Regine Yale est une passionnée de gastronomie. Ivoirienne d’origine elle décide de faire découvrir la cuisine africaine. En 2015, elle crée Afrikan Gourmet. Pionnier dans le secteur de la restauration mobile, Afrikan Gourmet est le premier food truck africain du Luxembourg.
Juillet 2016, Régine se lance à la conquête du Luxembourg, au volant de son camion noir et blanc, dans lequel elle propose des burgers exotiques aux sauces plus ou moins épicées, mais également des plats africains plus traditionnels. Recettes aux saveurs africaines et produits de qualités luxembourgeois, voilà un bien joli combo, qui mérite le détour.
S’il n’y avait qu’une seule chose à retenir de votre parcours, ce serait…
Victoire ! Faire découvrir l’Afrique à travers sa gastronomie était mon but!
Mon amour pour la gastronomie m’a poussé à me lancer dans la restauration. C’est après un séjour à Paris, en 2014, que j’ai découvert le succès des food trucks et notamment les food trucks africains. J’ai donc décidé de suivre une formation en restauration à l’Atelier des chefs, à Paris, avant de débute rmon activité, en 2016. Étant donné mes origines ivoiriennes, il était tout naturel, pour moi, de faire de la cuisine africaine, d’autant que j’étais seule sur ce créneau. Je suis la seule à proposer de la viande d’autruche d’Afrique du Sud élevé dans une ferme au Luxembourg, une viande santé par excellence. Je propose aussi des plats plus traditionnels africains tels que le Yassa, le Mafé ou le Chakalaka. Ma plus grande joie c’est lorsque le client vient demander de l’aloco, une banane plantain frite. Rencontrer des personnes qui connaissent le dialecte ivoirien atteste de l’intérêt des gens pour la cuisine africaine.
Avez-vous des regrets ?
Non, aucun regret !
Quelles difficultés avez-vous traversées dans votre carrière professionnelle et comment les avez-vous surmontées ?
Le plus difficile est sans aucun doute la solitude des débuts. Je devais penser à tout, m’occuper du marketing, de la vente, du commercial, de la comptabilité, de la gestion, trouver les emplacements… Et le plus dur encore a été de parvenir à trouver un équilibre entre ma vie de couple et mon activité. Une fois que nous l’avons trouvé, j’ai poursuivi avec toute la passion qui m’anime.
Le secteur de la restauration est un secteur réputé masculin. Être une femme est-il dès lors un atout ou un frein, selon vous ?
Être une femme est plutôt un atout lorsque l’on est aux commandes d’un food truck. Voir arriver une femme au volant de son camion, je vous assure que ça fait son petit effet (rires) ! Plus sérieusement, cela n’a pas tant d’importance, ce qui importe vraiment, c’est de proposer à nos clients de bons produits, une cuisine maison préparée avec passion. Si ce que vous proposez est bon et de qualité, les clients ne se préoccupent si c’est une femme ou un homme qui est derrière les fourneaux !
Qu’est-ce qui vous a séduit dans l’idée de créer un food truck plutôt qu’un restaurant ?
La liberté d’aller où bon me semble. L’avantage c’est que si un emplacement n’est pas très rentable, on peut tout de suite décider d’aller ailleurs là ou le client se trouve. Et cela permet de faire de belles rencontres !
Les contraintes sont-elles plus nombreuses ?
Oh oui ! Il y a la météo, dont on dépend énormément, trouver les bons emplacements, choisir les bons événements. Il faut tout le temps charger et décharger, sans parler de faire les courses, la cuisine et j’en passe. C’est un métier très physique et on ne s’ennuie pas : chaque jour comporte son lot de surprises.
Les food trucks sont une grosse tendance et la concurrence est rude. Comment parvenez-vous à vous démarquer ?
Afrikan Gourmet est un concept unique au Luxembourg : nous sommes pratiquement les seuls à proposer de la gastronomie africaine au Grand-Duché.
Est-ce plus difficile de diriger une entreprise lorsque l’on est une femme, selon vous?
Mon secteur d’activité nécessite une certaine force physique. Et puis, il faut savoir improviser, lorsqu’il y a une panne ou une coupure d’électricité… Ce n’est tous les jours de repos, et dans ces cas-là, je suis bien contente d’avoir un homme dans le camion.
Mais de façon plus générale, être femme reste, selon moi, un avantage. Les portes ont tendance à s’ouvrir plus facilement : les gens sont un peu plus à l’écoute, je pense.
Tout le monde peut-il être chef d’entreprise ?
Non, tout le monde ne peut pas devenir entrepreneur. Il faut avoir le profil. Créer son entreprise c’est accepter de prendre des risques, et, à l’incertitude s’ajoute la capacité de se projeter dans l’avenir. Il faut aussi maîtriser son environnement économique, avoir des connaissances comptables et stratégiques. Accepter de travailler de longues heures. Le travail est quotidien et pesant, surtout au début. Il faut être prêt à faire de nombreux sacrifices ! Et sans compter le stress en permanence !
De quelles qualités un chef d’entreprise doit-il faire preuve ?
Trois qualités sont nécessaires à un chef d’entreprise : être positif et savoir motiver son équipe, être pragmatique et savoir prendre de bonnes décisions et trouver les solutions pour faire avancer l’entreprise et surtout être courageux. Assurément l’entrepreneur est un battant. Il faut savoir diriger, conseiller et administrer. Savoir faire face à toutes les situations et accepter les critiques négatives. Il faut une certaine dose de confiance en soi. Enfin, il faut surtout savoir se faire entourer des bons partenaires pour faire face à toutes les situations.
Le management est différent selon que l’on est un homme ou une femme ?
Les femmes ont tendance à faire preuve de davantage de bienveillance dans leur management. Elles sont plus à l’écoute, en revanche elles ont besoin d’user de plus d’autorité d’adopter une attitude plus masculine afin de se faire respecter surtout des collaborateurs hommes.
Comment réussissez-vous à jongler entre vie perso et vie pro ?
Évoluer professionnellement sous-entend forcément faire des sacrifices personnels, de la même manière qu’entretenir son couple engendrera forcément des sacrifices professionnels. Concilier la vie de couple et ses ambitions professionnelles n’est pas facile. Il faut pouvoir gérer cette ambivalence. Heureusement, j’ai un mari qui me soutient à fond et m’aide énormément. Cette complicité est indispensable.
Quels sont vos projets dans le futur ?
Mon objectif est de développer l’entreprise en faisant l’acquisition de motos destinées à la livraison à domicile. Je voudrais également investir dans un nouveau camion, plus grand encore, ce qui me permettra du proposer du sucré également : des glaces exotiques, par exemple.
Enfin, et surtout, je souhaiterais développer une franchise Afrikan Gourmet, et avoir une cuisine centrale dans laquelle tous les plats seraient préparés en amont. Bien sûr, les burgers seraient toujours faits sur place devant le client.
Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent accéder à des postes à responsabilités ?
Je conseillerais de réfléchir à deux fois avant de se lancer (rires) ! Plus sérieusement, il est vraiment fondamental de toujours bien peser le pour et le contre, car l’entrepreunariat n’est pas toujours la liberté que l’on croit acquérir.