Par Cadfael

Selon les observateurs, la plupart des enquêtes pour crimes et délits financiers contre des institutions financières en Suisse, se concluaient via des « Strafbefehl » ou ordonnances pénales. Des procédures qui permettaient de régler des infractions financières en toute discrétion, loin des feux de la presse. Il semblerait que le vent ait tourné.

Falcon Bank : les premiers

Selon « swissinfo.ch », la première banque Suisse passé en justice, est la Falcon Private Bank et son ancien directeur, pour blanchiment dans l’affaire « 1MDB » : un fonds souverain malais destiné à l’aide au développement. « La plus importante affirme de kleptocratie de l’histoire judiciaire moderne » commentait un ancien procureur général des États-Unis. On y trouve de la corruption et du détournement de plusieurs milliards de dollars impliquant le Premier ministre de Malaisie de l’époque et des hauts cadres de Goldman Sachs. Falcon aurait été un rouage dans les transferts de milliards de dollars et aurait également blanchi de l’argent pour un ancien responsable du fonds souverain d’Abou Dhabi. Ce fonds souverain était actionnaire majoritaire chez Falcon. Depuis, la banque est en liquidation et son portefeuille client a été transféré à One Swiss Bank. Selon « Le Temps », le ministère public de la Confédération a requis une peine de prison avec sursis plus une amende contre le banquier, ainsi qu’une amende de 2 millions de francs contre l’institution financière. Est également citée « Aabar Luxembourg », une structure dont le siège est à Abu Dhabi et qui réclame une compensation pour un préjudice de 150 millions.

Crédit Suisse : les seconds

Fin de l’année dernière, le procureur fédéral portait plainte contre Crédit Suisse, la seconde banque la plus importante du pays. Il s’agirait au départ de blanchiment dans une affaire de criminels bulgares. Le 19 octobre dernier, un communiqué du département de la justice américaine annonçait que Crédit Suisse et une de ses succursales anglaises avaient conclu un accord dans une fraude. Cette dernière concernait un financement de plusieurs milliards sur un projet de pêche au thon et d’achat de vedettes de garde-côtes au Mozambique. L’opération aurait été gardée secrète face au Fonds Monétaire International. Selon le communiqué le groupe devra payer 547 millions de pénalités et amendes ainsi que la restitution des montants détournés. Selon Bloomberg, des cadres du Crédit Suisse auraient reçu des rétrocommissions de l’ordre de 50 millions faisant partie de 200 millions de commissions destinées à des responsables mozambicains. Crédit Suisse s’engage face aux procureurs américains, à mettre en place une structure tierce afin de contrôler et de garantir le respect des lois au sein du groupe.

Une affaire parmi d’autres

Aux aventures mozambicaines, il faut ajouter une perte de 5.5 milliards dans « Archegos Capital Management » en défaut de payement depuis mars. Selon Reuters, un audit indépendant aurait constaté que ces pertes résultaient du focus que la banque portait à une maximisation des bénéfices. En oubliant une évaluation sérieuse des risques, la déficience du management et du contrôle sur son entité investissement.

Il y a également l’affaire de l’anglaise « Greensill capital ». Sa faillite a mis Crédit Suisse en risque pour 10 milliards de dollars : la banque avait vendu pour des milliards de dollars de titres de la société douteuse. En septembre dernier, elle annonçait avoir récupéré 6.3 milliards mais qu’il restait un trou de 2.3 milliards.

Des espions et des mensonges

Reuters précisait qu’en mars 2020, le CEO de Crédit Suisse avait dû démissionner pour avoir engagé des agents afin d’espionner l’un de ses cadres, passé à la concurrence. Un nouveau CEO a été mis en place en avril, le Portugais Horta-Osorio, précédemment CEO de Lloyds Banking Group. Il est le premier non Suisse à présider le groupe. Il a évidemment condamné les faits passés et s’est engagé dans une restructuration du groupe, ce qui permet d’avoir quelques espoirs.

Il n’en demeure pas moins que le comportement des grands groupes financiers, faisant porter le chapeau à des lampistes pour des transgressions probablement non ignorées en interne devrait être confronté à des contrôles étatiques ou/et internationaux plus rigoureux et nettement plus répressifs.

D’après Swiss.info, vingtaine d’enquêtes sont en cours contre des banques suisses ou des multinationales. La BBC fait apparaitre le nom de vieilles connaissances : Sepp Blatter, ancien Patron de la FIFA et Michel Platini, ancien directeur de l’UEFA, accusés de fraudes et d’autres délits par un procureur de Bellinzona dans une affaire qui remonte à 2015.