La Chine est le plus grand empire de la planète et son président peut être considéré comme l’égal de Mao Tse Tong, l’empereur rouge. L’Allemagne, en se jouant de la fragile unité européenne, vient de faire une génuflexion solitaire devant l’homme fort de Pékin.

Par Cadfael

Un jeu en solitaire

La visite à Pékin du chancelier allemand Olaf Scholz de vendredi dernier passe mal sur la scène européenne. Les efforts des derniers mois de la part de Bruxelles afin de freiner l’expansionnisme chinois ont reçu un camouflet. Premier pays du G7 à se rendre en Chine après le couronnement de Xi, cet aller-retour éclair interroge. Les leçons de la politique pro russe de Mme Merkel n’ont manifestement pas pénétré les grands esprits de la chancellerie à Berlin. A son retour, ses services ont largement communiqué sur le fait que le chancelier allemand et le dictateur chinois étaient d’accord pour avertir la Russie qu’une utilisation de l’armement atomique en Ukraine était à proscrire. Ils oubliaient de mentionner que selon les observateurs militaires occidentaux la Chine gonflait son armement atomique à une vitesse inquiétante. La presse officielle chinoise ne mentionne qu’un échange de vues sur l’Ukraine et l’opposition de Xi à l’utilisation de l’arme atomique en Ukraine, en précisant que cela ne changeait rien dans les relations avec Poutine. Et de recommander que l’Allemagne ne devait pas « être influencée par des confrontations de blocs et devait se libérer des influences de parties tierces/…/ au nom de bénéfices mutuels. La vente d’une participation importante dans le port de Hambourg à la Chine n’a pas été commentée.

Une dépendance économique sans précédent

Scholz, dont les bizarreries politiques font les choux gras des analystes, subordonne sa politique à la menace d’un découplage de son économie avec celle de la Chine. Douze des patrons des plus puissantes entreprises allemandes étaient de la partie. Dans un monde où les rapports de forces sont en mutation rapide et où Xi et Poutine ont proclamé en octobre dernier la nécessité d’une redéfinition de l’ordre mondial selon les critères d’un marxisme à la sauce Xi, l’orientation de la politique germano-chinoise montre où se trouve le pouvoir. Le patron de Volkswagen était du voyage. Le groupe, selon la presse économique allemande, réalise 37 % de son chiffre d’affaires total en Chine et y a vendu en l’année dernière 43 % de ses véhicules. Il s’est plié à la volonté de Pékin en initiant la construction d’une usine de montage en terre ouïghour, le no mans land par excellence des droits de l’homme.

Idem pour le patron de BMW. Avec 22.8% de son chiffre d’affaires réalisés en Chine et 34% de ses ventes de voitures, il a peu de marge de manœuvre. Son modèle tout électrique iX 3 est exclusivement produit en Chine. Il en va de même pour Adidas qui a découplé son business chinois, car jugé trop risqué. Le géant de la chimie BASF, dont la croissance en occident est considérée comme moyenne (3  à 4 %) a enregistré une croissance de 43 pour cent en Chine. La politique chinoise ne ferait pas l’unanimité au sein du Conseil d’Administration de BASF qui, selon les mêmes sources, a dû se plier à la volonté chinoise pour un investissement en cours de 8 milliards dans une usine dans la province de Guangdong. Il en va de même avec Siemens ou la très contestée Deutsche Bank. Comme le titrait le très sérieux quotidien anglais « The Telegraph » : « L’Allemagne payera le prix pour son histoire d’amour bizarre avec les dictatures ».

Où sont les maîtres du jeu ?

Les spécialistes soulignent que les trois quarts des batteries de véhicules électriques viennent de Chine. L’Agence internationale pour l’Énergie, avec siège à Paris, avertit que certaines matières premières nécessaires à la fabrication des batteries sont produites à 90% en Chine.

En avril dernier l’économiste Gabriel Colletis, professeur à l’Université de Toulouse, écrivait dans le journal « la Croix »: « Sortir de l’ultra-dépendance (de la Russie et de la Chine) affirmer la souveraineté de la France et de l’Europe, produire mieux des biens correspondants aux objectifs du développement durable constituent un triptyque autour duquel notre pays (la France) pourrait affirmer la recherche d’une voie nouvelle, celle d’un nouveau modèle de développement. » N’est-il pas déjà trop tard.