Michel Sarran dévoile trois recettes de burgers disponibles dans un type de restaurants que vous n’attendiez sans doute pas de la part d’un chef étoilé… Burger King ! Une collaboration qui soulève autant la critique que la controverse. Pourtant, il n’est pas le premier des représentants de la cuisine tricolore haut de gamme à céder aux avances d’une industrie alimentaire jugée qualitativement médiocre.
À la mozzarella, au fromage de chèvre ou au poulet ? Les nouveaux empilages en édition limitée de Burger King, qui seront disponibles jusqu’au 31 juillet sont signés par le chef Michel Sarran. La toque est bien connue des téléspectateurs pour avoir participé durant plusieurs années à l’émission de M6 Top chef en tant que membre du jury, aux côtés de Hélène Darroze et Philippe Etchebest. D’ailleurs, la chaîne de restauration rapide joue clairement sur cette notoriété en intitulant cette gamme “les Masters du Chef”, qui n’est pas sans évoquer l’émission de cuisine télévisée réservée aux amateurs Masterchef.
Sur la planète gastronomie, Michel Sarran est une référence pour les foodies avec son restaurant gastronomique situé dans la cité rose. Lors de la sortie du dernier guide Michelin début mars dernier, la table du Toulousain avait d’ailleurs abreuvé les gros titres en raison de la perte de sa deuxième étoile. Dans Le Parisien, le chef Sarran n’avait pas caché sa surprise autant que sa déception. “On a l’impression d’être désigné comme les mauvais élèves de l’année… Sincèrement, ça fait mal. C’est un coup de massue. L’ego en prend un coup. Ça fait 20 ans que j’avais ces deux étoiles. Mais il faut l’accepter…” avait-il confié.
Cet entretien avait été effectué par téléphone car le chef se trouvait à Dubaï. Raison invoquée : il réalisait la première ouverture à l’étranger de sa chaîne “Croq’Michel”, une enseigne lancée en 2020 pour redorer le blason du croque-monsieur avec une offre premium ; les prix démarrent à 8,50 euros l’unité. Présent à la gare de Lyon, à Paris, le concept s’appuie sur un concept de tour du monde des saveurs, avec des recettes au saumon fumé baptisées Helsinki ou Gascon, quand le croque-monsieur est préparé à base de fromage de brebis, de pommes de terre, d’ail et de sauce béchamel.
Ce rapprochement avec Burger King donnera sans doute du grain à moudre à ceux qui reprochent au chef de travailler avec ce que certains considèrent comme l’anti-chambre de la gastronomie, celle qui participe pourtant à écouler 2,6 milliards de burgers chaque année en France. Rappelons en effet qu’au pays de la gastronomie, où la restauration en hors domicile a retrouvé des couleurs avec un taux de pénétration à 97%, on s’alimente auprès de chaînes, dont le chiffre d’affaires est réalisé par la restauration rapide à hauteur de 75%, comme l’indique une analyse le cabinet Food Service Vision. Pour son arrivée à Dubaï, Michel Sarran avait d’abord testé le concept auprès de la population en tenant un food truck.
Des critiques qui ne sont pas nouvelles
Si le chef Sarran peut être critiqué pour avoir cédé aux avances du grand méchant loup de la street food, la gastronomie française a pourtant cédé depuis longtemps aux sirènes de formules accessibles, que les consommateurs ont longtemps cru médiocre d’un point de vue gustatif. Voilà plusieurs années que la SNCF met le paquet pour arranger les recettes servies dans les bars de ses TGV. Depuis l’automne dernier, c’est le grand chef étoilé Thierry Marx qui signe la carte. Et il faut reconnaître que cela marche : les gnochettis à la crème de gruyère et cantal, fèves et petits pois, sont bien meilleurs que l’offre des bars à pâtes toutes prêtes…
Bien avant le cuisinier reconnu du Mandarin Oriental, Michel Sarran s’était prêté au jeu de la compagnie ferroviaire. En 2016 déjà, il faisait face à un torrent de critiques. Michel Sarran avait à l’époque répondu que ce n’était pas honteux, soulignant que le projet constituait même un défi. Surtout, le chef d’entreprise avait rappelé que d’autres grands cuisiniers avaient répondu aux appels de la grande distribution, à l’image du chef triplement étoilé Michel Guérard, fondateur de ce que l’on a appelé la cuisine santé dans les années 70, et qui avait prêté son image aux produits surgelés Findus.
Plus récemment, c’est le candidat Top Chef Norbert Tarayre, à la gouaille réputée, qui était sorti du rang gastronomique en signant à plusieurs reprises diverses recettes de burgers pour la chaîne Quick. Il ne faut pas oublier non plus l’avalanche de commentaires malveillants publiés sur les réseaux sociaux à l’encontre d’anciens candidats de l’émission de cuisine de M6 qui avaient accepté de participer à une publicité vantant les mérites d’Uber Eats, la plateforme de livraison de repas qui stimule le secteur des “dark kitchens” (les cuisines fantômes), considérées comme une menace pour la restauration classique. Modulé pour être disponible uniquement en livraison, le concept propose en effet des prix ultra attractifs sur les menus puisqu’il n’intègre aucun coût lié aux frais administratifs et d’employés.