Présidente de la Commission luxembourgeoise pour l’UNESCO, Simone Beck est aussi coordinatrice de ons stad, le magazine culturel de la Ville de Luxembourg, créé par son père. Après avoir été professeure d’histoire, de latin et d’allemand, elle a multiplié les engagements culturels et les missions prestigieuses. Cette passionnée de théâtre, férue de voyages et grande marcheuse, se raconte en toute convivialité. Rencontre fin mai au Café D’Gëlle Klack dans la vieille ville.

Par Karine Sitarz / © Vic Fischbach

Vous avez grandi à Luxembourg auprès d’un père très actif, quels souvenirs gardez-vous de cette enfance ?

J’ai aussi une mère qui, en six ans, a eu quatre enfants dont je suis l’aînée, et n’a jamais arrêté de travailler, elle était professeure d’histoire et de français et elle a été pour moi un vrai role model. Enseignante, j’ai réalisé l’énorme travail que cela a été pour elle de gérer en même temps sa famille et son travail… Mon enfance a été heureuse, il y avait toujours du monde à la maison et je me souviens des vacances d’été à la montagne, elles nous ont donné le goût des longues promenades. À 16 ans, j’ai passé une année magnifique à Milwaukee dans une famille avec laquelle je suis toujours en contact et après mon Bac américain, j’ai fait des études d’histoire, de littérature allemande et de latin à Fribourg-en-Brisgau en Forêt-Noire.

Qui vous a donné le goût de l’histoire ? Quand est née votre passion pour le théâtre ?

Ma mère très certainement, mais aussi mon père, juriste, passionné par l’histoire du droit et qui aimait l’architecture, les églises romanes et les cathédrales gothiques. J’ai eu la chance de vivre dans un environnement culturel, on avait beaucoup de livres à la maison et dès que le Grand Théâtre a ouvert, en 1964, j’y suis allée de façon régulière. Ma passion de spectatrice est née là. Aujourd’hui, j’y introduis des spectacles en allemand. Je voyage dans toute l’Europe pour découvrir des pièces. J’adore Milo Rau, ses spectacles sont bouleversants, j’aime aussi beaucoup la metteuse en scène allemande Anne Lenk et l’Australien Simon Stone.

Vous semblez avoir une attache toute particulière avec la Ville de Luxembourg…

Au sens étymologique, c’est une ville aimable, elle est belle, empreinte d’histoire même s’il y a eu par le passé certains péchés de commis au niveau architectural. Je trouve son histoire intéressante, sa topographie me plaît. On peut certes regretter qu’en 1867 la démolition de la forteresse ait été trop exhaustive, mais avec ce qui en est resté on a fait de belles choses et puis une ville doit s’ouvrir dans l’espace…

Vous y êtes revenue pour enseigner, un bon souvenir ?

En effet, après la fac, en 1975, mais j’ai fait plein d’autres choses : de 1993 à 1996, j’ai travaillé pour « Luxembourg, ville européenne de la culture de 1995 », de 2003 à 2005 pour l’Institut Pierre Werner, puis un an au Cabinet du Grand-Duc – un travail passionnant et un grand honneur – avant de reprendre les cours de 2006 à 2015. J’en ai un excellent souvenir même si je n’ai pas toujours aimé faire les corrections de fin de trimestre (rires). Mes six dernières années avec les élèves de l’International Baccalaureate de l’Athénée ont été un pur bonheur.

Vous avez aussi multiplié les missions à dimension internationale, qu’en retenez-vous ?

À la suite de 1995 et jusqu’au début des années 2000, j’ai été Secrétaire générale du Réseau international des Capitales européennes de la Culture. J’ai beaucoup voyagé, cela m’a ouvert les yeux sur une Europe ni financière, ni économique, mais culturelle et sociale. J’ai réalisé qu’on avait une chance immense de vivre sur ce continent, de vivre au Luxembourg au confluent de deux grandes cultures dont on maîtrise les deux langues.

« Une ville est quelque chose qui vit, il ne faut pas tomber dans la nostalgie d’un passé qui est de toute façon révolu »

Y a-t-il des endroits qui vous ont plus marquée ?

Il y a des lieux magiques, j’ai eu un frisson quand j’ai vu pour la première fois l’Acropole, un coup de cœur pour le port d’Anvers, mais aussi pour Lisbonne où je retourne régulièrement.

Revenons à la Commission de l’UNESCO. En quoi consiste votre mission ?

En 2015, année où j’ai pris ma retraite, on m’a proposé le poste de Présidente – un bénévolat à plein temps pour moi – alors que le nouveau gouvernement avait décidé de réanimer la Commission qui n’avait plus été convoquée depuis un certain temps. Notre mission est d’informer le public sur les programmes et les visions de l’UNESCO, d’organiser des événements de sensibilisation et de préparer les candidatures aux différents programmes de l’UNESCO et soumises à Paris où est notre maison-mère.

Sur quels projets avez-vous planché ?

Trois grands projets qui ont abouti : les onze communes du Pro-Sud ont été reconnues « réserve de biosphère » en 2020, témoignant ainsi leur vocation de devenir une zone modèle pour le développement durable. En octobre de la même année, l’art musical des sonneurs de trompe a été inscrit au Registre du patrimoine culturel immatériel. Enfin, en avril 2022, le Naturpark Mëllerdall est devenu géoparc mondial de l’UNESCO.

Y a-t-il une belle rencontre que vous aimeriez partager ?

Celle avec Spyros Mercouris, frère de Melina (ndlr : l’actrice, chanteuse et ministre grecque de la Culture Melina Mercouri), que j’ai connu dans le cadre des villes européennes de la culture. Il est devenu mon mentor et nous sommes restés amis jusqu’à sa mort. C’était un homme remarquable, magnifiquement intelligent, ma vie aurait été plus pauvre sans lui.