Un rapport de la Cour des comptes étrille l’ancien ministre de l’Economie Etienne Schneider pour la vente de terrains de l’Etat à l’industriel grec Fage à Bettembourg. L’opposition exige la transparence et veut entendre l’ancien ministre dont la gestion du dossier est jugée aussi personnelle qu’opaque.
Contacté il y a quelques semaines sur un tout autre sujet, l’ancien ministre socialiste de l’Économie, Étienne Schneider certifiait que la politique ne lui manque pas et qu’il est très satisfait de sa nouvelle carrière débutée il y a un an dans le privé. Il ajoutait qu’il s’en est tenu à ce qu’il avait toujours dit, à savoir ne pas occuper un poste ministériel plus de 10 ans. Mais aujourd’hui la politique se rappelle à lui pour lui reprocher sa gestion singulière de la vente, à Bettembourg, de 15 hectares de terrains de l’État à l’industriel grec Fage qui voulait y produire des yaourts. Après quatre ans de tergiversations, le projet a capoté en septembre, principalement pour des raisons environnementales liées à la forte consommation d’eau engendrée par ce type de production.
Le dossier n’est pas soldé pour autant et le 11 janvier la Cour des comptes a publié un rapport spécial délétère pour l’ancien ministre. Les magistrats s’interrogent tout d’abord sur les raisons qui ont poussé Schneider à privilégier la vente de ces terrains classés en Zone d’activité économique nationale (ZAE) plutôt que de conclure un contrat de droit de superficie, comme cela est généralement de règle. Après des mois d’enquête, ils n’ont pas obtenu de réponse à la question. Pas plus qu’ils n’ont su pourquoi le ministère des Finances n’a pas été consulté sur la vente, son avis étant pourtant rendu obligatoire par la loi de 1993 régissant les ZAE. Le rapport constate que la négociation menée de gré à gré entre Schneider et Fage ne s’est pas appuyée sur une étude d’impact économique et, surtout, qu’elle n’a fait l’objet d’aucune documentation quant à la détermination du prix, jugé inférieur de 25% à celui du marché (20.000 euros l’are au lieu de 25.000). La Cour accuse aussi l’ancien ministre LSAP d’avoir dissimulé des informations aux députés qui l’avaient interpellé sur le sujet. Bref, une gestion solo et opaque du dossier.
Les députés veulent de la clarté
Depuis, Fage a revendu les terrains à l’État au prix de 30 millions d’euros auquel il les avait acquis. Mais sans doute Fage se devait de faire amende honorable alors que ses dirigeants sont visés par une enquête du parquet pour 53 millions d’euros de frais de consultance versés à deux sociétés écrans.
L’opposition demande désormais des comptes au gouvernement par l’intermédiaire de la commission parlementaire du contrôle de l’exécution budgétaire, présidée par la députée CSV Diane Adehm. « Il y a encore des choses à tirer au clair », a déclaré en début de semaine l’élue chrétienne-sociale. Elle invite dès lors Schneider à s’expliquer devant la commission qui l’avait déjà placé sur le grill en 2020 pour le coût du satellite militaire Luxeosys, dont la facture avait grimpé de 170 à 350 millions d’euros. Dans la foulée, elle veut aussi auditionner le ministre des Finances, le libéral Pierre Gramegna, et Franz Fayot qui a succédé à Schneider à l’Économie et par là-même hérité de la patate chaude.
De nouvelles procédures
Au lendemain des législatives de 2018 qui avaient vu les socialistes réaliser leur pire score depuis des décennies, Franz Fayot jugeait que le LSAP doit renoncer au portefeuille de l’Economie en raison de sa connotation trop libérale. Il y a un an, il acceptait néanmoins le ministère occupé avant lui par les socialistes Robert Goebbels, Jeannot Krecké et Etienne Schneider. Mais il veut rompre avec les pratiques du passé. Deux jours après la publication du rapport de la Cour des comptes, il annonçait vouloir changer les procédures sur les ZAE en formalisant « davantage les échanges entre parties prenantes » et en mettant en place « un archivage plus poussé des processus décisionnels ». Il veut aussi élargir la concertation aux ministères des Finances, de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Classes moyennes.
Cette volonté de transparence n’efface cependant pas le passé, le dossier Fage constituant un « scandale » aux yeux de Diane Adehm. Et du pain béni pour l’opposition.
Texte par Fabien Grasser