré les difficultés imposées par le coronavirus. D’après les données du Statec, 55 % des salariés au Grand-Duché seraient en mesure de télétravailler alors qu’ils n’étaient que 15 % à le faire avant la crise. Les questions de fiscalité étaient alors au cœur des débats et les avantages du télétravail pour les salariés et les entreprises n’étaient pas vraiment une priorité.
Permettant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et privée, le télétravail offre pourtant une autonomie supplémentaire mais également une diminution de la fatigue et du stress avec une réduction importante des temps de transport notamment pour les nombreux frontaliers pour qui ce temps de trajet est précieux. Les salariés gagnent ainsi quelques précieuses minutes et peuvent consacrer plus d’énergie à leur travail, sans parler des avantages écologiques bien évidemment. Les arguments du télétravail sont donc légions et le Covid-19 aura prouvé aux plus réticents qu’il était possible de travailler de manière efficace depuis son domicile.
Vers un débat à la Chambre ?
Une majorité d’entrepreneurs et de politiques tirent désormais dans le même sens ; celui de continuer à mettre en place des mesures et des initiatives pour permettre aux salariés de travailler depuis leur domicile et ce, même après un potentiel retour à la normal. Même si ce changement s’est opéré sous la contrainte, réaliser un véritable retour d’expérience sur ce travail à distance imposé et subi est une belle opportunité pour construire les fondations d’une nouvelle manière de penser le travail de demain.
Le 10 avril dernier, une pétition a ainsi été publiée par un couple de travailleurs luxembourgeois sur le site de la Chambre des députés. Intitulé « Encourager les entreprises à pratiquer le télétravail par des incitants fiscaux afin de réduire significativement le trafic et la pollution atmosphérique aux heures de pointes au Luxembourg et d’augmenter la qualité de vie globale des salariés ». Alors que celle-ci a déjà recueilli plus de 3 000 signatures, on peut déjà imaginer qu’elle atteindra les 4 500 nécessaires pour que le sujet soit débattu à la Chambre des députés.
La fin des open spaces ?
Alors que le travail à distance connaît son heure de gloire, pas une semaine ne se passe sans que les médias ne prédisent la disparition des open spaces tels que nous les connaissons. Faut-il en conclure que la crise sanitaire sera l’occasion d’éliminer définitivement ces espaces de travail décriés depuis fort longtemps ? Le sociologue du travail Alain d’Iribarne les qualifie de « fabrique du contrôle social » où « chacun se surveille, écoute les conversations des autres ». Ils vont devoir être repensés, assure l’architecte et psychologue du travail Elisabeth Pélegrin-Genel. « L’open space a été densifié au fil des années, on a entassé les gens pour économiser des mètres carrés.
On va devoir dédensifier et revenir à quelque chose de sans doute beaucoup plus agréable car on ne sera pas collé les uns contre les autres. » Auteur en 2016 du livre Comment (se) sauver (de) l’open space ?, elle se dit aujourd’hui « assaillie de sollicitations pour installer des plexiglas » sur les plateaux de travail. « Comme dans Playtime de Jacques Tati. J’espère que ce ne sera que temporaire, qu’on ne va pas finir par vivre chacun dans son scaphandre, à deux mètres les uns des autres… »
Des aménagements qu’il faudra anticiper
Dans ce contexte, le bureau partagé « peut devenir une bonne solution de par sa facilité d’entretien » car il est plus facile de désinfecter un poste de travail vide de tout effet personnel, estime Mme Pélegrin-Genel. Le cotravail (ou coworking) permet pour sa part de renouer avec une ambiance de bureau dans des espaces dédiés, partagés par plusieurs entreprises, plus proches du domicile, permettant d’éviter des heures de trajet. « Le coworking est une alternative au domicile » pour Odile Duchenne, directrice générale d’Actineo, observatoire de la qualité de vie au travail, tout en permettant ce « travail à distance, grand gagnant » de cette crise. »
0n va de plus en plus travailler ailleurs que dans les immeubles de bureau », ajoute Mme Duchenne, mais « cela ne veut pas dire la fin du bureau ». Pour la dirigeante d’Actineo, « l’entreprise sera le lieu où l’on vient pour les réunions, le partage, la créativité ». Cela impliquera l’aménagement de « salles de réunion plus grandes, plus hautes de plafond, plus aérées ». Selon elle, une chose est certaine : « la crise marquera ces lieux » et l’on peut déjà apercevoir les prémices de ce que seront les bureaux du jour d’après.