Rien ne semble plus arrêter le chef René Mathieu. Après la publication – un véritable événement – en début d’année de son beau livre de recettes, sobrement et judicieusement baptisé Végétal, le chef belge – mais luxembourgeois de cœur – s’approche un peu plus près des étoiles. Alors que son restaurant occupait la 25e place l’année dernière, La Distillerie (Bourlingster) arrive cette année à la 4e place du We’re Smart World, qui récompense les meilleurs restaurants végétaux dans le monde et qui promeut le bien-être et le respect de l’environnement. Interview au retour d’une cueillette dans les bois.
En 2017, René Mathieu talonne donc le Franco-Espagnol Xavier Pellicer (Barcelone), Vrijmoed (Gand) et Blue Hill (Tarrytown, état de New York) dans ce tout récent classement. Créée en 2016 à l’initiative de Frank Fol, président des Maîtres Cuisiniers en Belgique, mais surtout féru de cuisine végétale, cette distinction entend saluer les chefs qui travaillent dans une démarche écologique et durable, mais également humaine, puisque des valeurs telles que la transmission, l’apprentissage, le souci de trouver des solutions intelligentes en faveur du corps humain, mais également de la nature sont au cœur des principes véhiculés par le site We’re Smart.
Une initiative que n’avait pas attendue René Mathieu qui, depuis plusieurs années déjà, a fait du végétal l’ADN, l’essence même de sa cuisine. Quand d’autres chefs ne les présentent qu’en accompagnement, il en fait le cœur de chacun de ses plats, la viande ou le poisson ne représentant que 30% de l’assiette.
Élevé en pleine nature, dans une famille qui a toujours fait honneur aux produits locaux et de saison, le chef n’a en effet de cesse que de réinjecter ces valeurs dans sa cuisine. Fruits, fleurs, herbes ou légumes sont donc associés comme des tableaux : l’incroyable dimension visuelle de son livre Végétal, où chaque recette s’accompagne d’un croquis aussi esthétique qu’alléchant.
Trois questions à René Mathieu
Qu’avez-vous éprouvé lorsque vous avez appris occuper la 4e place du classement We’re Smart World ?
De bonheur et de la fierté, bien sûr ! Comment aurait-il pu en être autrement ! Mais, encore plus que cela, une énorme satisfaction à titre non personnel. Que l’on accorde autant d’importance au végétal, et, par extension que l’on rende service à la nourriture, que l’on prenne soin de la nature compte encore davantage pour moi. Ce classement est important, car il symbolise l’évolution des mentalités.
La nature et le végétal ont toujours occupé une place prépondérante dans votre cuisine, mais à quel moment avez-vous eu le déclic d’en faire le centre de vos créations ?
J’ai été bercé par les légumes depuis ma plus tendre enfance. Mon père était garde-chasse et ma grand-mère a toujours cuisiné les légumes comme n’importe quel autre produit noble. Nous nous contentions de ce qu’on avait à portée de main et c’était très bien ainsi. Quand je suis devenu cuisiner, j’ai suivi le mouvement, les tendances. J’ai appris des gestes et des techniques que j’ai répétés, inlassablement, que j’ai améliorés. Et puis, j’ai eu 50 ans et cela a été comme un déclic et un retour aux sources. J’ai convoqué mes souvenirs d’enfance, la façon dont ma grand-mère faisait des des légumes, des fruits un véritable festin, rien qu’en y ajoutant quelques herbes et des épices et en soignant la cuisson. J’ai eu envie de transmettre cela. À mes enfants, bien sûr, mais également aux générations futures.
Pourquoi prônez-vous une alimentation plus végétale ?
Déjà parce que cela fait partie de mon histoire, de moins bagage gastronomique. Je ne suis pas végétarien, je consomme du poisson et de la viande. Mais je suis attentif à leur provenance, à leur origine. La surindustrialisation, la consommation de masse ont fait énormément de mal aux produits. Regardez le lait : de plus en plus de personnes y sont intolérantes. Et c’est normal, il a tellement été modifié. Nous ne buvons plus le même lait que celui que buvaient nos grands-parents. C’est un mal du siècle, et les agriculteurs n’en sont absolument pas responsables. Les lobbyings ont provoqué cela, les conséquences de la consommation de masse aussi. Il en va de même pour le gluten.
C’est pourquoi je prône une cuisine plus simple et plus saine, pour que l’on puisse toujours continuer à se faire plaisir et à se faire du bien en mangeant. Un plat végétal peut donner autant d’émotions qu’un plat « traditionnel ». Mais je suis confiant en l’avenir, les jeunes générations sont de plus en plus sensibles à ce message et sauront éduquer leurs enfants !
Crédit photo : Mickaël Williquet