Nulle apologie du rodéo urbain, point de départ de ce thriller porté par une actrice novice, mais Rodeo sort mercredi au cinéma alors que cette pratique illégale de la moto a causé des tragédies cet été, sans oublier la polémique née de propos de la réalisatrice.

Début août, le rodéo urbain est revenu dans l’actualité avec, notamment, deux très jeunes enfants percutés et blessés dans le Val-d’Oise. Ce qui a conduit le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, à dénoncer des actes “criminels” et intensifier la lutte contre cette pratique.

Le film français Rodeo – sans accent en référence au mot américain – est aussi escorté depuis sa projection à Cannes d’une polémique née d’une déclaration de Lola Quivoron, réalisatrice de ce premier long-métrage sélectionné dans la catégorie “Un certain regard”. “Les accidents, ils sont souvent causés par les flics, qui prennent en chasse, qui poussent les riders (motards) vers la mort”, lâchait-elle sur le média en ligne Konbini pendant le festival. 

“Le rodéo est un bon sujet de divertissement pour en faire un film mais la réalité des victimes et des riverains est bien différente”, lui a répondu le syndicat Alliance Police nationale sur Twitter.

“Pendant que certains montaient les marches à #Cannes et faisaient l’apologie des #rodeos urbains, un enfant de 5 ans était hospitalisé à #Pantin par ces délinquants de la route”, a renchéri fin mai SCSI, autre syndicat de police.

« Je n’incrimine pas la police »

“Je n’incrimine pas la police, je fais seulement un constat simple, écrivait la cinéaste fin juillet dans un communiqué. Oui, il y a des accidents, et je ne fais pas de généralités en les imputant exclusivement à la police”.

“L’adverbe de temps ‘souvent’ nuance le discours. Ce n’est pas parce que je précise cette réalité que je nie d’autres types d’accidents: des collisions, des piétons fauchés, des chutes tragiques, etc”, ajoutait encore la réalisatrice.

La sortie en salles de Rodeo ravivera-t-elle les débats ? Ce serait occulter un film qui vaut bien plus que l’odeur de souffre qui l’accompagne. 

Le cross-bitume – ici des motards qui squattent une portion de route désaffectée en Gironde pour réaliser des figures – n’est que la toile de fond inaugurale. Car le film bifurque très vite vers le thriller, la chronique sociale et le parcours initiatique, avec des inserts oniriques. 

On y suit le parcours de “L’inconnue”, personnage féminin fort, rarement vu à l’écran. C’est une louve solitaire, “née avec une moto entre les jambes” comme elle le dit dans le film, qui intègre une bande d’adeptes du cross-bitume qui vivent dans les marges, en périphérie bordelaise. 

« Une femme qui affiche sa liberté »

Les petits larcins cèdent le pas au projet d’un casse ambitieux, voilà pour la partie polar. Mais le plus intéressant est la plongée d’une jeune femme dans un environnement masculin, où elle se fera amis et ennemis. Sans oublier une belle séquence de sororité. 

La révélation du film, c’est Julie Ledru, novice qui joue l’héroïne. Repérée sur Instagram par la cinéaste, elle aussi est née avec un guidon de moto entre les mains dans une famille guadeloupéenne de la région parisienne, il y a un peu moins de trente ans. Précision: comme dans le film, elle n’est pas adepte des figures acrobatiques mais préfère les pointes en solo sur des portions de bitume oubliées.

Dès leur rencontre, les deux femmes ont trouvé la bonne carburation pour le personnage principal. “À l’époque, j’étais une personne seule, un électron libre. Lola a su m’écouter, ce qui ne m’arrivait pas à ce moment”, confiait Julie Ledru à Cannes.

Julie Ledru, en se livrant à la réalisatrice, a fini par débloquer un script ébauché depuis quatre ans et s’est imposée comme une évidence. “C’est super important de montrer une femme qui affiche sa liberté, sa posture, sa façon de parler et de s’imposer, pas forcément cordialement”, décryptait encore Julie Ledru.