Elle incarnait la quintessence du style germano-pratin, et bien plus encore. Elle était un vent d’insolence et un éclat de rire dans l’univers froid et lisse de la mode. La créatrice française Sonia Rykiel est décédée ce jeudi 25 août.

Voilà des années qu’elle combattait ce «P de P», comme elle se plaisait à l’appeler, ce «putain de Parkinson».

Sonia Rykiel, c’était ça. Cette insolence fantasque, cette liberté de ton. Elle qui exhortait les femmes à «oublier les couturiers, faire la mode avec son corps à soi, son esprit à soi, cacher ce qui est laid, exalter ce qui est beau» a su imposer au cours des 40 ans qu’elle a consacrés au prêt-à-porter une vision totalement singulière.

Pourtant rien ne la prédispose à faire carrière. Alors qu’elle est encore une toute jeune femme, Sonia Flis ambitionne d’avoir 10 enfants. Elle en aura deux, Nathalie en 1956 et Jean-Philippe, en 1961 avec Sam Rykiel, qui possède une boutique de vêtements. Passionnée de lettres, elle n’envisageait pas un seul instant de faire carrière dans le milieu de la mode. Enceinte, elle a des envies de pulls moulants et de robe de grossesse. Elle ne trouve pas ce qu’elle veut alors elle les dessine. Sam les fait fabriquer. Son pull est exposé en vitrine, une amie, alors photographe pour le magazine Elle le publie en couverture. Nous sommes en1962, en quelques mois seulement Sonia Rykiel se fait un nom. Elle divorce et ouvre sa première boutique en 1968, à Saint-Germain, rue de Grenelle. Puisqu’elle se moque des qu’en-dira-t-on, elle n’hésite pas à oser, elle casse les a priori, débarrasse les vêtements des stigmates qui leur pèsent. Ses faiblesses, elle en fait des forces, et même sa marque de fabrique. Elle ne sait pas faire un ourlet? Ses jupes n’en auront pas. Les rayures et le tricot abandonnent leur côté désuet et deviennent sa signature, tant et si bien que le Women’s Wear Daily consacre la styliste française de «reine du tricot» en 1970. Sa liberté de ton déconcerte autant qu’elle séduit, tout comme ses silhouettes à la fois désinvoltes et sexy, à l’image de ses pulls à messages sur lesquels trônent les mots ‘Heureuse’, ‘Sensuelle’, ‘Lui’… Elle conquiert les cœurs des femmes émancipées, à son image: Catherine Deneuve, Jacqueline Onassis ou Lauren Bacall.

Il faut dire que Sonia Rykiel est un personnage. Ses cheveux roux, presque rouges, et un peu fous. Sa frange droite, ses yeux verts immenses et sa silhouette androgyne. Ses grands airs, son jeu d’actrice pour vous amadouer lorsque vous la rencontriez. Mais son grand cœur aussi. Ses modèles défilaient avec un grand sourire tandis que Nathalie, sa fille qui l’a rejointe dans les années 80, disait d’elle «elle est ma merveille».

Merveille de créatrice et de femme, elle qui a contribué à l’émancipation de la femme, milité pour le port du pantalon comme signe égalitaire «non avec les hommes, mais avec celles qui ont de belles jambes». L’humour incompatible avec le milieu guindé de la mode. Elle s’en fichait. Sonia Rykiel était cette icône incendiaire et libertaire. Et va beaucoup nous manquer.

 

Crédit photo: ©AFP Photo/Jean-Pierre Muller